Sur FR3 ce soir... le Père Noël fait la bombe
A ne pas manquer, ce vendredi soir sur FR3, le magazine « Pièces à conviction », intitulé Terrorisme: les avions pour cible. Avec, comme invités, Philippe Legorjus Ex commandant du GIGN, Christophe Naudin Expert en sûreté aérienne, Roger Dutoit D.G. de Brink's France, Président du SPESSAA Syndicat professionnel des entreprises de sécurité et de sûreté aérienne et aéroportuaire (et principal fournisseur de services des aéroports de Paris) et Eric Denece Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement. Une émission au cours de laquelle Christophe Naudin expliquera comment, avec un simple permis de conduire et une camionnette de location, il est possible de rouler sur le tarmac d'un aéroport français, et par quel moyen l'on peut acheminer les paquets de simili-Semtex et des cutters dans ses propres bagages de cabine.
Par le plus grand des hasards, c'est ce même jour qu'est publié un addendum d'une importance capitale dans le domaine de la sécurité aérienne. Le TSA américain prévient que les « boules-souvenir avec de la neige qui tombe », ces monuments d'art kitch montrant la Tour Eiffel, le Colisée, le Père Noël avec ses rennes ou la baie de Hong Kong* sous la neige, sont désormais formellement interdits à bord, et ce même si la quantité de liquide dudit « souvenir » est inférieure à 100 ml.
Comme manifestement tout ordre du TSA est suivi avec diligence par la réglementation européenne, parions que cette mesure de sécurité sera scrupuleusement appliquée dans la zone CE avant longtemps. Il va falloir s'attendre à une sérieuse levée de boucliers du côté du Syndicat des Professionnels du Tourisme... à ce train là, même les cartes postales du Sacré Coeur pourraient être considérées comme du matériel douteux, et le site GlassGiant à bien des chances de se faire censurer par le DHS.
Depuis que ces dispositions « anti liquide » et autres règlementations sur les bagages à main ont été mises en place, les abus les plus incroyables ont été commis, sous prétexte que « ce sont les ordres ». Ainsi, il y a trois semaines à peine, un membre de la rédaction s'est fait expliquer par le personnel de la Brinks de Roissy que « les médicaments, même sous forme de pilules, doivent être placés dans un sac plastique transparent parce que c'est obligatoire depuis quelques jours ». Confusion évidente avec les dispositions anti-liquide. Inutile de protester, semble vous indiquer l'expert es-terrorisme qui explique cette mesure, ou l'embarquement du contestataire pourrait être fortement compromis... voir agrémenté d'un passage entre les mains des officiers de police.
Tant que ce caporalisme absurde se limite à la collection de bouteilles d'Evian, la suppression de coupe-ongles, la chasse au « boules avec de la neige qui tombe » ou le déchaussage obligatoire des personnes âgées soupçonnées de crime contre l'humanité, tout çà ne porte pas trop à conséquence. Mais cette attitude peut parfois friser la mise en danger de la vie d'autrui. Ainsi, la tragique aventure de Madame Lidia Holmsten, passagère Suédoise, qui s'est fait supprimer son tube de Ventoline par le « personnel de sécurité » employé par ADP. Madame Holmsten est tombée en syncope, nous apprend le quotidien Suédois The Local. L'atterrissage d'urgence a été un moment envisagé. Pour un asthmatique, une crise non enrayée par un médicament (Ventoline, Brycanil...) peut signifier la mort par suffocation et arrêt cardiaque.
Contactée par CSO France, l'antenne de la Préfecture ayant la responsabilité de nommer les sous-traitants chargés du contrôle n'a donné aucun signe de vie après plus de 3 semaines d'attente de réponse. Interrogée sur ce sujet, une personne du service de sécurité de l'aéroport d'Heathrow souhaitant conserver l'anonymat (mais acceptant de parler) expliquait que certains médicaments vitaux devaient être accompagnés de l'ordonnance d'un médecin. A la question « le personnel de filtrage a-t-il reçu une formation médicale lui permettant de distinguer un médicament vital d'un autre et dispose-t-il d'un ouvrage de référence sur la pharmacopée internationale », la réponse a été « non ». A la question « le personnel de filtrage est-il capable de savoir lire une ordonnance de médecin Suédois », la réponse a été non. A la question « le personnel de filtrage a-t-il autorité pour supplanter un avis de la Faculté », nous n'avons pas eu de réponse. A la question « le personnel est-il en mesure de distinguer une véritable ordonnance d'une fausse », la réponse a été « non ». A la question « le personnel de filtrage possède-t-il un quelconque niveau d'expertise en matière de manipulation des explosifs ou un diplôme d'artificier de quelque catégorie que ce soit » la réponse a été « généralement, non ».
Passons pudiquement sur ces mesures quasi-paranoïaques orchestrées par des politiques n'ayant strictement aucune idée de la complexité d'une bombe chimique à base d'éléments liquides. Quand bien même seraient-elles justifiées que les moyens mis en oeuvres sont totalement inadaptés à une menace encore plus indéfinie. A force de polariser un personnel non qualifié sur des « points de détail » tels que les sandalettes et les bouteilles d'alcool que les passagers ont acheté dans le « mauvais » duty free shop, on en arrive à ne plus voir les manquements évidents de sécurité. Ainsi le passage des contrôles effectué par Monsieur Naudin lors de sa démonstration diffusée sur FR3, ainsi cette personne manifestement psychologiquement instable qui a pu pénétrer sans grand risque dans un avion stationné sur le tarmac de Raleigh-Durham (à deux pas des laboratoires du Sans). Ainsi, également, ces situations ubuesques dénoncées par cet article du New York Times.
Comme il est impensable que de véritables experts en sécurité puissent ne pas dresser ce même constat d'échec, la véritable question est « A qui profitent ces dispositions » ? A une camora secrète qui unirait les vendeurs des « duty free shop » souhaitant redresser leur chiffre d'affaires après les pertes causées par l'extension de l'espace Schengen ? A une conspiration mondiale des fournisseurs de bouteilles d'eau minérale ? A un lobby des compagnies aériennes qui souhaitent juguler le trafic illégal de mignonettes dérobées dès que les hôtesses ont le dos tourné ? A un Front Révolutionnaire des Chausseurs de Roman espérant un holocauste des godasses plastiques fabriquées par Nike, Adidas, Puma et Converse ? Ou est-ce plus simplement l'emballement naturel d'une machine, celle précisément des spécialistes de la sécurité des personnes, à la fois juges, expertes et fournisseurs de services, qui ne peut ni déjuger certains de leurs pairs trop anxieux, ni éviter le piège de la généralisation d'une menace somme toute exceptionnelle. Si des mesures semblables avaient été appliquées dans le secteur automobile en vertu du nombre de tués chaque année sur les routes, le monde entier roulerait en Velosolex et le port du casque serait obligatoire même pour les piétons.
*NdlC Note de la Correctrice : Je fais la « collec » ! J'ai déjà celle de Hong Kong, le Cable Car de San Francisco, ainsi que le Cap Nord sous un blizzard de polystyrène. Si jamais vous en avez en double ...