Wifirst, vivants grâce aux étudiants
Marc Taieb, Directeur Général de Wifirst, explique son modèle économique de hot-spots.
R&T : Précurseur sur le marché des hot spots, comment expliquez-vous votre succès ? Marc Taieb : Nous sommes nés d'un constat. En 2002 ,date de notre création, il était impossible de se connecter à l'Internet à haut débit sans fil avec son propre ordinateur. Wifirst avait comme première ambition de créer des "cabines téléphoniques Internet". Le modèle était rentable dans le cas où le réseau était suffisamment étendu et si les investissements étaient partagés avec le propriétaire de la zone couverte (café, restaurant, hôtel...). Dès qu'Orange est entré dans la course, Wifirst n'était plus capable de se différencier. En effet, Orange finançait totalement les déploiements. Cet argument surpuissant est venu contrarier nos ambitions. Wifirst a donc accentué son développement dans un secteur très spécifique : les étudiants. L'Ofup est alors entré au capital et a apporté sa connaissance du terrain, son marketing et surtout son immense force de vente. Aujourd'hui, Wifirst fait transiter plus de huit millions et demi de minutes sur son réseau par mois. R&T : Comment expliquer ce fort trafic, surtout face à des opérateurs plus puissants ? M. T. : Orange nous a légèrement dépassés. Ce n'est pas très étonnant, car ils disposent de plusieurs milliers de hot spots et de vingt millions de clients. Les étudiants sont très demandeurs d'Internet. Nous avons proposé une offre illimitée pour satisfaire cette demande. Wifirst reçoit tous les jours des courriers d'étudiants qui nous remercient de leur fournir ce service à un prix très bas (19,90 euros TTC par mois, soit 4,5 euros TTC si on retire le prix de l'abonnement téléphonique). Sous l'impulsion de l'esprit Ofup, nous avons totalement cassé les prix. Nos efforts ont payé. Le ministère de l'Education nous a soutenu en nous intégrant comme seul opérateur dans l'opération «Internet, déclaré d'intérêt tout public». R&T : Quels usages les étudiants font-ils du Wi-Fi ? M. T. : Principalement du mail, du chat, de la voix sur IP (Skype ou Wengo) et des téléchargements divers. Ce qui est frappant, c'est la montée en puissance de la voix. Les étudiants apprécient les offres gratuites de téléphonie sur IP. Nous recevons beaucoup de mails pour réclamer des combinés Wi-Fi mobile à des prix abordables. R&T : Luttez-vous seuls ou scellez-vous des partenariats ? M. T. : Nous avons mis en place trois accords de roaming. Le premier avec Tiscali est un roaming uniquement pour leurs clients sur notre réseau (roaming «entrant») avec leurs coupons «prépayé universel». Le deuxième avec Naxos : roaming de nos clients sur leur réseau (roaming «sortant»). Et, pour finir, un accord avec Excilan : roaming entrant un peu spécial : un client peut surfer sur notre réseau en tapant son numéro de téléphone portable. Il est facturé par son opérateur mobile, et nous facturons l'opérateur mobile par l'intermédiaire de la société Excilan. Les opérateurs de grosse taille se comportent plutôt bien. SFR et Orange nous ont fait des propositions concrètes pour nous interconnecter directement. Nous devrions aboutir dans les prochains jours. Une des priorités est de nous interconnecter à Neuf Cegetel pour accéder à son réseau de gare SNCF. R&T : Que pensez-vous du modèle de hot spots gratuits de Google, supporté par la publicité ciblée ? M. T. : C'est un modèle économique que nous avons envisagé dès 2003. Nos simulations nous avaient alors amenés à douter de sa rentabilité. En effet, pour rapporter de l'argent, ce modèle nécessite un nombre très important d'utilisateurs, ce qui, en retour, requiert un réseau vaste et robuste, et donc très coûteux. Un géant tel que Google a peut-être les moyens d'investir des sommes colossales dans des projets risqués, mais il est plus probable qu'il cherche avant tout l'effet d'annonce. Quoi qu'il en soit, nous observons avec intérêt leur expérience dans la baie de San Francisco (c'est déjà un objectif considérable) : quand ils auront rempli cet objectif, nous verrons s'ils décident d'étendre l'expérience.