Numéricable / SFR : la revanche du câblo
Vivendi a démenti avoir vendu SFR à Altice, holding de Numericable, il avoue seulement avoir été approché par le câblo-opérateur. Une situation paradoxale, c'est les câblo-opérateurs qui semblaient jusqu'alors dans le viseur des opérateurs télécoms et non pas l'inverse.
Petit rappel historique : en France, le câble a été unifié par Patrick Drahi, fondateur du holding Altice. En 2004, fusion d'UPC (filiale de Liberty Global) et Noos (l'ex Lyonnaise Câble), rachetés par Ypso. Ce dernier reprend également : France Télécom Câble, NC Numericable (filiale de Canal +), SemNet (un régional basé dans l'Est de la France), Tdf Câble. Progressivement, tous ces réseaux agissent sous la seule marque Numericable.
Bref, les anciens réseaux câblés français (issus du plan câble de 1984) passent alors sous la houlette d'Ypso. Qui est Ypso ? Une holding détenue par l'anglais Cinven, l'américain Carlyle et le luxembourgeois Altice. Altice c'est Patrick Drahi (en photo, source : Tactis) qui va se défaire de ses deux associés pour devenir le patron de Numericable, l'introduire en bourse à l'automne dernier et viser plus haut, le rachat d'un opérateur. Il vise SFR.
Une véritable tragédie
Le rapprochement de tous les réseaux câblés s'est accompagné d'une refonte des services clients, le secteur a en effet vécu une véritable tragédie au milieu des années 2000 et garde toujours une image controversée. Pourtant, les investissements sont réels dans la partie technique des réseaux et dans les box. Altice a également racheté Completel opérateur de réseau pour entreprises qui complète Numericable destiné aux particuliers et spécialisé au départ sur la télé et ensuite très présent dans l'accès internet, donc concurrent des autres « grands » de l'adsl.
Même si son activité mobile est marginale, Numericable-Completel est devenu l'un des cinq grands acteurs des télécoms en France. Le talent de Patrick Drahi y est pour beaucoup et fonde la nouvelle stratégie de conquête d'un opérateur télécoms à part entière. Un pari osé. Partout en Europe, les câblo sont voués à être rachetés par des telcos. Liberty Global l'américain revient en Europe, il a mis la main sur Virgin Média en Grande-Bretagne pour 23,3 milliards de dollars et vise d'autres pays. Il a échoué pour reprendre Telenet en Belgique. Vodafone, lui, s'intéresse à Kable Deutschland et au hollandais Ziggo. Le câblo portugais Zon a fusionné avec l'opérateur de mobile local Sonaecom.
Dans dix ans on n'en parlera plus
Avec les projets d'Altice, la France présente donc un paradoxe. Partout ailleurs en Europe, les câblos sont des proies. Pour une raison bine simple : dans dix ans on ne parlera plus du câble comme nous le déclarait Yves Gassot, le directeur général de l'Idate. Mais Patrick Drahi, lui, est dans une autre logique, il parle finance. Les sociétés de bourse de leur côté « salivent » littéralement à l'idée d'un rapprochement entre Numericable et SFR. Ce serait pour elles, pour les banques et les cabinets d'avocats « le» dossier de l'année.
Quant à Vivendi, l'élément financier semble également dominant. Il voulait introduire SFR en bourse, mais la guerre des télécoms en particulier sur les prix, rabaisse cette possible valorisation. Une vente pure et simple, ne serait-ce que de la majorité des parts sera peut-être plus rentable. Il reste à en déterminer le prix. Selon Les Echos un accord de principe a été adopté ce week-end. Mais une première négociation a déjà échoué entre les deux groupes. Rien ne paraît donc assuré. Vivendi semble pressé de vendre, mais Numericable peut aussi se faire « doubler » par des acteurs plus importants, on pense à Vodafone, Carlos Slim, Liberty Media. Le contexte français limite quand même cette dernière hypothèse. Reste l'intérêt industriel des deux parties, Numéricâble a besoin de trafic sur ses réseaux et SFR a besoin de réseaux pour ses abonnés. Une bonne complémentarité, sur le papier.