Tribune Libre : La gouvernance des réseaux
Thierry Grenot, CTO d'Ipanema Technologies, nous livre un avis d'expert sur la gouvernance des réseaux
Au plus près des applications, des utilisateurs, des partenaires extérieurs, les réseaux sont plus que jamais au c?ur des systèmes d'information de l'entreprise. Et alors que la bonne gouvernance d'entreprise passe aujourd'hui par la gouvernance informatique, cette dernière sera incomplète si elle ne s'appuie pas sur une véritable gouvernance du réseau... Le réseau, au c?ur de la gouvernance informatique Les responsables des Systèmes d'Information connaissent bien les conflits entre intérêts immédiats et bonnes pratiques à moyen terme, dans un contexte où les attentes ne sont pas clairement exprimées. L'identification et la résolution raisonnée de ces conflits figurent au c?ur de ce que l'on appelle la « Gouvernance du Système d'Information ». Pour Jean-Pierre Corniou, Président du Cigref et de l'IGSI, il s'agit "d'appliquer à l'informatique (...) des règles de bonne gestion et de transparence sur la pertinence des objectifs et sur l'adaptation à ces objectifs des moyens engagés, donnant confiance aux acteurs de l'entreprise. De manière à garantir une meilleure évaluation de la performance des systèmes d'information (...) et aligner le SI sur la stratégie globale de l'entreprise". Des règlements, des standards, des méthodes et des groupes de travail lui sont désormais dédiés, en même temps que de nouveaux acronymes faisaient leur entrée dans le vocabulaire des DSI : SLM, Cobit, ITIL, Sarbanes-Oxley, Six-sigma, TQM, etc. Pourquoi le réseau échapperait-il à ce mouvement, alors même qu'il représente bien souvent la première dépense récurrente du budget informatique et qu'il intervient pour deux tiers dans l'appréciation qu'ont les utilisateurs des performances applicatives ? La constante évolution des technologies rend même le réseau particulièrement perméable à tous types de changements imprévus, des ERP à la téléphonie, de la vidéo aux technologies émergeantes... autant d'imprévus à prendre en compte. Une bonne gouvernance du Système d'Information passe donc impérativement par une bonne gouvernance de son réseau... Qu'est-ce que la gouvernance du réseau ? La seule certitude, c'est celle de l'incertitude ! La difficulté la plus sérieuse du pilotage stratégique du réseau tient à la grande variabilité des besoins dans un environnement volatil. Comment décider sur le moyen, voire le long terme, quand l'environnement économique, institutionnel, social, de l'entreprise évolue beaucoup plus rapidement ? Et pourquoi pas régater avec un pétrolier ? Le risque principal d'une absence de gouvernance appropriée, c'est de faire des choix apparemment pertinents à l'heure de la décision, et qui se révéleront handicapants - notamment au niveau budgétaire - lorsqu'il faudra s'adapter aux évolutions de l'entreprise. La gouvernance du réseau quant à elle passe d'abord par la compréhension des enjeux globaux du business à moyen et long moyen terme. Elle s'appuie sur la définition des grands objectifs du Système d'Information et de leurs conséquences sur le réseau. Elle comprend la négociation des critères de satisfaction des lignes métier et intègre l'animation de processus de mesure et d'amélioration de l'efficacité globale et de la satisfaction des utilisateurs. Au delà, elle permet l'établissement et le pilotage d'équipes internes et de partenaires extérieurs ainsi que la mise en place d'un système de contrôle capable de valider les performances de l'ensemble du dispositif. Elle assure enfin une communication permanente auprès des différents niveaux de management. Comment mettre en place une gouvernance du réseau ? La gouvernance du réseau permet d'éviter de naviguer à vue dans le brouillard. "L'élément important d'un réseau devient son système de pilotage automatique, qui doit naturellement faire appel à des fonctions d'autonomie des équipements", souligne Guy Pujolle, président du conseil scientifique du laboratoire CNRS de l'ENST. Sa mise en place comporte quatre volets essentiels : Entreprendre une approche globale, pour saisir dans leurs grandes lignes les enjeux à venir, qu'il s'agisse d'applications, d'utilisateurs, de serveurs, de contrats, ou d'autres éléments majeurs. Mettre en place architecture et processus de façon suffisamment souple pour permettre d'isoler en modules aussi indépendants que possibles les structures principales liées aux applications en réseau, tout en articulant ces modules dans un ensemble cohérent et manipulable. Il est tout particulièrement important de pouvoir isoler précisément les aspects réseaux (comme les technologies ou les opérateurs) des aspects applicatifs (comme les ERPs, les data centers ou les postes de travail). Choisir des outils adaptés pour supporter cette approche globale et flexible, et s'adapter aux changements à venir comme un nouveau système de CRM, la montée en puissance de la téléphonie sur IP, une fusion ou une acquisition... Favoriser les comportements d'intelligence collective en soutenant l'effort de communication sur les objectifs et les résultats auprès de chaque entité concernée : managers, utilisateurs, fournisseurs, etc... en proscrivant le jargon ! Une nouvelle répartition des rôles se met en place, par niveau de responsabilité et non plus par attribution des tâches. Tous les salariés impliqués « dialoguent » entre eux et deviennent de facto des acteurs de la gouvernance. N'est-il pas temps que la gouvernance du réseau apporte sa contribution pour "sortir l'informatique de sa malédiction technologique en communiquant sur les processus et les résultats" ?