MVNO et VNO

Dossier par Djamel KHAMES, 1437 mots

Que ce soit dans le fixe ou dans le monde mobile, les opérateurs virtuels tirent leur épingle du jeu. Ils se différencient par des offres tarifaires attractives, des services souples et une certaine proximité clients. Ces atouts séduisent les entreprises.

MVNO et VNO L'émergence des opérateurs sans réseau dans la téléphonie mobile - Coriolis et Debitel par exemple - a vulgarisé le concept de mobile virtual network operator (MVNO). Pourtant, leurs confrères de la téléphonie fixe (FVNO) les ont devancés, tels Direct Line ou Golden Line. Le Code des postes et des télécommunications distingue, depuis 1996, différentes catégories d'acteurs du fixe par le type de licences que l'Arcep leur attribue : une licence L.33-1 à ceux qui disposent d'un réseau et une L.34-1 aux seuls fournisseurs de services.
Le marché du grand public doit être distingué de celui des entreprises. Le premier est attaqué par les grands groupes de la distribution et des médias : M6, NRJ, Universal, Fnac... Ils appliquent, à peu de choses près, une même recette, fondée sur des formules prépayées à prix cassés et un positionnement «jeune». Ils tirent la moyenne des prix vers le bas.
Les MVNO qui ciblent les entreprises, en plus d'être moins nombreux, offrent d'autres avantages par rapport aux premiers. En effet, leurs clients sont plus enclins à aller à l'étranger et devraient se connecter de plus en plus à leur entreprise en haut débit. «In fine, ils ont une facture moyenne plus élevée que celle des particuliers», précise Carole Manero, consultante à l'Idate.

MVNO, à la portée de tous

La baisse des tarifs de l'itinérance, voulue par la Commission européenne, peut mettre en danger certains MVNO, comme Transatel, qui s'est spécialisé, à ses débuts, dans des tarifs d'itinérance concurrentiels. Cet acteur a compris le danger et a déjà entrepris sa diversification avec succès. Il est devenu mobile virtual network enabler (MVNE), «c'est-à-dire qu'il est capable d'aider toute entreprise qui le souhaite à devenir MVNO», explique Philippe Vigneau, directeur du développement des affaires et de la communication de Transatel. L'opérateur Normaction, issu de l'univers du fixe, est son premier client. Celui-ci se concentre sur le marketing et la vente, pendant que Transatel gère, pour lui, la relation avec les opérateurs de réseaux, en l'occurrence Bouygues Télécom.
L'opérateur Ten est un cas particulier. Il cible les grands consommateurs de messagerie. Si bien qu'il intéresse aussi les petites entreprises ou leurs dirigeants. Le quotidien Metro, par exemple, a décidé d'abonner ses journalistes pour jouir de la messagerie électronique en push avec pièces jointes en illimité. C'est du Blackberry sans Blackberry. Jean-Louis Constanza, président du directoire de Ten, est d'ailleurs «fier de cette innovation maison qui démocratise le push e-mail».
Contrairement aux MVNO grand public, les spécialistes de l'entreprise ont rarement des stratégies qui se confondent. Neuf Cegetel, qui possède sa propre infrastructure fixe, se fournit en services mobiles chez son premier actionnaire, SFR. Il attaque les marchés du grand public et des entreprises simultanément. Sur le premier, il met l'accent sur les prix ; sur le deuxième, il prône la complémentarité des offres fixes et mobiles. D'ailleurs, les offres de mobilité pour l'entreprise sont commercialisées uniquement en option des offres fixes : 9 Office Mobile pour la voix, 9 IP Net pour les données et 9 Office Mobile Mail. Le mobile prend donc son sens en prolongation du fixe. «La nouvelle palette de services mise à la disposition des clients qui se déplacent - qui va du RTC-RNIS à la 3G+ en passant par l'ADSL et le Wi-Fi - leur donne une grande liberté de choix de connexion à un instant T à un endroit E», assure Alexandre Wauquiez, directeur du marketing vers les entreprises de Neuf Cegetel, ajoutant que «les notions de nomadisme et de mobilité tendent à se confondre».
Jean-Baptiste Pecchi, directeur du marketing de Futur Telecom, autre filiale à 100 % de SFR, qui a commercialisé des offres fixes avant de devenir MVNO, déclare que sa société «a pris pour cible les entreprises de un à cent salariés», celles que la maison mère a du mal à servir. En effet, les TPE consomment beaucoup moins que les grandes sociétés, mais elles ont besoin d'un service commercial et d'après vente aussi personnalisé. C'est la mission de Futur Telecom qui, selon Jean-Baptiste Pecchi, «se coordonne avec SFR, mais pas avec Neuf Cegetel, pour les adresser». Le point fort de cet acteur, c'est sa capacité à commercialiser du fixe, du mobile, de l'accès à Internet et des numéros spéciaux, avec une facture unique. Les chefs des petites entreprises plébiscitent cette approche qui leur fait gagner du temps en négociation et en traitement administratif.
Debitel, autre MVNO, affiche une grande expérience du mobile : il a commencé cette activité en 1992 en tant que société de commercialisation de services (SCS). Pascal Bouyat, directeur général, explique que «Debitel s'est diversifié aussi dans le marché des entreprises qui s'abonnent à trois à dix lignes et ayant un comportement proche de celui du grand public». Il précise que chacun de ces clients, qu'il sait exigeant, «a un gestionnaire de flotte dédié». Prix bas et commercial attitré : c'est le luxe dans la concurrence.

