Tribune Libre : Le DVB-H prend la pole position en Europe
Fortement plébiscitée en Europe, la norme ouverte DVB-H suscite l'engouement de nombreux industriels et autres acteurs du marché de la TV mobile. La commercialisation des premières offres de services est attendue pour début 2007.
Plusieurs centaines de parisiens regardent actuellement les grandes chaînes nationales sur l'écran d'un téléphone portable prototype testant ainsi les futurs services de TV mobile des opérateurs. Sans le savoir, en tant que représentants des futurs téléspectateurs nomades, ils sont l'objet d'enjeux économiques cruciaux. En effet, les grands analystes internationaux prédisent que le marché explosera en 2010 avec 250 millions d'abonnés et une dépense proche de 27 milliards de dollars ; selon le cabinet Strategy Analytics, un quart des appareils numériques utilisés pour regarder la télévision seront des téléphones mobiles. Mais cette course pour la conquête d'un marché très lucratif se mène en Europe sur fond de technologies concurrentes, que des caractéristiques opposent, au premier rang desquelles leur capacité à fournir une télévision mobile véritablement performante. Une norme s'impose A ce stade, un retour sur les différentes normes n'est pas superflu. Actuellement, deux possibilités s'offrent aux opérateurs mobiles pour diffuser des flux télévisuels sur les portables. La première, qui consiste à exploiter les réseaux déjà opérés de type UMTS et 3G, se heurte à des phénomènes de saturation de la bande passante empêchant la diffusion de masse requise par la TV mobile. La seconde possibilité repose sur les réseaux à diffusion, basés sur les normes T-DMB, S-DMB, MediaFLO et DVB-H, capables à ce jour d'envoyer simultanément un même contenu à un grand nombre de récepteurs ; on parle alors de passage à l'échelle et de diffusion multipoints. En Europe, sous l'impulsion notamment de Nokia, la préférence revient au DVB-H - déclinaison mobile de la norme numérique terrestre de la TNT - dont les performances sont actuellement testées à Paris auprès des utilisateurs par les diffuseurs, les opérateurs mobiles et les constructeurs de terminaux. Essentiels pour recueillir les réactions des usagers et leur degré de motivation, ces pilotes le sont tout autant pour évaluer les performances des réseaux DVB-H, en particulier la qualité du signal de diffusion indoor et outdoor. De l'avis de ses défenseurs européens, le DVB-H est promis à un bel avenir en raison de sa maturité et de son efficacité. De plus, en combinant les technologies Internet et DVB, cette norme ouverte documentée bénéficie d'une double standardisation - Internet (IETF) et DVB (ETSI) - ce qui la distingue de ses concurrents potentiels à l'instar de MediaFlo basée sur les solutions propriétaires (et donc copieusement brevetées) de l'américain Qualcomm. Enfin, associé au transport IP, le DVB-H (Digital Video Broadcast Handheld) permet l'intégration aisée de flux de données diverses et assure, au-delà des programmes de télévision, la diffusion de services interactifs - par utilisation d'une voie de retour UMTS - et de contenus en ligne conçus spécifiquement pour la consommation nomade. Ainsi devrait-on voir prochainement l'apparition de services pratiques tels que la consultation en temps réel du trafic routier et de la météo ou des bulletins locaux d'informations touristiques, culturelles et sportifs. Sans oublier les services de radio numérique qui pourraient séduire ces futurs auditeurs nomades. Valider le business model et la QoS Plus de 15 expérimentations ont été réalisées (ou en cours de réalisation) depuis 2003 sur toute la planète, la majorité de celles-ci s'appuyant sur des infrastructures de réseaux DVB-H et des équipements adaptés. Le but de ces projets pilotes est de mieux appréhender la demande des consommateurs, l'évolution de leur comportement et le prix qu'ils sont prêts à payer pour de tels services. Mais leur finalité consiste également à identifier et à valider les contraintes techniques des réseaux de TV mobile et de leurs composants réseaux. On l'aura compris, pour les grands consortiums expérimentateurs, ces pilotes constituent une véritable opportunité de tester et de valider les équipements nécessaires au déploiement d'infrastructures DVB-H en tête desquels les encapsulateurs, les modulateurs et les terminaux de réception. 