Vodafone et Liberty Global veulent échanger des filiales en Europe
Le câblo-opérateur américain Liberty Global, très implanté en Europe, négocie avec l'opérateur mobile anglais Vodafone, non pas pour une fusion mais pour un échange de participations. L'américain, l'un des seuls dans son secteur à être sorti de ses frontières, a besoin d'alliés, et Vodafone doit revoir ses participations afin de de devenir plus profitable.
Selon un analyste d'Exane BNP Paribas, Kohulan Paramaguru, Vodafone chercherait à vendre son activité allemande à Liberty Global, tout en acquérant Virgin Media, la filiale britannique du même Liberty Global. Vodafone a confirmé ces pourparlers. Ce serait un échange d'actifs, alors que quinze jours auparavant, on parlait de fusion des activités européennes des deux entreprises. La logique industrielle l'emporterait sur la logique boursière, l'analyste d'Exane observe que le 4 juin, l'action Vodafone perdait 1,7%, signe que les marchés sont déçus par la perspective d'un échange d'actifs préférée à une fusion plus large.
Le dossier est suivi de près par le monde des télécoms en Europe. La recomposition du secteur est jusqu'à présent le fait d'opérateurs historiques. Avec Vodafone et Liberty Global, il s'agit d'acteurs transnationaux spécialisés, dont l'un, l'américain dans le câble. Depuis plusieurs mois, le câble revêt en Europe un enjeu très fort, avec des positions anciennes au domicile des particuliers, dans la partie terminale des réseaux d'accès fixes, ce qui intéresse tout opérateur voulant développer du quadruple play.
Vodafone, trop centré sur les mobiles
Les deux acteurs se sont portés au premier rang de la restructuration en Europe ces dernières années. Vodafone en achetant Kabel Deutschland en 2013 pour 7,7 milliards d'euros et l'espagnol ONO en 2014 pour 7,2 milliards d'euros. Le britannique s'est également défait de sa participation dans Verizon Wireless aux Etats-Unis en 2013 pour la bagatelle de 130 milliards d'euros, dont 58,9 en numéraire ce qui lui donne des capacités financières redoutables. Encore faut-il définir une stratégie. Vodafone affiche des résultats annuels en recul depuis deux ans. Sa position d'opérateur centré uniquement sur les mobiles le pénalise, la concurrence s'aiguise et il voudrait devenir un acteur du quadruple play, si possible par croissance externe pour gagner du temps. Liberty Global, pour sa part, est un pur acteur du câble, agressif et rentable, mais qui qui veut sortir de son pré-carré pour aller vers le mobile.
Vodafone et Liberty Global discutent d'échanges de participation sur deux pays, l'Allemagne et le Royaume-Uni. En Allemagne, Vodafone compte une filiale pour le mobile et une autre pour le câble, Kabel Deutschland, dont il vient d'achever le rachat initié il y a deux ans. « L'Allemagne est un marché important mais notre performance n'est pas satisfaisante», soulignait Vittorio Colao, le PDG de Vodafone, lors de la récente présentation trimestrielle des résultats. Vodafone fait face à la concurrence des acteurs low cost et au retour de Deutsche Telecom qui a rendu ses activités mobiles encore plus concurrentielles.
Liberty Global avide de croissance externe
De son côté, Liberty Global détient déjà Unitymedia GmbH, le deuxième plus grand câblo-opérateur d'Allemagne. L'acquisition des actifs de Vodafone lui donnerait une plus grande part du marché local du haut débit ainsi qu'une capacité plus forte sur les mobiles. Liberty Global a récemment renforcé sa présence en Belgique en reprenant pour 1,5 milliard de dollars Base, filiale de KPN Telecom NV, l'opérateur néerlandais. Il avait acquis précédemment le réseau de Mobistar, numéro deux des opérateurs mobiles en Belgique. Sa volonté est clairement, partout où ce sera possible en Europe, d'aller vers le mobile, que ce soit par croissance externe, ou dans le cadre d'un partenariat avec Vodafone.
Au Royaume-Uni, Vodafone est à la recherche de la meilleure façon de devenir un fournisseur quadruple play. Le rachat par BT d'EE attire les clients mobiles de Vodafone. Le renfort de Virgin Mobile ne serait pas de trop pour Vodafone. Acheté par Liberty Global pour 24 milliards de dollars mi-2013, Virgin Media exploite le troisième plus grand réseau haut débit au Royaume-Uni par le nombre de clients, ainsi que la télévision payante de Sky. Toutefois, il dépend d'un accord de gros avec EE pour ses offres mobiles. Son propriétaire, quel qu'il soit, va devoir intervenir auprès de l'Autorité de la concurrence pour que BT, nouvel acquéreur d'EE offre des conditions d'accès acceptables sur son réseau.
Bloqués par les opérateurs historiques d'un côté, les low cost de l'autre, Vodafone et Liberty Global discutent d'un accord pour unir leurs forces. Principalement sur deux pays, mais ils sont également présents dans plusieurs autres : République tchèque, Hongrie, Irlande, Pays-Bas et Roumanie.
En illustration : Vitorio Colao, PDG de Vodafone dispose de réserves financières mais manque encore d'une stratégie et de proies pour sa croissance externe.