Où Candide s'inspire des ressources WiFi du Mikado
Peu après le retour de Pangloss, le Margrave Von Vogelsang, après un repas bien arrosé par ces merveilleux vins de Moselle, expliqua à Candide les difficultés de son ministère. Les impôts, disait-il, devenaient de plus en plus difficiles à récolter. Pour faire marcher le pays, disait-il, augmenter la taille et la gabelle peut s'avérer dangereux ! plus l'impôt est lourd, plus il est impopulaire et mène à la révolte. Il faut sans cesse inventer de nouvelles taxes, qui donnent au peuple l'illusion que seule une partie « privilégiée » de la population est frappée. Une manière comme une autre de noyer le mécontentement. Ainsi, l'on taxe l'avoine des chevaux avec la TIPP, Taxe InterLänder Pour les Chevaux (cheval se dit Pferd en Teuton). - Mais si le peuple entier possède l'objet taxé, cela revient à augmenter la taille... le peuple germain n'est pas si stupide ! s'écria Candide - On le trompe par d'autres moyens. On lui explique, par exemple, que la taxe aux jeux du cirque ira alimenter le trésor des anciens qui ne peuvent plus travailler. Ou que l'Octroi et le fruit des jeux de hasard seront reversés aux quarts de solde revenant de guerre. Ce n'est pas vrai, mais cela donne bonne conscience. - Et l'Empereur vous demande de lever un nouvel impôt ? - Il a beaucoup dépensé, ces derniers temps. La charge d'Empereur exige de faire quelques concessions aux nobles qui le soutiennent, et ces amitiés sont rarement gratuites. Avez-vous vu, depuis Cincinnatus, un puissant ne pas rechercher plus de pouvoir et plus d'argent ? - Je l'ai, votre idée, mon cher ami, s'exclama Pangloss. Vous avez taxé les chevaux, l'avoine des chevaux, les cirques, les fours à pain, les passages routiers, les gains des particuliers et des artisans, voir même octroyé des largesses à des corporations marchandes, comme celle des revendeurs de galettes de musique... Mais avez-vous taxé le WiFi ? Les étiquettes RFID ? les transmetteurs de mesure VHF ? les clefs Bluetooth ? les étiquettes Zigbee ? Regardez ce que vient de décréter le grand Mikado de Cipango. Tout ce qui émet sera taxé, tout ce qui recevra ibidem ! - Mais c'est impossible, mon cher Pangloss... c'est ce que l'on appelle des « bandes sans licence »... précisément parce qu'elles ne nécessitent pas d'impôt ! c'est dans la définition même des bandes sans licence, on ne paye pas, und das ist alles ! - Voyons, Margrave, vous avez fait bien pire auparavant (japonais). Vous avez taxé la réception des ondes radio, des postes télévision... vous avez même levé l'impôt sur les Cibistes, ces chauffeurs routiers de char à boeuf qui n'utilisaient ce médium que pour parler entre eux ! - C'était différent ! Ils s'en servaient pour alerter leur corporation de la présence des gens d'Arme sur les chemins. Il fallait bien compenser ! - Qu'importe la raison. Ceux là peuvent payer, ils sont nombreux. Cet impôt sera nettement moins impopulaire que la Taxe sur la Noblesse, qui soulève la hire d'un quarteron de ducs qui possèdent les gazettes d'information... - Absolument, songea tout haut Candide, c'est un impôt intéressant. Il est dissocié de la taille ADSL que vous comptez lever l'an prochain pour satisfaire le neveu du Roy de Prusse -lequel est presseur de galettes de musique- , et comme chaque accès ADSL est désormais accompagné d'une machine WiFi... Bingo, comme on dit en Nouvelle France. Et puis, un jour ou l'autre, les super-marchands de la Ligue Hanséatique de Hambourg utiliseront eux aussi des étiquettes Zigbee ou RFID, des douchettes WiFi, des interphones Dect... On parle de pollution radioélectrique, baptisez cela « Ecotaxe du Spectre Radio », cela donnera un aspect militant à votre gabelle. Et ce fut ainsi que l'Empereur de Germanie put enfin taxer uniformément riches et pauvres afin de payer les cadeaux nécessaires à la bonne marche de l'Empire.