13 projets pilotes en Europe et dans le monde (Helsinki, Berlin, La Hague, Barcelone, Oxford, Paris, Pittsburgh, Singapour, Sydney, Kuala Lumpur...) ont ainsi choisi de tester les encapsulateurs IP d'UDcast. L'intérêt majeur de ceux-ci est de faire chuter considérablement la consommation du terminal mobile (mécanisme de time-slicing) et d'accroître d'autant le temps d'utilisation sans recharger la batterie ; ils permettent également de sécuriser les contenus transmis, de rendre la réception (correction d'erreurs renforcée MPE-FEC) plus robuste y compris dans des environnements hostiles et d'assurer la diffusion de programmes TV vers un nombre de mobiles considérablement plus grand que ne le permet l'UMTS ou la 3G. Quel que soit le système utilisé, la TV mobile présente des caractéristiques intéressantes : tout d'abord parce que les contenus sont diffusés dans l'air ce qui est un gage d'économie lorsque l'audience est grande (les contenus ne passent qu'une fois quel que soit le nombre de récepteurs). En outre, compte tenu du découpage en cellules du réseau (environ 25 km de rayon pour le DVB-H), les contenus diffusés peuvent varier d'une cellule à l'autre ce qui laisse place aux contenus locaux, qui dans un domaine connexe à celui des radios, ont été à l'origine de l'explosion des radios locales. Enfin les flux sont visualisés sur des terminaux capables de communiquer en mode téléphonique (voix, SMS) ou Internet (GPRS, EDGE, UMTS) ce qui facilite considérablement l'émergence de nouveaux usages de la télévision qui devient alors pleinement interactive. Les français en tête De toutes les expériences pilotes et études de marché menées à travers le monde il ressort que le service TV Mobile est techniquement et économiquement viable, 40% des détenteurs de mobiles qui l'ont testé se déclarant disposés à payer 10E par mois pour recevoir un bouquet de 10 à 20 chaînes. Pour tous les acteurs du marché, la télévision mobile constituera un levier de croissance et une manne financière qu'ils entendent bien ne pas laisser échapper à leurs concurrents. Les diffuseurs de contenu (chaînes TV) y voient un moyen d'augmenter leur audience notamment aux heures où les spectateurs ne sont pas à leur domicile ; les opérateurs mobiles, de leur côté, comptent ainsi accroître leurs revenus (ARPU) en facturant leurs nouvelles offres de TV mobile et les services interactifs associés. Si l'essor du marché profitera directement à cette première catégorie d'acteurs, les opérateurs de réseaux mobiles, les fabricants de terminaux et de semi-conducteurs, les équipementiers d'infrastructure de réseaux ne devraient pas être en reste. Au travers de PME innovantes (UDCast, Dibcom, Teamcast..), la France figure au premier plan sur l'échiquier mondial tant dans la fourniture d'infrastructure réseau que de terminaux. La progression des acteurs français sur le marché de la TV mobile et du DVB-H suscite un intérêt grandissant des grands fabricants internationaux de terminaux mobiles ; en concluant il y a déjà quelques années des accords de développement technologique avec des PME, ils ont fait le pari de l'alliance - sur la base d'un business model gagnant-gagnant - pour conquérir le marché de la télévision mobile. Tous les ingrédients du succès semblent réunis pour que les PME françaises interviennent activement dans cette chaîne de valeur et se constituent de nouveaux revenus par la commercialisation de leurs équipements DVB-H. Au-delà de ces atouts technologiques qui semblent désormais acquis, la tâche revient aux opérateurs de services mobiles et aux diffuseurs de contenus de construire les offres de services qui séduiront les futurs téléspectateurs nomades suivant un modèle économique rentable. L'avènement de la TV mobile va, sans l'ombre d'un doute et quelles que soient les technologies (DVB-H, T-DMB...), faire naître de nouveaux modes de consommation de programmes télévisés mais aussi de contenus audiovisuels originaux et inventifs. Reste à imaginer et à produire ceux-ci pour satisfaire les futurs consommateurs et parmi eux le nombre important des jeunes utilisateurs déjà habitués à consommer des services sur des écrans de petite taille. Outre les équipementiers, les diffuseurs de contenus français auront donc, là aussi, un rôle majeur à jouer. Hubert Zimmermann, Directeur Général de la société UDCast