Thierry Rouquet, Brice Piccolin : Arkoon Phase III
Tout bouge, dans le sillon rhodanien. Arkoon, après une phase de croissance par acquisition -avec notamment la reprise des firewall Bull et le rachat de MSI -, entame naturellement une période d'expansion. L'on assiste ainsi à l'amorce d'une modification d'une partie des méthodes commerciales, et surtout à la création de points de présence internationaux sur le territoire européen. Thierry Rouquet, CEO, et Brice Piccolin, COO, font un sort au mythe de la « petite entreprise française, éternelle startup ». L'évolution des entreprises « sécu » américaines repose sur 50 % de technologie et 50% de rapport signal sur bruit. Lorsqu'un SourceFire ou un Counterpane ouvre une filiale en Europe ou encore se fait racheter par un opérateur, c'est l'assurance d'une couverture presse mondiale. La vie, la survie de l'éditeur ou de l'équipementier en question dépend même en grande partie de cet aspect « marketing » et des stratégies de conquête plus commerciale que technologique. En nos contrées, les règles sont différentes... mais pour combien de temps encore ? CSOFrance :Où commence la conquête du monde ? Thierry Rouquet : Pour être franc, elle a commencé depuis un certain temps déjà, puisque nous sommes déjà implantés en Belgique/Luxembourg et Suisse. Mais effectivement, nous venons officiellement d'ouvrir une enseigne en Italie, un pas qui marque une étape importante dans la croissance de la société. Croissance d'ailleurs plus lente que je ne l'avais espéré, puisque nous ne sommes « profitables » que depuis l'an passé, avec un CA de 11 M€. Une stabilisation financière qui s'est accompagnée d'une structuration de l'entreprise avec, d'une part, une réunification des ressources de R&D, management et marketing -nécessaire après l'absorption de MSI- , et une réorganisation par zone de tout ce qui est commercial et marketing opérationnel, qui a aboutit à cette ouverture transalpine. CSOFrance : Et là s'arrête le monde latin ? Brice Piccolin: Nous préparons également un développement en Grèce et Espagne au travers d'un partenaire. D'environ 1 à 1,5 M€ sur les marchés extérieurs, nous pensons pouvoir atteindre 5M€ sur le prochain fiscal (ndlr 2008)... pour commencer. CSOFrance : Pas de tentative en direction des pays plus au nord, et notamment en Allemagne ? Thierry Rouquet : Nous nous orientons plutôt vers une stratégie d'acquisition, plus rapide. Acquisition qui nous donnera d'une part un accès au marché par le biais des canaux, et autant que faire se peut, une technologie si possible complémentaire aux nôtres. Nous sécurisons les infrastructures, les communications, les données, qui procèdent d'une même logique technique, donc qui facilite la cohérence de notre catalogue. On pourrait très bien imaginer une « évolution » vers la protection du poste de travail ou des applications, autrement dit une entreprise travaillant avec les mêmes bases, la même logique que celle que nous suivons. D'autant plus que tout ceci se déroule dans un contexte politique actuel favorable aux échanges et aux développements franco-allemands. Brice Piccolin :Un développement international qui nous pousse insensiblement à nous appuyer un peu plus sur des grossistes, afin que, de notre côté, nous puissions nous concentrer sur notre métier. Jusqu'à présent, nous gérions 250 partenaires en direct. Cette situation devenait intenable et risquait de dégrader le niveau de qualité de service en général. Nous achevons actuellement nos pourparlers avec deux grossistes à valeur ajoutée dans le domaine de la sécurité. Deux grossistes français, eux-même issus de deux groupes internationaux dont les implantations sont plus fortes à l'étranger qu'en France. Si tout se passe bien, Arkoon sera connu dans d'autre pays car inscrit au catalogue de ces grossistes. Un moyen simple pour s'internationaliser tout en augmentant nos résultats bruts, sans dépenser des sommes pharamineuses pour fabriquer de toutes pièces une infrastructure dans chaque pays de la zone CE. CSOFrance : N'est-ce pas une attitude un peu timorée, comparée aux « expatriations de siège social » qu'affectionnent les entreprises israéliennes visant le marché US, par exemple ? Thierry Rouquet : Compte tenu de notre taille et des gens avec qui nous travaillons, ce n'est pas pensable. Lorsque l'on a comme client un EADS, on ne lui vend pas que du chiffrement de bout en bout... mais de la confiance. La confiance d'une certaine pérennité, l'assurance que l'entreprise est profitable et sera toujours là dans trois ans. Cela exclut donc toute tentative aventureuse. Confiance également que doivent témoigner les actionnaires. Des actionnaires qui pourraient par exemple ne plus être exclusivement français, en fonction de l'évolution de notre internationalisation. Des actionnaires étrangers mais proches, autrement dit plus probablement des allemands que des chinois... doit-on le préciser. CSOFrance : En signant avec ces grossistes, vous abandonnez la vente directe ? Brice Piccolin : Certainement pas. Nous tenons à conserver des relations étroites avec nos gros clients. Cette mutation du réseau va essentiellement concerner les petites et moyennes entreprises, envers qui nos nouveaux intermédiaires devront montrer, par un service soutenu, des opérations marketing, du support, du conseil, des événements... autant d'actions destinées à prouver qu'ils n'y perdent pas au change. Transition, je l'espère, d'autant plus aisée qu'un grossiste du métier sait précisément faire ce genre de « travail de proximité » alors que nous le maîtrisons de moins en moins. Charge à nous d'assurer la transition en douceur, d'accompagner les clients, leur assurer que les conditions de ventes antérieures concédées par Arkoon ne changeront pas... et d'un autre côté, nous tirons un trait sur ce qui constituait l'aspect pénible de la mécanique de vente, particulièrement sur les petites commandes : cotation, prise de commande, envoi, facturation...