Serge Dujardin
Vice-Président Ventes France « Alcatel Enterprise Solutions »
Nouvellement arrivé (janvier) à la tête de la division solutions d'entreprises d'Alcatel, Serge Dujardin réaffirme l'importance de ce marché au niveau du groupe. Il nous parle de la menace Asiatique et revient inévitablement sur la stratégie ToIP.
R&T : Quel impact aura la fusion Alcatel/Lucent sur les clients Français ?
Serge Dujardin : Je ne suis pas habilité à vous donner des informations à ce sujet et vous renvois aux communiqués de presse disponibles sur notre site. Le seul élément officiel que je peux vous transmettre est que la division Alcatel Enterprise Solutions deviendra une Business Unit à part entière.
R&T : L'une des raisons de la fusion est de faire face à la menace Asiatique. Est-elle active sur votre marché ?
S.D. : Les Chinois sont très présents sur le marché opérateurs, où l'utilisateur final est en fait très peu impliqué. Sur le marché des entreprises, ils ont à faire face à deux obstacles majeurs : ils ne localisent en général pas leurs produits et ne maîtrisent pas forcément les circuits de distribution. Ainsi, les logiciels, les guides d'installations et les menus, sont soit en Chinois, soit en Anglais. Cela ne pose pas de problème chez un opérateur où les équipes techniques sont rompues à la langue de Shakespeare. Mais dans les entreprises Françaises, c'est plus difficile. C'est aussi valable dans d'autres pays Européens. Alcatel par exemple a sorti des produits spécifiques, localisés, sur les pays de l'Est, notamment en Russie.
Ils vont certainement résoudre le problème, mais ce n'est pas une mince affaire. Les architectures logicielles ne sont pas forcément faites pour être localisées. Il faut bien souvent ré-écrire le code. Sur les équipements de base, tels les routeurs ou les switchs, nous commençons à rencontrer de concurrents chinois. Mais sur les produits évolués, ils sont totalement absents.
Ensuite, créer un réseau de partenaires et de revendeurs se fait sur la durée. Alcatel a beaucoup investi dans son réseau de vente. Difficile donc pour un concurrent chinois d'approcher ce marché sans appui. Vous savez, les clients entreprises n'achètent pas uniquement sur un prix facial. Elles poussent leur réflexion en terme d'amélioration de la productivité. A savoir, combien cet équipement va me rapporter. Si à l'achat le produit est moins cher, mais qu'au final il demande beaucoup d'investissements en formation, maintenance et support, elle pourrait au contraire enregistrer une baisse de leur productivité.
R&T : A force de promouvoir la ToIP, affichez vous de belles réalisations ?
S.D. : La stratégie « hybride » d'Alcatel est payante. Les DSI ont des contraintes budgétaires importantes. Lorsqu'ils renouvellent leurs PABX ils choisissent un IPBX mais ne déploient pas forcément de l'IP partout. Pourquoi en effet jeter systématiquement tous ses postes analogiques ? Nous préconisions d'installer des postes IP quand cela a du sens, pour des applications métiers bien précises. De plus, il faut impliquer les utilisateurs qui n'ont pas forcément l'envie et le besoin de changer de postes. Le client choisit ainsi sa façon de migrer, à son propre rythme. Nous gagnons de nombreux clients sur des projets IP et notamment contre Cisco.. Certes, nous n'affichons pas victorieusement une référence de 40 000 postes IP chez un grand de l'aéronautique, mais nous multiplions les succès ces derniers mois. Nous venons de remporter le marché d'une grande banque pour installer 4 000 agences bancaires en IP. Le potentiel est de 120 000 postes environ. Et nous, nous déployons ce que nous vendons.
R&T : Les constructeurs et les opérateurs s'engouffrent dans la convergence fixe-mobile. Pensez-vous que ce soit un réel besoin en entreprises ?
S.D. : Les entreprises cherchent avant tout à réduire leurs factures téléphoniques, notamment mobiles. Nous fournissons des passerelles fixes-mobiles, à installer sur les PABX, qui remportent un vif succès. Sur la convergence en tant que telle, je pense que les offres trouvent leur place lorsqu'elles permettent d'améliorer la productivité et de réduire les coûts. C'est également une problématique d'opérateurs. Nous leur vendons nos solutions pour qu'ensuite ils packagent de façon optimale les offres afin de séduire les entreprises.
R&T : Avec le développement des offres IP en ASP, IPBX hostés et IP Centrex, ne craignez vous pas de perdre des parts de marché en entreprise ?
S.D. : Nous faisons en sorte que lorsqu'un opérateur ou un intégrateur commercialise de l'IPBX hosté, il le vende en utilisant nos solutions. C'est ainsi une opportunité pour gagner des parts de marché. Nous travaillons avec France Télécom, et discutons avec tous les opérateurs et intégrateurs, avec comme préoccupation la nécessité de garantir et conserver un très fort niveau de service sur tout notre réseau de distribution.. Par ailleurs, , nous sommes assez circonspects sur les offres de certains acteurs. Le choix entre IPBX, IPBX hosté et IP Centrex, s'effectue en fonction de la criticité des applications de l'entreprise. Les sociétés ont besoin d'un minimum de garantie de services. Le client doit se poser la question : « est-ce que je suis en mesure de continuer mon activité si mes téléphones ne fonctionnent plus ? ». La question de la pérennité est également à prendre en compte. Certains opérateurs nouveaux entrants sur le marché de l'IP n'auront à terme que peu de choix : se faire racheter ou fusionner. Les marchés IPBX et IPBX hosté sont complémentaires de notre business model traditionnel ; et nous comptons conserver notre leadership sur ces deux marchés.