Pourquoi les communications unifiées décollent-elles aussi lentement ?
« Les communications unifiées, c'est la promesse qui n'a pas été tenue ces dix dernières années » a lancé Kevin Kennedy, CEO d'Avaya, dans une interview accordée au site Information Age. Selon lui, les utilisateurs continuent de communiquer, mais ont autant besoin d'unification que d'intégration de ces outils.
Quatre pour cent des entreprises françaises (à partir de un salarié) sont équipées en communications unifiées, selon l'étude du cabinet Scholé Marketing qui porte sur 2014. « Un chiffre en trompe l'oeil » ponctue Nicolas Amestoy (en photo), directeur du cabinet. La sociologie des entreprises françaises montre un poids écrasant des TPE, les 4% correspondent donc à l'ensemble des entreprises de un salarié et plus. Dans le segment des 500 et plus, qui compte 9 000 entreprises, on obtient 9% d'utilisation des communications unifies. C'est donc avant tout le secteur des grands comptes qui est consommateur, l'ensemble des entreprises est encore peu concerné.
Si on observe cette technologie sous l'angle de l'équipement des salariés, en prenant en compte tous ceux travaillant sur un écran, pas seulement les cadres, 16% d'entre eux pratiquent les communications unifiées. 25% pour les entreprises comptant 500 salariés et plus. Des chiffres malgré tout modestes par rapport au battage marketing mené sur le sujet. De nouveaux services de communication sont apparus, mais il s'agit de briques séparées, la notion d'unification et celle d'intégration avec le système d'information, font encore défaut.
Des entreprises conservatrices
Les communications unifiées, sont encore en phase de démarrage. Depuis 20 ans, les innovations sont pourtant arrivées en rafale : conférence en ligne, mail, réseaux sociaux, indicateurs de présence. « En fait, deux modes de communication ont fait flores, le mail et la téléphonie mobile, note Nicolas Amestoy, la visio ou la web conférence sont faiblement adoptées. Il est normal que des technologies nouvelles soient lentes à pénétrer dans les entreprises, mais d'autres facteurs peuvent jouer. L'entreprise est un milieu plutôt conservateur dans l'innovation, qui rentre par les grands comptes et met ensuite des années pour se diffuser ».
Ces outils supposent également des formations initiales. « Les entreprises françaises présentent une forme de rigidité dans leur organisation. Le télétravail par exemple est mal encadré, on emporte du travail le soir ou le week-end, ou bien on bénéficie de facilités horaires. Rien de plus. On reste très traditionnel, le télétravail est très peu négocié ». Les communications unifiées se heurtent à ce type de freins et ne concernent encore qu'une minorité de salariés.
25% vraiment en IP
Autre raison, l'IP révolution déjà ancienne puisqu'elle a plus de dix ans, concerne à peine plus de la moitié des entreprises françaises (d'au moins un salarié). 54% précisément. Dans le détail, 40% d'entre elles ont adopté une box VoIP, 23% des solutions pbx ou ipbx, 2% sont passées à l'externalisation, par le centrex ou par le cloud. Des chiffres qui vont au-delà des 100%, certaines entreprises combinant parfois pbx, routeur et box. En fait, 25% seulement des entreprises françaises, si l'on additionne les adeptes des pbx et ipbx et celles de l'externalisation, sont totalement en IP, et restent susceptibles d'adopter des communications unifiées.
Ces éléments structurels expliquent que les communications unifiées n'ont pas fait la razzia qu'on leur a prédit. Les arguments de vente ne sont pas tout à fait adaptés. Les promesses que regrette Kevin Kennedy sont légion. Le conferencing par exemple est supposé permettre des économies sur les frais de voyage. « C'est tout à fait exact, note Nicolas Amestoy, mais curieusement on ne mentionne pas assez les avantages apportés. Or, le conferencing, nous l'avons vérifié, est surtout un outil qui dégage du temps et de la productivité pour multiplier les contacts clients, c'est encore peu mis en valeur ».
Des suppositions mises à mal
Inversement, la mobilité est souvent invoquée comme facteur déclencheur dans le passage aux communications unifiées. Or, dans les faits, peu de gens sont vraiment en situation de mobilité en France. 77% des salariés, selon Scholé Marketing, travaillent sur un site unique, « leur mobilité se limite à la machine à café ou aux salles de réunion ». 17% vont sur différents sites, mais de la même entreprise, 5% évoluent vraiment en mobilité, sortent et vont visiter des partenaires ou des clients avec des besoins correspondants en terminaux et en outils de communication. Et comme le télétravail ne concerne que 16% des salariés français, cette autre forme de mobilité a également un effet réduit.
Quant au clivage générationnel, aux générations Y ou Z, il reste pour le moins limité. « D'après notre enquête, c'est un autre sujet en trompe l'oeil, les nouveaux outils viennent avec les responsabilités, donc très rarement avant 30 ans. Plus on est âgé, plus on a de responsabilité et plus on utilise des outils de communication unifiée ».
Présentes au catalogue de tous les opérateurs et de tous les équipementiers, les communications unifiées sont largement connues mais peu pratiquées. Un facteur perturbant supplémentaire intervient avec Microsoft. Lync et Skype font un malheur en entreprise et ont largement pris la tête du marché. Dernier point, pour Scholé la faille se situe également dans le mode de distribution, l'indirect est généralisé, mais le client final est mal informé par son partenaire. Peut-être ce dernier n'a-t-il pas intérêt à promouvoir ces solutions ou bien est-il mal accompagné sur le sujet.