Vista : cancer ascendant rustine

le 24/01/2007, par Marc Olanié, Actualités, 1094 mots

Que de hargne, que de grogne, que de rogne. Si l'on en croit les éditos frais pondus du jour, Vista serait à l'informatique de demain ce que les boîtes de Petri sont aux laboratoires d'immunologie. A commencer par notre éminent confrère du Monde Informatique, Christophe Bardy, qui dépeint Windows NT 7.0 comme une théorie de rajouts, de fonctions accolées, de modules ficelés comme dans un dessin d'Albert Dubout. C'est la rançon de l'héritage technologique, de l'époque des « compatibles IBM-PC ». Du passé faisons table rase*, pense mon cher confrère. Jetons ces oripeaux matériels aux orties et repensons le PC, tout comme Apple eut le bon goût de le faire. Une opération radicale qui, doit-on le rappeler, a pourtant failli coûter la vie à l'opéré... Ajoutons que le « parc » de personnes concernées par la « révolution Apple » est légèrement plus restreint que celui qui serait touché par le «Tsunami » Microsoft. Non, pas Microsoft, mais Wintel. Ou plus exactement WintelAmd64. Voir, pour être plus précis, WintelAmd64, les OEM de Taiwan, 90% de l'industrie du logiciel US, du clan Dell-Compaq-IBM... Mais comment peut-on imaginer faire la révolution avec une armée de généraux mexicains ? Chez Apple, au moins, il n'y a qu'une seule tête... c'est toujours plus pratique lorsque l'on veut se renverser soi-même. En outre, s'il existe bien une clientèle de personnes persuadées qu'en informatique comme en automobile, il n'est nul besoin de pouvoir accéder à ce qu'il y a sous le capot, la grande majorité des acheteurs aime l'idée même que cela reste possible. On rêve d'une Velsatis, on s'achète une Logan non seulement parce qu'elle est moins chère, mais encore parce que l'on peut toujours taper sur le delco avec un manche de tournevis, sans nécessiter un passage au ban électronique (celui de Renault, copyright Flins, all rights reserved by the Réseau of concessionnaires). Voilà qui ressemble un peu là l'idée des « boîtiers d'extension pour portables » que Toshiba ou Compaq conservaient à leur catalogue sans jamais parvenir à en vendre un seul. Ils -ces boitiers- n'étaient là que pour rassurer le client quant à une hypothétique extension, une éventuelle « personnalisation ». Or, comme le souligne finement mon camarade de rédaction Christophe Bardy, ce radicalisme du changement chez Apple est la conséquence directe d'un culte du « matériel propriétaire et fermé» évangélisé depuis l'apparition de l'Apple IIGS, essais transformé par le Mac128 et son tournevis Torx au long bec emmanché d'un long cou, Mac OS, le Finder et la quasi disparition des « commandes en ligne ». Think Different, d'accord, mais avec le même outil que ton voisin. Vista et les productions Microsoft essuient depuis déjà fort longtemps le feu nourri des défenseurs du code « Ouvert ». Que l'éditeur tente d'imposer une base matérielle « fermée et propriétaire », et, dans la minute qui suivra cette annonce, une avalanche de procès anti-trust atterrira sur le bureau du DoJ. Les dents grincent déjà assez avec ces histoires de puces TMP (Trusted Platform Module). De toute manière, pensent les esprits chagrins, cela fait belle lurette que Microsoft impose discrètement sa conception de l'architecture matérielle à l'occasion de ses grand-messes WinHEC. A l'heure des DRM, de l'appropriation du contenu de l'usager, de la prise en otage de ses propres documents, la moindre illusion de libre-arbitre pèse bien plus lourd aux yeux de l'acheteur-utilisateur que toutes les théories visant à brûler ce que l'on a adoré* histoire d'informatiser plus intelligent. Ouvrons ici une parenthèse pour préciser que, bien entendu, cette théorie ne s'applique qu'au secteur purement informatique. Dès que l'on sort de cet univers technique, ce n'est plus du tout la même histoire : Zune, Xbox, Mira (le mort-né) et très probablement les prochains WHS, çà, ce sont des machines « fermées » de manière plus ou moins drastiques. Tiens... quel est le point commun entre l'édito de Christophe Bardy et les prolégomènes de Tristan Nitot ? Tous deux comparent l'objet de leurs aversions à Herr Doktor Frankenstein. A sa « créature » du moins. Si, pour l'éditorialiste de LMI, le « monstre » c'est ce qu'est devenue l'architecture PC, pour le patron de Mozilla Europe, c'est une fois de plus ce sinistre DRM. Là, tout le monde est dans le même sac, puisque les deux larrons qui tentent de s'accaparer « l'industrie de la culture » (quel bel oxymore) ne sont autres que les protagonistes de l'article précédent. L'on passe d'un héro romantique imaginé par Mary Shelley à une tragédie cornélienne : Apple et Microsoft sont dans le même bateau, les ventes tombent à l'eau, qu'est-ce qui reste ? La réponse, chère Frau Blücher, se trouve peut-être du côté des artistes -ceux qui ne sont pas des industriels par définition et par construction- qui tentent de diffuser en partie leurs oeuvres via le « ouèbe deux-zéro », les blogs, les Myspace, YouTube et autres WebIP-TV privées. La musique sans protection risque-t-elle d'encourager les pirates ? Voilà une question qui ressemble un peu à celle qui oppose les « logiciels libres » et les programmes bureautiques propriétaires. Le « gratuit d'incitation » n'excite-t-il pas les plus bas instincts du consommateur en lui faisant perdre l'habitude de payer ? Ca, c'est ce que l'on voudrait bien nous -les consommateurs responsables- faire trancher par voie de référendum. La véritable question n'est pas là. Car ce n'est pas l'habitude de payer que nous risquons de perdre, mais l'habitude de la diversité que nous risquons de retrouver. Un peu moins de Fatal Bazooka et un peu plus de Kamini, un peu moins de Beyoncé et un peu plus de temps pour réécouter « My favorite things » de et par John Coltrane, quelques jours après la disparition d'Alice. Un peu moins de Vista 2.0 pre-release et d'Office 2009 for Performing Enterprise 9.0, encore un peu de Windows 98/Star Office qui demeurent suffisants dans bien des cas. Forcément, tout çà ne peut pas plaire aux marchands d'oeuvres formatées et à usage temporaire. La véritable écologie de l'esprit consiste non pas à refuser le progrès sous toutes ses formes, mais précisément à le maitriser techniquement pour savoir conserver ou chercher ailleurs ce que la force de l'habitude, la paresse et le conformisme douillet tentent de nous imposer de changer et de consommer sans trop que l'on sache pourquoi. Achevons ce chapitre d'antimicrosoftisme primaire avec ce papier à retardement de BBC Online qui remet sur le tapis l'analyse de Peter Gutmann mentionnée dans les colonnes de CSO France en décembre dernier. Quand un médium du calibre de la BBC se fait l'écho des anti-Vista, ça représente un manque à gagner que seul un tableur multidimensionnel et travail via portail collaboratif est capable d'estimer.

*NdlC Note de la Correctrice : Citation d'un air populaire connu. Les DRM de cette chanson sont à reverser aux descendants de Monsieur Eugène Pottier, auteur, et Pierre de Geyter, compositeur.

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