Michaël Boukobza
Directeur Général d'Iliad (Free)
Free prend de vitesse tous ses concurrents. Après le Wimax, le FAI a annoncé un vaste plan fibre optique. Michaël Boukobza, Directeur Général d'Iliad, maison mère de Free, nous explique comment le groupe va investir 1 milliard d'euros sur 6 ans dans le FFTH.
« Avec la fibre, nous investissons dans notre indépendance »
R&T : Quelle est votre stratégie sur le Wimax ?
Michaël Boukobza : Une chose est certaine, nous avons bien fait d'acheter Altitude Télécom.
Nous sommes dorénavant les seuls à disposer au travers d'Altitude Telecom d'une licence Wimax nationale. Rétrospectivement, à 55 millions d'euros, nous avons acquis cette activité à un prix convenable. Nous sommes partis d'un constat simple : aujourd'hui, les utilisateurs cherchent de plus en plus à se connecter à internet en situation nomade. C'est un lien de vie pour les personnes itinérantes. Cependant, la technologie n'est pas encore totalement mature. Intel a prévu de commercialiser ses premiers laptops Wimax en 2008.
N'attendez pas de notre part des annonces sur les tarifs ou la couverture. Nous parlons peu. Laissez nous un peu de temps...
R&T : Pourquoi vous êtes vous lancé dans le FTTH (Fiber To The Home) ?
M.B. : Les opérateurs n'ont pas perçu le virage de la fibre optique. Nous nous lançons dans le FTTH parce que nous avons la conviction que la fibre est l'avenir des télécoms fixes. Ce postulat de départ est indéniable et inéluctable. Nous débutons aujourd'hui parce que les déploiements sont longs. Nous allons investir 1 milliard d'euros sur 6 ans. Nous visons les zones où nous comptabilisons 15% d'abonnés sur les lignes fixes. L'objectif est de changer les Freebox adsl par des Freebox optiques chez ces abonnés. Nous investissons dans notre indépendance. Nous tirerons de la fibre dans les égouts, parfois nous effectuerons du génie civil, et nous déploierons de la fibre, immeuble par immeuble, jusqu'à l'abonné.
R&T : Un déploiement de la fibre pour quels usages ?
M.B. : Avec la fibre, nous allons pouvoir assurer un débit symétrique et un débit de plusieurs dizaines de mégabits avec des prestations de haute qualité. L'adsl fournit un débit asymétrique au maximum de 28 Mbps. Et encore, pour profiter de ce débit, il faut être proche d'un DSLAM (répartiteur). La fibre permettra de développer les services : TVHD, échanges de fichiers vidéos, applications médicales à domicile... Le haut débit va accélérer les usages, comme ce fut le cas en passant du RTC à l'adsl. Mais, nous ne pouvons tout dévoiler de suite...
R&T : Pouvez-vous nous expliquer votre modèle économique ?
M.B. : Dans un premier temps, nous allons progressivement proposer de la fibre à un peu plus de 15% des 4 millions d'abonnés sur les zones cibles identifiées. Nous allons investir 1 milliards d'euros sur une technologie optique qui a une durée de vie de plusieurs dizaines d'années.
Le coût moyen de raccordement d'un abonné (à l'intérieur de son domicile) s'élève à 1500 euros. Lorsque l'immeuble est déjà fibré, raccorder un abonné supplémentaire revient à 350 euros (installation et envoi de Freebox). Sur la base de ces chiffes, le retour sur investissement ou Cash Pay Back est de 6 ans. Mais si par exemple notre part de marché augmente de 15 à 20% sur notre population cible, le Cash Pay Back descendrait alors à 4 ans.
C'est sans parler des possibilités d'accroissement de l'ARPU qui amélioreraient d'autant notre modèle économique. Actuellement, l'ARPU augmente grâce à la téléphonie sortante payante, aux appels entrants, aux ring back tones, aux abonnements aux chaînes de télévision, au bouquet Canal Sat, à la Vidéo à la Demande... Mais nous étudions toutes sortes de services à valeur ajoutée autour de la Freebox. Pour finir, nous allons ouvrir le réseau de FTTH à d'autres opérateurs. Cette mutualisation, à un prix pertinent, nous permettra encore plus de rentabiliser notre déploiement.
R&T : Comptez-vous acquérir d'autres réseaux optiques, comme celui de CitéFibre ?
M.B. : Le rachat de CitéFibre est une opportunité qui nous fait gagner d'un coup 3 000 km de réseau, 4 000 prises et environ 500 abonnés. C'est le seul acteur que nous puissions acquérir. Les autres (ndlr : Erenis) ont déployé un réseau qui techniquement diffère du réseau tout optique que nous souhaitons mettre en place.
R&T : Fort de ce réseau fibre, comptez vous approcher le marché entreprise ?
M.B. : Bon nombre d'entreprises et de professionnels utilisent nos Freebox. Ils utilisent aux mieux les possibilités de l'adsl. Cependant, c'est un marché que nous n'adressons pas.
C'est en effet une cible extrêmement difficile. Nous ne souhaitons pas nous disperser. Nous sommes un groupe profitable et nous entendons le rester.
R&T : Un mot sur la convergence fixe-mobile, qu'en pensez-vous ?
M.B. : Nous sommes pragmatiques. La technologie n'a de sens que si elle apporte quelque chose au consommateur. La facture unique c'est bien, mais ce n'est pas révolutionnaire. Pour que les offres de convergence fixe-mobile fonctionnent, il faut que l'avantage tarifaire soit indéniable. Les prix sont déjà bas sur le fixe, il faut donc que la baisse soit très forte sur le mobile. Et ce n'est pas du tout le cas actuellement... C'est pourquoi, nous avons choisi de lancer une offre avec des terminaux mixtes. Le consommateur garde son opérateur mobile et conserve ainsi sa liberté de choix. Chez lui, il peut téléphoner avec son mobile à travers la Freebox HD et ainsi bénéficier de nos tarifs téléphoniques avantageux.
R&T : Alors, pas de volonté de devenir MVNO ?
M.B. : Aujourd'hui les conditions réglementaires et tarifaires ne sont pas réunies. Nous ne voyons pas l'intérêt de devenir MVNO parce que nous nous ne percevons pas l'avantage que nous pourrions proposer au consommateur.