Traces numériques : attention, l'exemple de Marc L.
C'est un exercice original et inquiétant auquel se sont livrés les journalistes du Tigre, un bimestriel présenté comme un « curieux magazine curieux ». L'idée : dresser le portrait d'un parfait inconnu à partir d'informations glanées sur le Web. Le sujet - ou plutôt la victime - de ce portait Google est Marc L, un architecte d'intérieur de 29 ans habitant dans l'ouest de la France, utilisateur de réseaux sociaux et autres outils du web 2.0. Des instruments pratiques pour rester en contact avec ses amis mais néanmoins redoutables : en y éparpillant des morceaux de vie privée, les internautes s'exposent à être dépossédés de leur identité numérique. En témoigne ce portrait « violemment impudique » de Marc L, écrit « pour la bonne cause » avec une pointe de sarcasme : « après tout, c'est de ta faute, tu n'avais qu'à faire attention. » L'enquête sur la vie de Marc L débute à partir de quelques photos trouvées sur Flickr. En explorant les quelque 17 000 clichés mis en ligne par le jeune homme, on retrace ses voyages et découvre ses fréquentations et ses centres d'intérêt : séjour au Canada avec Helena et Jose en 2008, groupe de musique monté à la fin des années 1990 puis abandonné en 2002, retrouvailles avec Dom pour la fête de la musique en 2008. « Dom, c'est Dominique F., il est thésard à Bordeaux III », précise le Tigre. Un passage sur Facebook nous apprend que Marc L ... ... est hétérosexuel, qu'il a fréquenté Jennifer, puis Claudia, dont les parents vivent boulevard V, à Bordeaux. Claudia travaille avec Lukas au Centre culturel franco-autrichien de la préfecture de Gironde. Les trois amis se voient régulièrement, pour jouer à la pétanque à Arcachon ou « fêter les sous de la CAF », comme le 31 mai dernier. L'histoire avec Jennifer avait duré deux ans. En 2006, les amoureux sont partis en vacances en Bretagne. « Tu avais les cheveux courts à l'époque, ça t'allait moins bien. » La suite de l'article du Tigre regorge de détails sur la vie privée de Marc, que n'importe quel internaute curieux aurait pu dénicher en fouinant sur Google, Youtube, Pagesjaunes, les sites des journaux régionaux, etc. Ce qui est valable pour Marc l'est évidemment pour une multitude d'individus : si certains prennent grand soin de ne pas diffuser des informations personnelles, la plupart se laissent séduire par les outils qu'ils utilisent et éparpillent des pans de leur existence de ci, de là, sans avoir conscience de la facilité avec laquelle il est possible de rassembler les pièces du puzzle.