Rapport au Colonel de Gendarmerie de la XIIeme BT
Mon Colonel.
Je mets la main à la plume pour vous écrire, rapport au fait que l'usage du téléphone ici, dans notre chambre du YMCA de Washington, risque de grever singulièrement le budget dont auquel notre mission bénéficie subséquemment à la décision de notre Commandant de Brigade.
Nous avons, mes collègues et moi-même, visités comme prévu les locaux de nos homologue américains du FBI, sur Pennsylvania Avenue. L'accueil fut cordial, surtout depuis que Qui Vous Savez est passé au 20H de CNN (le TF1 local) passer ses vacances avec la famille Présidentielle locale. Le FBI, nous ont appris les susnommés collègues, fut fondée par un certain Charles J. Bonaparte en 1908. Ce qui fit éclater de rire le Brigadier-Chef Olanié, incapable d'éviter un mauvais jeu de mots. « Il devait être bien adroit, ce Charles, pour monter une telle affaire », a derechef ajouté le Brigadier Chef. « Les Amériques avaient plus besoin d'un mauvais bâtiment fédéral que d'un Bonaparte manchot ». Nous avons-nous aussi bien ri... car vous le savez, mon Colonel, quand un gendarme ri dans la gendarmerie...
Y'a aussi peut-être une autre raison pour laquelle on peut pas vous téléphoner Mon Colonel. C'est que, il y a 3 jours, il nous a été possible de visiter les salles d'écoutes du DCSNet, le Digital Collection System Network. Et franchement, comme PC Radio, çà nous a presque complexé. A coté de çà, Rita et les magnétos K7 un peu perfectionné que nous avait acheté Mérovée, ca fait presque player MP3 pour bleusaille. Tout peut s'écouter ici, et particulièrement les téléphones portables. Le DCSNet, c'est comme qui dirait, Mon Colonel, une machine informatique à poser des bretelles sans que l'on ait à se déguiser en plombier. Sans même nécessiter un ordre de mission et un déplacement sur le terrain. D'ailleurs, je vous envoie une photocopie de l'article du magazine Wired, qui explique en long et en large comment çà marche. L'officier chargé de l'opération, dans son fauteuil à Washington (d'ailleurs, à ce sujet, Mon Colonel, si on pouvait remplacer nos chaises en formica...) l'officier en charge, donc, clique avec son mulot sur l'écran de l'ordinateur, entre le numéro à surveiller, et... c'est pratiquement tout. Le programme indique ou se trouve l'appareil, s'il s'agit d'un terminal fixe ou mobile, effectue une redirection des liaisons vocales, talque no (ndt probablement Talk Now) et SMS émises par le poste du quidam dontauquel l'écoute a été déterminée et dument mandatée, et peut aiguiller ladite communication, naturellement enregistrée au passage, vers une équipe de traduction constamment sur le pied de guerre. Et c'est pas du luxe, Mon Colonel. Parce que lorsque je vois les SMS de ma petite dernière, sans un service de traduction, c'est pire que l'interprétation des codes Q et Z de l'ACP131 B qu'on a du apprendre lors du passage de l'Echelle 4. Dans la langue indigène locale, c'est encore moins compréhensible.
Nos homologues américains nous ont également appris que le maillage de leur système d'écoute était aussi assuré par Sprint pour la partie Commande et par d'autres compagnes, notamment Verisign, pour la partie Enregistrement. Chez nous, ce serait plus simple, rapport aux rapports que nous entretenons avec notre Opérateur Historique et quasiment unique. Avec un outil pareil et la liberté d'action qui leur est accordé, les affaires de nos collègues américains ont repris à vitesse grand V... 60% d'écoutes en plus cette année par rapport à l'an passé. Ca nous laissait rêveur. Toute la rédaction du Canard Enchaîné ET Madame Carole Bouquet ET le spectre de Jean-Edern Allier d'un seul coup, sans avoir à changer les cassettes. Bon, il parait qu'ils ont encore des zones d'ombre. Chez nous, les ravages de la dérégulation ne sont pas aussi importants. On pourrait espérer surveiller jusqu'aux plus dangereux agitateurs écologistes du Larzac.
Mais tout cela a un prix. Et gratiné comme on dit à l'intendance (encore un mot du Brigadier-Chef). Un mois d'écoute avec ce super-système coûte 2200 dollars, soit près d'une vingtaine d'amendes-pour-excès-de-vitesse-inférieur-à-50-Km/h-forfaitaires-de-135-€-minorée-à-90-€ par écoute et par mois. Avant, une écoute sous-traitée à l'opérateur allait chercher dans les 250$. Ca faisait déjà cher à la pince croco. Mais il faut ajouter à tout çà les quelques 500 millions de dollars nécessaires à la mise à niveau du réseau téléphonique pour qu'il devienne « compatible écoute », 39 millions de dollars pour la base de données stockant et traitant les informations collectées, et enfin le prix du susdit DCS, dont la version la moins coûteuse a tout de même frisé les 10 millions de dollars.
Je n'aurais qu'un mot, Mon Colonel. Cela me laisse sans voix
Puis ils allèrent en silence, on entendait plus que les pas
Des chevaux, marchant en cadence,
Le brigadier ne parlait pas.
Quand soudain, avec la pâle aurore, on entendit un drôle de son
Brigadier répondit pandore, brigadier vous avez raison.