Pierre-Alexandre Fuhrmann
Directeur Général Délégué chez Aastra Matra
Selon le cabinet Frost & Sullivan, en 2006, Aastra Matra se positionnait comme le 3ème constructeur européen sur la téléphonie d'entreprises ; et le premier en France sur la ToIP selon le cabinet MZA. Ces positions sont cependant fortement convoitées. Pierre-Alexandre Fuhrmann, Directeur Général Délégué chez Aastra Matra, nous explique comment l'équipementier fait face à l'arrivée de Microsoft, aux agressions de l'open source et à la menace Asiatique.
R&T : Percevez-vous l'arrivée de Microsoft sur la ToIP comme une menace sévère ?
Pierre-Alexandre Fuhrmann : Oui c'est une menace car Microsoft va concurrencer certains de nos produits de CTI et de messagerie unifiée. Il suffit pour l'entreprise de posséder un serveur Exchange et d'acheter des licences pour faire des communications unifiées. Cependant, l'arrivée de cet acteur majeur est aussi bénéfique. Il va contribuer à évangéliser le marché. Les produits existent depuis quelques temps, mais le fait que Microsoft les présentent avec force va les rendre plus visibles. Il va mettre en exergue les nouveaux services et les gains de productivité liés.
Pour finir, Microsoft est aussi un partenaire. Nous sommes en phase de référencement sur différents niveaux d'interopérabilité sur nos trois plateformes (Nexspan, Ascotel et Opencom). Nous nous appuyons pour cela sur un middleware qui nous interconnecte avec OCS et Exchange 2007.
La grande différence d'Aastra Matra par rapport à la concurrence est que nous sommes les champions de la téléphonie sur IP ouverte. Nous respectons les standards SIP.
R&T : Et Asterisk ?
P.A.F : Même réponse, l'open-source est à la fois une menace et une opportunité. Nous sommes partenaires de Digium (l'éditeur d'Asterisk). En effet, une entreprise qui choisit un serveur SIP Open-Source doit pouvoir y connecter sans problème nos postes SIP. J'estime cependant que l'open source offre des fonctionnalités bien inférieures à nos systèmes. Mais, les éditeurs marquent des points car ils s'appuient sur des canaux de distribution différents des nôtres. Ils adressent des marchés où nous sommes absents. C'est pourquoi, nous souhaitons nous implanter sur ce secteur.
R&T : Avez-vous de belles références en ToIP ?
PA.F. : Le 5 et 6 juin prochain, nous réunissons notre club utilisateurs dans les Vosges. Nous sommes hébergés par le Conseil Général qui a déployé 800 postes IP Aastra Matra sur 13 sites. Nous comptons nombre de clients de ce type. Nous bâtissons notre réussite sur des entreprises de taille moyenne, plus que sur les grandes références uniques.
R&T : Quelle est votre relation avec les opérateurs ?
P.A.F : Nous avons une offre de téléphonie hébergée avec Orange Business Services (My Business Téléphony). Nos équipements Nexspan pemettent d'autre part de faire directement du trunking IP avec les opérateurs (offre Business Talk IP chez Orange). L'entreprise s'affranchit ainsi des accès primaires et secondaires.
En Centrex, nous sommes très présents sur le marché Américain. Nous fournissons aux opérateurs des postes SIP ouverts, s'intégrant à tous types de softswitchs. En Europe, nous avons une grande compagnie d'assurance en référence (11 000 postes), avec T-Systems. Nous sommes en discussion et en tests d'interopérabilités avec un certain nombre d'opérateurs en France.
R&T : Si vous ne vendez que des postes IP, vous risquez de souffrir !
P.A.F : Le métier évolue. Nous vendons de plus en plus de licences et de moins en moins de matériels à proprement parlé.
R&T : Pourquoi êtes-vous absent du marché des postes Wifi ?
P.A.F. : Malgré l'apparition du Wifi, il y a de plus en plus de DECT en entreprise. La technologie est plus robuste et moins coûteuse. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur la technologie DECT sur IP et misons sur l'essor des terminaux bi-mode GSM/WIFI, construits par d'autres équipementiers comme Nokia. Toutefois, nous allons introduire à la rentrée un terminal WiFi (Aastra 312i) pour répondre à la demande de certains de nos clients.
R&T : Ne craignez vous pas la concurrence des postes SIP Chinois à prix cassés ?
P.A.F : Quand vous achetez un poste IP Chinois à 70 euros, vous en avez pour votre argent. La QoS n'est pas bonne. Il n'est pas rare d'avoir de l'echo. Il est certain que les constructeurs Chinois arrivent sur le marché, et que les utilisateurs seront tentés d'acheter leurs produits. Mais, ils ne sont pas si intéressants que ça. Nous apportons bien plus de services qu'eux.
R&T : Ils sont par contre absents du marché des IPBX en Europe. Comment l'expliquez-vous ?
P.A.F : Les Chinois adressent le marché des opérateurs car il est plus facile à aborder : interlocuteurs réduits, négociations directes en anglais... Il est beaucoup plus difficile de venir bousculer les canaux de distribution du marché entreprises. Ils pourraient le faire en acquérant un équipementier Européen. Globalement, que ce soient NEC en Europe ou Samsung aux US, les asiatiques se sont cassés les dents sur le marché des entreprises.
R&T : Que vous apporte le récent partenariat avec HP Procurve ?
P.A.F : Nous sommes complémentaires. HP apporte sa compétence Data et Aastra Matra amène ses compétences en téléphonie. Cette collaboration commerciale et marketing nous permet de lutter à armes égales face à Cisco sur certains appels d'offres.