Tribune libre Niji : Free, 4ème opérateur mobile ?
Philippe Giummarra, consultant spécialisé en VoIP et Mobilité chez la société de conseil et d'intégration Niji, revient sur les enjeux du Wimax et la possible ascension de Free en mobilité.
L'actualité du WiMAX ( WiMAX : World Interoperability for Microwave Access) est aujourd'hui en mouvement perpétuel. Free, il y a quelques mois déjà, a fait main basse sur la seule et unique licence nationale en rachetant une partie des activités de l'opérateur Altitude Telecom. Depuis, tous les acteurs du marché se sont lancés dans la course à la candidature d'une des 22 licences régionales restantes. Le FAI du groupe Iliad nous a habitués à prendre des options technologiques et marketing en rupture avec la concurrence. Sur quel plan Free, et sa nouvelle licence fraîchement acquise, va-t-il alors se positionner ? Pourquoi pas la téléphonie fixe mobile et le marché de la convergence... Une des applications connues du WiMAX consiste à déployer des solutions d'accès Internet haut débit en zone blanche : les portées et débits qu'offre cette technologie de transmission de données sans fil permettent de rentabiliser des installations en zone rurale, là où l'ADSL ne pourrait le faire. Mais les perspectives d'offres de services sont beaucoup plus larges et dès 2006 l'évolution de la norme permettra le lancement d'offres de mobilité... Pour peu que les équipementiers suivent le pas. Cela semble être d'ores et déjà le cas, puisque trois acteurs majeurs des télécoms se sont engagés autour du WiMAX, Nokia et Motorola ayant chacun conclu une alliance avec Intel. Quand on sait la force de persuasion dont disposent ces trois géants, le WiMAX devrait facilement s'imposer dans les PC portables et probablement dans les téléphones mobiles. L'offre « Centrino » d'Intel, poussant le WiFi sur le marché, en est la meilleure référence. On voit mal quels éléments pourraient alors freiner Free et son expansion toujours plus forte ... A moins que l'histoire ne se répète et que le développement du WiMAX ne connaisse le même échec que celui de la BLR (Boucle Locale Radio)... La BLR, un petit frère au lourd passé La BLR a connu en son temps le même élan d'enthousiasme que le WiMAX aujourd'hui. Elle symbolisait la révolution de l'accès au client final en s'affranchissant du contrôle de l'opérateur historique. Le dégroupage n'était pas à l'époque une réalité du marché comme il peut l'être aujourd'hui. Le développement de la BLR a du faire face à un contexte difficile : d'une part, des régulations trop fortes ne laissant pas assez de liberté aux acteurs et d'autre part une technologie limitée ne pouvant s'affranchir d'une visibilité directe entre l'antenne et l'abonné. D'un point de vue technologique, les évolutions en télécommunications permettent aujourd'hui d'effacer les faiblesses des anciennes technologies radio. Le WiMAX, dans une approche simplifiée, affiche les avantages du GSM en terme de portée et du WiFi en terme de débit. Les premiers tests en zone urbaine ne sont pas aussi convaincants que prévu mais gageons que ces particularités techniques seront d'ici peu maîtrisées. D'un point de vue législatif, la problématique est toute autre. Début 2006, l'ARCEP ( Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) accordera les 22 licences régionales aux candidats répondant le mieux à ses critères de choix ; le client final disposera alors de 3 acteurs différents : 2 acteurs par région et un opérateur national (Free). Le WiMAX va donc devoir jouer d'accords d'interopérabilité forts s'il veut garantir une couverture nationale. Sur ce point, Free bénéficie d'une place de choix mais il reste encore à voir s'il va se positionner en tant que fédérateur ou cannibaliser le marché de la mobilité. Technologie concurrente ou complémentaire ? Sur le marché de la mobilité, le Wimax s'impose en tant que technologie concurrente aux accès haut débit WiFi et 3G. Free pourra dès lors s'improviser opérateur intégré en offrant des prestations basées sur des terminaux mobiles. Le client bénéficiera de son offre triple play allant de la téléphonie illimitée jusqu'à l'accès Internet en passant par la télévision. Compte tenu des contraintes et des coûts de déploiement, Free pourra choisir de procéder par étape, en lançant par exemple des offres de mobilité « gratuites » d'abord réduites à l'échelle des grandes villes. Avant d'élargir à une couverture nationale, tout en Wimax ou complétée par des accords MVNO... En réponse à cette menace, les opérateurs mobiles n'auront d'autre choix que de pousser les offres de convergence sur terminaux hybrides, utilisant le Wimax dans la zone d'habitation, et donc un mode de tarification bien moins avantageux que les forfaits mobiles actuels. Le Wimax leur sera néanmoins également utile pour désengorger leur réseau 3G sur les zones à forte densité. L'apport d'un deuxième vecteur de services à un marché alors beaucoup plus éduqué aux applications multimédia sera un atout précieux pour le dimensionnement de réseau. Scénario du pire pour les opérateurs mobiles ? L'agressivité qu'a toujours affichée Free pourrait encore une fois pousser une offre que personne n'attend et venir percuter le monde très fermé de la téléphonie mobile. Les usages de la Voix sur IP et de l'Internet mobile ne faisant qu'augmenter, ces problématiques arriveront très rapidement sur le devant de la scène. S'il est impensable que les géants du secteur que sont SFR, Bouygues Télécom et Orange se laissent dépasser et perdent des parts de marché, il était tout autant impensable que le Free des années 2000 rogne autant de clients à l'opérateur historique. Avec l'attribution des licences régionales début 2006, l'arrivée des premiers terminaux en 2007 et les exemples de scénarios chez nos voisins européens, le futur du WiMAX devrait très vite se préciser.