ToIP : tout n'est pas si rose...
Le cabinet d'études Scholè Marketing s'est allié au laboratoire indépendant Ilexia afin de réaliser une étude sur la ToIP dans le secteur des PME/PMI. Le fondateur de Scholè, Nicolas Amestoy, nous explique pourquoi le marché n'est pas aussi euphorique qu'on veut bien le dire.
R&T : Qui est Scholè Marketing ? Nicolas Amestoy : Nous sommes un cabinet d'études, crée en octobre 2003. Nous travaillons sur les services numériques et la convergence. Nous avons réalisé des études sur le CPL, la TV sur adsl, les perspectives de la télévision à 10 ans sur tous les supports, et nous sortons une étude sur la ToIP. Nos clients se nomment Canal+, France Télécom, UP, l'Arcep... R&T : Comment avez vous réalisé l'étude ToIP ? N.A. : Nous avons voulu réaliser un état de l'art du marché, axé sur les PME/PMI. Notre enquête a porté pendant 5 mois sur un panel de 250 entreprises, de 5 à 500 salariés. Nous avons d'autre part interrogé les acteurs du marché : équipementiers, opérateurs et intégrateurs. Nous avons orienté l'étude sur les PME/PMI car c'est un marché que les opérateurs connaissent mal. Ils ont du mal à le cerner. Le laboratoire Ilexia a réalisé l'analyse techniquo-économique : évaluation des coûts de migration, investissements, maintenance, écart entre les solutions IP et les solutions traditionnelles. Scholè s'est intéressé au marché et la demande. Nous complétons l'étude par un descriptif détaillé de l'offre. Cette étude intéresse tous les acteurs du marché, certains l'ont d'ores et déjà acheté. R&T : Alors verdict ? N.A. : Premier constat : le degré de connaissance du marché est relativement faible. Les éléments relevés sont contrastés. On passera inéluctablement en IP notamment dans le cadre du renouvellement du parc de Pabx. Cela étant on se rend compte qu'il y a un vrai problème de positionnement des nouvelles offres. Le Triple play résidentiel a popularisé la ToIP. Ce marché grand public suscite l'intérêt des professionnels. Cependant, notre vision n'est pas optimiste. Les entreprises n'arrivent pas à cerner clairement les avantages de la ToIP. Ce n'est pas un soucis d'évangélisation mais un réel problème de marketing. Les messages ne passent pas. Quatre vingt quatre pourcent des entreprises se déclarent intéressées et ont l'intention de migrer vers la ToIP. Mais, elles n'arrivent pas à trouver l'avantage décisif qui leur fera passer le pas. Elles reportent donc leurs investissements. Elles réclament avant tout des réductions de coûts, mais ne perçoivent pas les fonctionnalités liées à la ToIP. Déjà dans les Pabx traditionnels, les fonctionnalités demeurent inexploitées. Bref, le marché n'est pas forcément la poule aux oeufs d'or tant annoncée. R&T : Que préconisez-vous ? N.A. : Les offres sont au point, mais la démarche marketing reste à effectuer. Il faut simplifier et sensibiliser sur les apports de la ToIP. Il faut commencer par des offres basiques à bas prix pour ensuite proposer des services évolués. R&T : Comment sont perçues les offres de types Box ? IP Centrex ? SoftPhone ? N.A. : Le passage à l'IP entraîne une multiplication des acteurs et des offres. La xBox pro pour les TPE, le centrex pour les PME, l'IPBX dédié pour les grands comptes... Résultat : la confusion règne. Comment s'y retrouver ? La hiérarchisation du marché est naturelle. Les offres xBox touchent la TPE de 3 ou 4 lignes. Les sondés citent à 73% ces offres issues du grand public. La notoriété est importante. Le Centrex quant à lui offre des gages de simplicité pour les utilisateurs. Paradoxalement, le fait que France Télécom se place sur ce marché a légitimé les autres offres. Le problème est que les Xbox remontent dans la gamme et que, de l'autre côté, les IPBX se positionnent sur le segment des PME/PMI. La concurrence est généralisée et exacerbée. Il va y avoir des morts ! Pour le moment les offres de types SoftPhone sont marginales. Les acteurs se positionnent, que ce soit Skype, MSN, Google ou Yahoo. Mais la croissance est exponentielle ! Skype comptabilise d'ores et déjà 75 millions d'usagers actifs dans le monde dont un tiers de professionnels. Ce segment est très dynamique. Les grandes manoeuvres ne font que commencer. Ces offres se développent presque à notre insu. E-Bay a racheté Skype et va bientôt proposer cette fonctionnalité ToIP sur le site. Wengo vient de s'allier avec Firefox. Le Clikc & Talk se profile. Ce trafic va échapper aux acteurs professionnels. Les logiciels SoftPhone représentent un Joker ! Ces solutions vont, de plus, se développer sur les mobiles. R&T : Les entreprises ne sont-elles pas frileuses sur ces solutions externalisées ? N.A. : Non. Les PME/PMI ont des logiques simples : pas de temps pour s'occuper des budgets télécoms, besoin de solutions fiables et peu coûteuses. Du moment que le service est rendu, elles n'ont pas de soucis. L'infogérance est donc un faux débat. Les entreprises sont pragmatiques.