A chaque FVNO son créneau

Les opérateurs sans réseau fixe proposent aujourd'hui une grande palette de services, de la revente de minutes téléphoniques au VPN mondial sécurisé, en s'appuyant, pour le transport, sur les infrastructures d'opérateurs tiers, contre une rémunération.
Les entreprises clientes s'en félicitent, à la fois pour la qualité du service et pour celle de la relation commerciale (lire les témoignages p. 42 et 44). «Mais comme ils sont nombreux et atomisés, ils sont du coup moins visibles médiatiquement», remarque avec justesse Julien Jauffret, consultant chez Niji, une société d'ingénierie télécoms.
On compte deux types d'opérateurs sans réseau : ceux qui possèdent des équipements de commutation et/ou de routage et ceux qui n'en ont pas. Nguyen-Dat Dao, consultant chez Niji, en recense trois : «Le modèle orienté réseau privé virtuel, le modèle sans équipement propre et une variante du précédent, avec un seul équipement.» Les acteurs du premier modèle fournissent des VPN et concurrencent les opérateurs de classe internationale, Orange Business Services (OBS) ou Infonet (BT) par exemple. Ils se focalisent beaucoup sur le transport de données des grands comptes. Les acteurs du deuxième modèle se battent sur le marché de la «voix» et proposent de plus en plus la téléphonie sur IP (ToIP). Enfin, les troisièmes possèdent un autocommutateur, par lequel transitent les communications des clients. «Ils peuvent ainsi distribuer les appels sur différents opérateurs de boucle locale pour la terminaison d'appel, ce qui permet de faire jouer encore plus la concurrence», précise Nguyen-Dat Dao.

Des stratégies variées

Vanco a été le précurseur des opérateurs sans réseau au Royaume-Uni, avant de prendre racine en France. Sa cible est exclusivement formée de grands comptes auxquels il fournit d'abord des réseaux privés virtuels pour les échanges de données. Eric Havette, directeur général de Vanco pour l'Europe du Sud, insiste sur le fait qu'il n'a pas de catalogue : «On part d'une feuille blanche sur laquelle on note les besoins et les objectifs du client avant de lui proposer une, deux ou trois solutions sur mesure.» Vanco précise aussi contractuellement le niveau de la qualité du service, les temps de réponse en cas d'incident, etc. Il dispose aussi de ses propres centres de supervision.
Son jeune concurrent Cipris, devenu récemment la propriété de l'opérateur indien VSNL, a choisi le même métier mais une cible différente. Paul Donnely, directeur général de Cipris, déclare vouloir séduire «les entreprises de taille moyenne en Europe, hors Royaume-Uni, qui se développent à l'étranger, car elles sont de plus en plus délaissées par les opérateurs traditionnels à cause de modèles de vente inadaptés». Il a aussi préféré un modèle de vente indirect, contrairement à Vanco.
Il existe aussi d'autres FVNO - comme Alter Telecom et Alphalink ou Veepee - dont les stratégies sont éloignées. Ce dernier se concentre sur les sociétés ayant des spécificités fortes, les médias en l'occurrence. «Elles ont besoin, dans la presse écrite ou la radio par exemple, d'une disponibilité des réseaux très élevée mais pendant une courte période de la journée, avant les bouclages», explique Eric Rousseau, le P-DG. Pour parvenir à les satisfaire, Veepee n'hésite pas à doubler les routes de secours, ce qui totalise trois liens par client. Un record. Veepee a aussi développé un logiciel pour faciliter le transfert de fichiers volumineux, améliorer sa sécurité et son indexation. Très pratique pour les imprimeurs qui reçoivent les journaux numérisés avant leur impression.
Les opérateurs sans réseau séduisent, car ils ont compris que les entreprises réclament une prestation globale et une relation commerciale attentive. Certains opérateurs avec réseaux ont entendu le message, mais tardent, semble-t-il, à le mettre en oeuvre.

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