Qui souhaite embaucher le plus grand hacker de France ?
Jerome Kerviel, 31 ans, bonne présentation, bien sous tous rapports, à l'exception du tout dernier. Le rapport de police qui l'accuse d'avoir fait évaporer presque 7 milliards d'Euros. Nos confrères des Echos, de La Tribune, de l'Agefi, quotidiens dont le « bon ton » et le « terme mesuré » sont la fierté de leurs rédactions, extirpent de leurs dictionnaires des qualificatifs tonitruants dignes de Ponson du Terrail. La Vie Financière fait même entendre le vol des charognards attirés par les cris sourds d'un animal blessé : « Société Générale : Pourrait intéresser Barclays, UniCredit » . Pour une fois que l'on peut titrer comme un tabloïd... La lettre du patron berné, en revanche, est nettement moins triomphante. Un volet destiné aux clients, l'autre s'adressant aux actionnaires, nous apprend que « Les failles des procédures de contrôles ont été identifiées et corrigées pour éviter tout nouveau risque de nature comparable ». Une action corrective qui intervient 48 heures après la découverte officielle de la fraude, voilà qui relève de l'exceptionnel. Surtout lorsque l'on apprend que « Les transactions sur lesquelles la fraude a porté étaient [...] dissimulées par des techniques extrêmement sophistiquées et variées ». Soit l'équipe de sécurité de la SG est le digne enfant du Cid et de Rambo réunis, soit ce communiqué à la Pyrrhus n'est qu'un exercice dialectique qui confirme le désarroi de l'équipe dirigeante. Mais que va-t-on faire de Mr Kerviel, une fois purgée sa peine de prison ? Une question que soulève Bruno Kerouanton. Il y envisage les principaux scénarii qui concerneront l'avenir du Trader indélicat au sortir de prison : expert financier spécialisé dans la fraude aux marchés financiers auprès de deux employeurs potentiels, soit pour le compte d'une mafia européenne, soit pour celui de Bercy, de la Place Beauvau ou de son ancien employeur. L'hypothèse Bercy est peu probable, puisqu'une telle embauche serait considérée politiquement comme un pas de clerc. L'ancien employeur -la lettre de Monsieur Daniel Bouton semble clairement le confirmer-respectera jusqu'au bout l'école dogmatique des banques françaises : un Non catégorique à la question « would you hire a hacker ». Une attitude qu'il faudra très probablement assouplir car, à force de souhaiter étouffer les plus petites escroqueries et ignorer les pratiques de basse police dans le but de ne pas entamer la sacro-sainte « confiance », l'image de marque des institutions financières nationales a pris depuis quelques temps un sérieux coup de vieux. Ajoutons enfin qu'une entreprise de sécurité ou une institution financière ne peut, en France, croire un instant à l'idée même de rédemption. C'est probablement là tout ce qui fait la différence entre le système américain et l'école de la vieille Europe. Aux Etats Unis, l'on de pose effectivement la question de savoir s'il est « politiquement correct » d'engager un pirate repenti. Mais l'on accepte aux tables de conférences du CSI-FBI des Abagnales, des Mitnick, des Poulsen, et personne ne s'offusque de voir adulé comme le Messie un Steve Jobs dont la carrière repose sur la commercialisation quasi industrielle de boitiers de piratage de facturation téléphonique. La rédemption est-elle une notion purement calviniste ? Restent donc la Place Beauvau ou un « cousin russe ». Qui, des deux, sera le premier à exploiter les talents du présumé coupable ? Et, question subsidiaire, peut-on espérer un jour lire le rapport d'analyse des commissions SSI qui sont très probablement en train de se mettre en place aujourd'hui ?