Jérôme de Vitry
Président de Completel
En 2006, Completel déploie largement son réseau sur le territoire national. Jérôme de Vitry, son président, revient sur la politique active de l'opérateur sur le dégroupage et sur le positionnement PME.
R&T : Où en êtes-vous de votre déploiement national ?
Jérôme de Vitry : Nous sommes en train d'étendre le périmètre de notre réseau. Nous sommes mêmes en avance sur nos objectifs. Nous dégroupons sur 110 agglomérations alors que nous en prévoyions 80. L'architecture du réseau s'articule autour de trois composantes : le longue distance, le MAN et le dégroupage. Jusqu'à présent, nous louions de la capacité à d'autres opérateurs. Actuellement nous déployons sur 2300 km notre propre backbone pour relier les villes Completel. Nous utilisons la fibre noire des autoroutes, de Telia, de RTE, d'Interoute... Ce réseau sera finalisé pour cet été. Sur le métropolitain, nous mixons achat de fibre et génie civil. Enfin, sur la boucle locale, nous allons dégrouper près de 600 NRA. Les opérations se passent correctement avec France Télécom. Le dégroupage est rôdé mais il faut cependant rester rigoureux dans nos démarches.
R&T : Comment s'effectue l'arbitrage entre la fibre et l'adsl ?
JDV : Notre objectif est de trouver la meilleure adéquation entre la fibre et l'adsl. C'est un arbitrage purement économique. Par exemple, sur Bordeaux et Montpellier, nous utilisons en partie les réseaux fibres déployés par les collectivités locales et nous dégroupons. Lorsqu'il n'y a pas de fibre disponible, nous effectuons du génie civil. A Chartres, nous avons combiné dégroupage et génie civil pour raccorder un client important. En dernier recours, nous utilisons le réseau DSL de France Télécom pour les zones non dégroupées
R&T : Comptez-vous utiliser d'autres technologies comme le Wimax ou le laser optique ?
JDV : Nous étions candidats aux licences Wimax et nous avons finalement jeté l'éponge. Il y avait en effet pléthore de candidats, nos chances de succès étaient faibles. Le processus d'attribution ne nous est pas favorable. Nous ne sommes pas prêt à payer pour une licence. Cependant la technologie reste intéressante en complément de la fibre et de l'adsl sur les zones d'ombre. C'est pourquoi nous soutenons le consortium HDRR (TDF, Axione, LD Collectivité, Naxo). Nous utiliserons le Wimax pour les compléments de couverture si la QoS est satisfaisante et le coût intéressant. Nous sommes plus perplexes sur le laser optique : trop dangereux et trop soumis aux intempéries.
R&T : Combien investissez-vous et quand comptez-vous redevenir profitable ?
JDV : Nous investissons de façon récurrente 30 millions d'euros par an sur les réseaux de nos clients. Ensuite, le projet d'extension nous coûte 120 millions d'euros sur un an et demi. Nous sommes profitable depuis fin 2002. Avant le plan de déploiement, notre cash-flow était positif. Il l'est resté pendant neuf mois. Evidemment nous investissons énormément en homme et matériel. Nous comptons donc revenir à un cash-flow positif dans deux ans. Nous sommes confiants, nous n'avons pas eu jusqu'à présent de mauvaise surprise.
R&T : Comment allez-vous atteindre vos objectifs ?
JDV : Avec la fibre optique, nous sommes compétitifs sur la cible des grands comptes. En mixant la fibre et l'adsl, nous devenons compétitifs sur le marché des PME. Actuellement, nous réalisons 80% de notre chiffre d'affaires entreprises (150 millions d'euros en 2005 sur un total de 190) sur les grands comptes. La part des PME va croître rapidement. Le marché de gros est un de nos autre axe de développement. En effet, jusqu'à présent, nous étions un petit acteur. Grâce à notre nouveau réseau et à une conjoncture favorable avec la fusion Neuf-Cegetel, nous avons une sérieuse carte à jouer. Nous avons déjà scellé des accords stratégiques avec Afone et Darty. Afone nous rétribue 15 millions d'euros pour bénéficier à prix très bas de notre réseau de dégroupage. Ils commercialisent ensuite une offre TPE. Darty vient quant à lui d'annoncer son entrée sur le marché des FAI.
Pour finir, nous développons notre gamme de services. Le trafic data croit de 40% par an alors que la voix augmente de 5%. Nous sommes quasi les seuls en région à proposer du gigabit ethernet. Nous sommes aussi très bien positionnés sur l'IP VPN national. D'autre part, nous nous développons sur les services VoIP. Nous comptons aujourd'hui 2500 clients entreprises (1700 PME, 800 grands comptes publics et privés) et réalisons un CA moyen par client d'environ 6000 euros/mois. Cette moyenne va baisser mais nous allons augmenter notre parc de clients.
R&T : Justement, que proposez vous en VoIP ?
JDV : Nos nouveaux clients font de la voix sur IP en toute transparence. Nous les avons quasiment tous migré sur un réseau IP. Au delà du trunking IP, nous sommes en cours d'élaboration de notre offre de centrex IP à destination des PME. Nous avons installé des softswitchs Nortel mais sommes encore à l'étude sur notre choix de plateforme Centrex IP. Les équipementiers Nord Américains ont des standards un peu différents, ce qui entraîne des problèmes de compatibilité sur les fonctionnalités à valeur ajoutée. Nous regardons du côté des constructeurs Européens, comme Cirpack par exemple. Nous devrions commercialiser notre offre début 2007. Nous ne sommes pas en retard, France Télécom ne pousse guère son offre et Neuf Cegetel l'a repoussée. Nous allons bien entendu proposer des offres d'IPBX hostés et managés, mais pas dans une offre sur étagère mais lors de projets spécifiques via nos partenaires intégrateurs.
R&T : Continuez-vous à embaucher ? Les spécialistes sont rares ?
JDV : Nous sommes d'ores et déjà 650 et atteindrons les 700 personnes en fin d'année. Nous avons embauché tous types de profils. Il est vrai que nous avons senti un certaine tension sur le marché de l'emploi. Les profils techniques pointus sont rares et les prétentions salariales s'envolent. Notre équipe technique est quasiment au complet, nous continuons à recruter des commerciaux.