Selon l'Idate, les opérateurs ont le choix entre trois scénarios face aux OTT
L'Idate publie son Digital Yearbook 2015, recueil annuel de ses meilleures prévisions et tendances de marché pour les télécoms et l'audiovisuel. Après une période marquée par la guerre des prix et des rachats, le secteur des télécoms tente de se redonne des perspectives de croissance.
L'Idate organisait à Paris pour la première fois une conférence d'une demi-journée avec non seulement ses équipes d'analystes mais des grands témoins qui ont marqué l'assistance : Jean-Louis Missika adjoint au maire de Paris pour les smart cities, Sébastien Bazin, Pdg d'Accor Hôtels pour la transformation digitale d'une grand entreprise, Frédéric Mazella, Pdg de BlaBlaCar qui à l'inverse percute les anciens modèles. Les télécoms sont bien au centre de la transformation digitale, c'est le message fort de l'Idate, qui sort de son secteur au sens strict.
Globalement, les télécoms devraient retrouver des couleurs et se dirigent vers une petite croissance de 1% en Europe. Le secteur entrevoit également le retour des marges. Olivier Roussat, le Pdg de Bouyges Télécom met par exemple en avant le trafic data sur mobiles qui double chaque année depuis deux ans et passe du fixe au mobile. Il pourrait être multiplié par dix ou par cent d'ici 2020 suivant les prévisions. L'opérateur mise sur l'Internet des objets en particulier dans le secteur professionnel. Un exemple, un capteur sur les écrous placés entre les rails qui permettrait de signaler des incidents, évitant par exemple celui de Brétigny pour la SNCF. Il faut donc de nouveaux investissements pour prendre en compte les tendances qui viennent, c'est à cette condition que les opérateurs retrouveront des marges.
Google sur la défensive
En face, ils doivent affronter les OTT (fournisseurs de services audiovisuels comme Netflix qui contournent les opérateurs) ou les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon). Carlo d'Asaro Biondo, directeur des alliances pour l'Europe chez Google était placé sur la défensive devant un public d'opérateurs. Il s'est vigoureusement défendu expliquant que les grands acteurs du web ont investi 100 milliards de dollars dans les infrastructures du web de 2011 à 2014, suivant le cabinet Analysys Mason. Le message est clair, les opérateurs ne sont pas seuls à investir. Google lui-même dépense 1,6 milliard de dollars par trimestre dans les infrastructures.
Carlo d'Asaro Biondo insiste aussi sur le fait que la digitalisation vient des applicatifs. C'est le secteur le plus créateur d'emplois, 2,8 millions en Europe d'ici 2018, mais deux fois plus aux Etats-Unis. Google, sévèrement attaqué en Europe, rétorque que le vieux continent n'investit pas assez.
Transformation en « boutiques numériques »
Les opérateurs télécoms européens sont en fait placés devant trois scénarios, explique Didier Pouillot, le directeur de la practice télécoms de l'Idate. Le plus favorable est celui de leur transformation en « boutiques numériques ». Fort de leurs parcs d'abonnés et de leurs réseaux d'accès, ils pourront proposer de nouveaux services, vidéo et données (finances, santé, énergie) et lutter efficacement contre les OTT. Le scénario médian est celui de « la connectivité enrichie ». Les opérateurs misent sur leurs investissements dans les réseaux pour être un point de passage obligé vers le client final pour tout offreur de services.
Le scénario le plus pauvre pour ces opérateurs est celui de la "commoditisation". Ils se contentent alors de facturer du passage sur leur réseau, toute l'initiative et toute la marge revenant aux OTT. Pour prendre une comparaison avec un autre secteur c'est comme si le groupe Accor Hôtels se laissait marginaliser sans réagir face à RnB, remarque Didier Pouillot. Simple fournisseur de tuyaux ou maître des contenus, c'est semble-t-il l'alternative qui s'offre aux opérateurs, entre les deux, les conditions propres à chaque pays et l'évolution de chacun des opérateurs entre aussi en ligne de compte.
En illustration : Didier Pouillot, directeur de la practice télécoms de l'Idate, pilote depuis quinze ans le YearBook.