Sous le plus vieux protocole de transmission du monde
Après 177 ans d'utilisation, les transmissions utilisant le code Samuel Morse seraient sur le point de disparaître. En effet, après la suppression des derniers postes de « coast guard » et l'élimination des stations météo égrenant la liste des iceberg dérivants, les seuls « graphistes » -l'on dit aussi « pianistes »- en activité sur terre sont les radioamateurs. Or, depuis peu, la toute puissante ARRL, section américaine de l'IARRU, union mondiale des radioamateurs ayant siège à l'UIT, vient de décider que la connaissance du code morse ne serait plus obligatoire pour passer l'examen de radio-opérateur nous explique le quotidien IHT. La maitrise du « code » était considérée par beaucoup comme une sorte de « pont aux ânes » qui éliminait d'office les personnes pas assez motivées. D'autres, en revanche, trouvaient stupide cette obligation de connaissance d'un autre âge à une époque ou la maitrise des technologies hyperfréquences et des modulations à quadrants est devenue le pain quotidien des expérimentateurs scientifiques que sont les radioamateurs. Il faut savoir que cet « examen morse » ouvrait la voie à l'exploitation des ondes courtes et moyennes, de portées transcontinentales, tandis que les « examens sans morse » cantonnaient leurs lauréats aux VHF, UHF, SHF, transmission satellites et communication optiques ou quasi-optiques... très rapidement, le « sans morse » est devenu synonyme de recherches et expérimentations d'un haut niveau technique appliqué aux fréquences élevées. Mais à quoi peut donc servir le morse en l'an 2007 ? La réponse est simple : à bien recevoir, à très faible coût, sans débauche de puissance, et quelque soient les conditions. Constitué d'une présence ou absence d'onde porteuse (mode A1A désigné sous le nom de CW), c'est techniquement le mécanisme de radio-transmission le plus simple qui soit. Il est possible de fabriquer un émetteur morse avec une simple ampoule et un interrupteur. Avec un seul transistor (allez, poussons jusqu'à 3), une bobine de fil de cuivre, quelques condensateurs et résistances, l'on peut concevoir un émetteur capable d'émettre à des milliers de kilomètres de distance dans la bande des ondes courtes. En outre, la qualité exceptionnelle du décodeur -l'oreille humaine associée au cerveau du même métal- permet d'aller « chercher » un signal bien en dessous du niveau du bruit. L'intelligence, la probabilité, la rapidité de l'esprit en train de reconstituer un mot amputé de certaines lettres, l'habitude du « rythme » font qu'un bon graphiste peut tenir une conversation là ou un ordinateur de plusieurs centaines de Mips est aussi efficace qu'une promesse électorale. Reste que, depuis quelques années, des machines et des programmes sont également capables de « deviner » le contenu d'une communication. Et dans des conditions particulièrement extraordinaires, alors même que le signal utile est noyé à plusieurs dizaines de dB en dessous du niveau du bruit. A commencer par des processeurs de signaux, des filtres à capacités commutées. Puis des algorithmes de convolution, des techniques de « précodage » appliquées à certaines informations connues et indispensables (le JT65 par exemple) font qu'il est envisageable d'utiliser des procédés dits « fortement prédictifs » pour déchiffre un message ASCII particulièrement perturbé. Des astuces applicables à une multitude de couches de transport véhiculant des données numériques, que ce soit dans le domaine des ondes courtes que de la lumière sur 430 TeraHertz. Mais avec quelle débauche de moyens, avec quelle profusion de ressources... Le code de Samuel Morse, père des télécoms, n'est peut-être plus d'une très grande utilité technique (encore que certains spécialistes des liaisons Terre-Lune-Terre estiment le contraire), mais il conserve un charme indiscutable : celui d'un langage cryptique réservé aux seules personnes ayant fait l'effort de l'apprendre, une lingua franca qui se moque bien de la barrière des langues tant que la conversation demeure sur un plan purement technique, un procédé d'émission d'une simplicité qui n'a d'égale que sa robustesse. Des milliers de personnes de part le monde « tapent » sur leurs « clef », qu'il s'agissent des mutants du « high speed club » dont la vitesse de frappe dépasse, et de très loin, la rapidité de conversation d'un bateleur de foire, aux opérateurs « militaires » qui, avec un calme métronomique, acheminent leur trafic sans erreur ni fatigue. « A 20, on est bien » dit le proverbe. A 20 mots par minute, 1200 mots/heure, vitesse minimale de l'examen d'opérateur radiotélégraphiste de l'Armée Française et de tout « radio » débutant, soit près d'une demi-heure pour communiquer vers n'importe quel point du globe le contenu de cet article. A 300 000 kilomètres par seconde, sans spam, sans problème de relai smtp, sans clavier, sans ordinateur, avec la puissance électrique d'une petite lampe de poche et la chaleur d'un monde d'entraide et de recherche. AR... K