Edouard Barreiro
chargé de mission Technologies de l'Information à l'UFC-Que Choisir
"Free devra innover dans la manière de consommer la téléphonie mobile"
L'Arcep, gendarme français des télécoms, doit annoncer vendredi le résultat de la procédure d'appel à candidatures pour l'attribution de la 4e licence mobile. Sauf surprise, Free, devrait être désigné 4e opérateur mobile français. Edouard Barreiro, chargé de mission à l'UFC-Que Choisir, attend du nouvel entrant d'être innovant pour changer la manière de consommer la téléphonie mobile, et agressif dans les tarifs.
Question : Faut-il se réjouir ou redouter la très probable arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile ?
Edouard Barreiro : Les consommateurs doivent s'en réjouir. C'est pour eux une très bonne nouvelle car le marché de la téléphonie mobile est figé depuis de nombreuses années. Dans cette affaire, le consommateur à tout à gagner et rien à perdre. Free devrait stimuler la concurrence et bousculer un secteur qui est aujourd'hui en mauvais état, mais à condition d'être innovant, au risque de disparaître.
Question : Qu'attendez-vous du quatrième opérateur mobile ?
Edouard Barreiro : il doit être avant tout innovant dans la manière de consommer la téléphonie mobile. Il pourrait par exemple lancer des offres familiales où chaque membre piocherait les minutes dont il a besoin pour sa consommation personnelle, comme cela se fait déjà aux Etats-Unis. Il faut qu'il soit également très agressif en termes de tarifs et proposer des prix très intéressants. Enfin, ce nouvel opérateur doit se montrer respectueux des droits des consommateurs.
Question : L'UFC a lancé deux plaintes contre Free. Faut-il craindre des abus de la part de cet opérateur ?
Edouard Barreiro : Nous avons effectivement lancé deux procédures contre Free. L'une concerne la surtaxation des appels à sa hotline, et l'autre pour pratique commerciale déloyale et clauses abusives. Nous estimons que Free contourne la loi Chatel qui interdit les numéros surtaxés pour les hotlines. Et il y a aussi par exemple le cas où un client s'abonne via Internet. Une option, facturée 9,99 € par mois, est automatiquement pré-cochée alors que le coût total de l'abonnement reste affiché à 29,99 € par mois. Cette manoeuvre permet de cacher au client le coût total réel de sa facture. Il faut donc que cette société tire des leçons de son expérience dans le marché de l'ADSL pour se montrer exemplaire sur celui de la téléphonie mobile.
Question : Free est-il plus ou moins respectueux des droits des consommateurs que les autres opérateurs ?
Edouard Barreiro : A un moment ou un autre, chaque fournisseur d'accès à Internet est épinglé pour des contrats qui ne respectent pas les droits des consommateurs. Mais à la différence de ses concurrents, Free a la fâcheuse habitude de ne pas se plier aux décisions de justice, comme la loi Chatel, qu'elle contourne depuis 2008.
Question : En termes de prix, Free aura-t-il la capacité de se montrer aussi agressif que sur le marché de l'ADSL ?
Edouard Barreiro : Free va devoir investir des sommes conséquentes pour décrocher sa licence et installer ses infrastructures. Pour rentabiliser la construction de son réseau, il devra rapidement atteindre une part de marché suffisante. Pour y parvenir, il n'aura pas d'autre choix que de proposer des offres agressives afin de recruter un maximum d'abonnés. Comme pour le marché de l'ADSL, la percée de Free devrait causer un effet en cascade. Les autres acteurs devront suivre, à commencer par Bouygues Telecom, le plus petit des trois opérateurs actuels, et qui sera le plus impacté par l'arrivée d'un nouvel entrant.
Question : Quelles ont été les conséquences de l'arrivée d'un nouvel opérateur mobile dans les autres pays européens ?
Edouard Barreiro : En Grande-Bretagne comme dans les pays d'Europe du nord, les petits opérateurs arrivés tardivement se sont faits rachetés par les plus grands. La tendance est à la concentration. Cela dit, mieux vaut avoir quatre opérateurs, avec un ou deux petits acteurs qui lancent des offres innovantes pour faire face à la concurrence, que quatre gros opérateurs qui se partagent des parts de marché équivalentes.