Pourquoi les opérateurs mobiles ne savent pas vendre leurs services à haut débit
Les services faisant appel au haut débit mobile ont du mal à décoller dans le grand public. La faute en revient essentiellement aux opérateurs qui ne savent toujours pas les vendre. Telle est la conclusion que l'on peut tirer d'une étude exhaustive de tns sofres.
Les opérateurs mobiles pratiquent une forme d'autisme. Ils n'ont toujours pas compris où ils pêchent en ce qui concerne la vente des nouveaux services sur les mobiles. Les actions à entreprendre sont pourtant simples s'ils veulent lever les freins à leur développement. Telle est la conclusion que l'on peut tirer de l'étude réalisée par l'institut de sondage tns sofres sur la consommation de services mobiles en France et dans le monde. L'étude a été présentée par Valérie Morrisson, consultante chez l'institut de sondage, lors des conférences des Echos sur le thème « Economie Telecoms 2008 », le 1er juillet 2008. L'étude pointe quatre lacunes majeures des opérateurs mobiles en ce qui concerne la commercialisation de services mobiles : 1. Il y a trop de flou autour de ce que ça va coûter, « On ne sait pas combien on va payer , résume Valérie Morrisson. Un flou d'autant plus pénible que l'internaute dispose d'offres triple play dites « gratuites » à son domicile, pour accéder à internet, 2. Il y a encore beaucoup de mauvaises expériences : on déplore trop de problèmes techniques ou de coupures de services, ce qui explique les abandons. 3. Il y a une moindre convivialité du mobile par rapport au PC : Il faut absolument recréer de la facilité, un effet "clic", comme il y a une facilité d'usage du PC grâce à la souris. 4. Le haut débit mobile est un encore un marché de l'offre : ce n'est pas encore un marché de la demande, malgré l'effet « waouh » qui montre des clients épatés par les possibilités mais qui ne les utilisent pas pour autant. Les besoins n'évoluent pas au même rythme que les innovations. Il faut donc agir, selon tns sofres, sur 4 paramètres : 1. Côté tarification : faire des offres illimitées, afin de recréer l'effet d'abondance, 2. L'ergonomie du terminal : elle doit être retravaillée en prenant exemple sur l'iPhone, 3. Encadrer plus soigneusement ce qui se passe en magasin : au moment de la vente, le vendeur doit montrer comment ça marche, sinon les utilisateurs ne s'en serviront pas par la suite, 4. Tenir compte de l'effet générationel : un jeune passe actuellement 6 heures d'internet mobile par semaine. L'étude passe en revue les usages de divers services mobiles en France et dans le reste du monde. Elle a été réalisée auprès d'une cible de 16-60 ans, en novembre 2007. Plus de 16 000 personnes ont été interviewées, qu'elles soient utilisateurs, prospects ou réfractaires au téléphone mobile. Les évidences d'abord : le SMS est un mode de communication totalement installé. Il est utilisé par 81% des personnes disposant d'un téléphone ad hoc, en France. Cela reste légèrement inférieur au reste de l'Europe de l'Ouest (88%). L'usage en est cependant plus occasionnel chez les 50-60 ans. En revanche, c'est la bérézina en ce qui concerne l'internet mobile. En Europe de l'Ouest, à peine 18% des clients l'utilisent. En France, le taux est de 19%, alors que 51% des clients savent que cette fonction existe sur leur téléphone. « L'internet mobile n'est pas l'internet fixe, l'un n'est pas le prolongement de l'autre, souligne Valérie Morrisson. Le constat est similaire en ce qui concerne l'email en mobilité. En Europe de l'Ouest, 37% des clients savent qu'ils disposent de cette fonction sur leur téléphone, mais seulement 14% l'utilisent. En France, ils sont 26% à être au courant mais à peine 9% l'utilisent. La faute au manque de facilité de mise en oeuvre : « Il faut que ce soit simple à utiliser, martèle Valérie Morrisson. En revanche, en ce qui concerne les jeux sur les mobiles, les taux sont bien supérieurs. Mais cela ne rapporte pas grand-chose aux opérateurs car les clients ne passent pas par leur portail via la connexion à haut débit mobile pour y télécharger les jeux. Au global, 80% des sondés en Europe de l'Ouest savent qu'ils peuvent jouer sur leur mobile, et 41% s'en servent dans ce cadre, mais seulement 6% vont télécharger des jeux via le portail de l'opérateur. En France, les chiffres sont légèrement inférieurs, (78% sont au courant, 34% l'utilisent, et 3% téléchargent des jeux via le haut débit mobile). En ce qui concerne l'usage du mobile comme lecteur de musique MP3, presque la moitié des gens disposent de cette fonctionnalité sur leur mobile (44% au niveau européen), et un tiers l'utilise. Les chiffres sont plus bas sur le marché français (32% sont équipés, 23% l'utilisent). « Mais il y a beaucoup de transfert depuis le PC vers le mobile, le téléchargement depuis le portail des opérateurs, c'est très faible, indique Valérie Morrisson. Quant à la fonctionnalité de radio traditionnelle (radio FM) sur le mobile, seulement un tiers des européens en est équipé, et 22% l'utilisent. En France, les chiffres sont plus bas (23% en disposent, 16% l'utilisent). « En Inde, c'est très demandé, relève Valérie Morrisson. Par ailleurs, il existe un ensemble de nouveaux services (TV, messagerie instantanée, blogs, portefeuille électronique, géolocalisation) destinés aux mobiles qui peinent aussi à décoller. Serait-ce du au manque d'information du public ? Il n'en est rien. Toujours selon la même étude de tns sofres, les français sont particulièrement au courant de l'existence de ces services (même quand ils n'en sont encore qu'à l'état de test) : TV en direct (88% des français connaissent son existence), messagerie instantanée (81%), portefeuille électronique (68%), Blogs (52%) et géolocalisation (47%). Les français sont en général mieux informés que les européens, exception faite de ce qui concerne la géolocalisation. Dans le détail, l'étude s'est penchée sur la perception de ces services. La TV en direct sur mobile, aurait péniblement conquis en France, 3% d'utilisateurs, 5% l'ont essayée mais l'ont abandonnée (et seront la cause d'un « buzz » négatif), et enfin, 21% déclarent vouloir l'utiliser à l'avenir. « Mais il faut convertir l'envie en usage, soulève Valérie Morrisson. Le questionnaire a également été approfondi en ce qui concerne la messagerie instantanée. Il y a eu 5% d' « abandonnistes », 1% d'utilisateurs et 13% d' « envistes ». Le portefeuille sur mobile n'est qu'en test, mais il y a déjà 24% d' « envistes » en France. Le blog sur mobile ne déclenche pas l'enthousiasme. Il y aurait 1% d' « abandonnistes », 1% d'utilisateurs et 5% d' « envistes ». Plus attrayante, la géolocalisation amène 1% d' « abandonnistes », 1% d' « utilisateurs » mais 33% d' « envistes ».