Paquet télécoms : la France fragilisée par la censure partielle d'Hadopi

le 12/06/2009, par EuroTMT, Régulation télécoms, 710 mots

Après la décision du Conseil Constitutionnel, qui vide de facto Hadopi de sa substance, la France n'est plus guère en mesure de peser sur le nouveau Paquet télécoms, ensemble de directives européennes régissant le marché des télécoms.

(Source EuroTMT) Sacré casse-tête en perspective pour les ministres européens des télécommunications, réunis en conseil, jeudi 11 mai, à Luxembourg. Au menu : le Paquet télécoms. Si le dossier ne devrait pas faire l'objet d'une communication, le Parlement européen n'ayant pas encore transmis officiellement le résultat du vote intervenu fin mai à l'exécutif, l'ordre du jour de la réunion ministérielle fait néanmoins état d'un tour de table pour des discussions informelles. Or la décision prise, mercredi 10 mai, par le Conseil Constitutionnel à propos de la loi « Création et Internet » vient de changer significativement la donne en affaiblissant la position défendue jusqu'à présent par le gouvernement français. Le Conseil a censuré en effet le volet sanction de la loi, en enlevant à l'Hadopi le droit de procéder à la coupure de l'accès à Internet et en rappelant qu'une telle mesure ne pouvait être prise que par un juge. Le Conseil Constitutionnel sur la même ligne que les parlementaires européens C'était justement la position défendue par les parlementaires européens qui, par l'entreprise de l'amendement « Bono » introduit dans le Paquet télécoms, demandaient que les sanctions soient prises par un tribunal. Un amendement rejeté par le gouvernement français, qui avait obtenu le soutien des autres Etats-membres. Après s'être fait corriger aussi sévèrement par le Conseil Constitutionnel en France, il paraît difficile pour la France de continuer à mettre son veto au Paquet télécoms sous prétexte de l'amendement « Bono ». Alors qu'elle sera la position de la France ? La question gène manifestement les pouvoirs publics. Interrogés par EuroTMT, les services du Premier ministre n'ont pas répondu ; et au secrétariat d'Etat à l'Economie numérique (c'est Nathalie Kosciusko-Morizet qui représente la France à Luxembourg), on était dans l'incapacité de préciser le mandat de la secrétaire d'Etat. Si la France ne paraît plus être en état de maintenir son veto, d'autres Etats (Bruxelles présente ainsi l'Allemagne comme étant aussi opposé à l'amendement « Bono ») prendront-ils le relais ? Le droit à l'accès à Internet jugé supérieur au droit d'auteur Si tel devait être le cas, ils pourraient prendre un grand risque compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel qui rappelle quelques règles de droit valant pour tous les Etats-membres : le droit à l'accès à Internet est considéré comme partie intégrante de la liberté d'opinion (et est donc supérieur au droit d'auteur), le respect de la présomption d'innocence et la nécessité de passer par la justice pour obtenir une condamnation. De plus, comme l'indiquaient de nombreux spécialistes, l'amendement « Bono » était surtout un argument de circonstance utilisé par certains pays pour s'opposer au Paquet télécoms. Moins que les mesures directement attachées à la refonte des directives télécoms européennes, c'est la recommandation sur les réseaux à très haut débit (recommandation NGA) qui suscite l'opposition de plusieurs pays. Or l'adoption de cette recommandation a été liée, à la demande de Viviane Reding, la commissaire en charge de la société de l'information, à l'adoption du Paquet télécoms. D'où la tentation de certains pays d'utiliser l'amendement « Bono » pour faire capoter cette recommandation. Si le tour de table effectué au cours du conseil des ministres permettra de voir si la position des pays membres évolue, ce n'est que le 16 juin prochain, lors du conseil européen (le dossier sera alors officiellement à l'ordre du jour) que l'avenir du Paquet télécoms pourrait se jouer. Une loi vidée de son sens Christine Albanel, la ministre de la Culture, a eu beau tenter de sauver ce qui pouvait l'être, la loi « Création et internet » est bel et bien morte et enterrée. Et personne ne peut être dupe de la volonté de la ministre d'appliquer la loi malgré tout. Ce n'est pas parce qu'une haute autorité va être chargée d'envoyer des mails d'avertissement aux Internautes qui téléchargeraient illégalement en ligne que le droit d'auteur sera mieux protégé. De fait, la décision du Conseil constitutionnel rétablit, dans les faits, la situation préexistante. Malgré les nombreuses propositions faites pour mieux défendre le droit d'auteur en ligne et encourager le développement des offres légales, l'inflexibilité du gouvernement, qui ne veut pas reprendre de zéro son projet, demeure incompréhensible.

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