MVNO : Les segments entreprises sont convoités
Ramzi SAIDANI, consultant senior à Tera Consultant et à l'OMSYC (Observatoire Mondial des Systèmes de Communication), nous délivre les grandes tendances du positionnement des MVNO sur le marché entreprises.
R&T : Comment se dessine le paysage des MVNO en France ? Ramzi SAIDANI : La segmentation s'effectue tout d'abord entre l'axe grand public et l'axe entreprises. Pour le moment, le paysage est tourné vers le marché résidentiel. M6 Mobile et Universal Mobile dominent le marché, avec respectivement plus de 200 000 et 250 000 clients. Cependant ces acteurs ne sont pas à proprement parler des MVNO car au final c'est l'opérateur mobile hôte qui active les lignes et assure la facturation des clients. Le reste du marché est partagé entre des MVNO minimalistes: Télé 2 qui affiche plus de 100 000 clients, suivi par NRJ Mobile, Débitel et Breizh Mobile et des plus petits acteurs comme Transatel. Neuf Cegetel et Virgin Mobile sont attendus prochainement comme nouveaux entrants sur le marché résidentiel. R&T : L'entreprise semble délaissée par ces nouveaux acteurs ? R.A. : On ne peut pas dire ça, les entreprises commencent elles aussi à attirer ces nouveaux acteurs mais il est vrai que logiquement c'est le marché grand public qui est adressé le premier par les MV NO. Ce n'est pas une spécificité française, toute l'Europe a suivi le même modèle. Les MVNO répondent à une logique de segmentation plus fine sur un marché arrivé à maturité. Bien qu'il y ait encore un potentiel sur les équipements sur certains marchés nationaux, le marché de la téléphonie mobile 2G grand public arrive presque à saturation. Les MVNO cherchent donc il est vrai à adresser certains consommateurs délaissés. Mais le véritable enjeu est de faire augmenter l'ARPU des consommateurs existants en leur proposant une offre pensée pour eux d'où le focus sur les jeunes de 15-30 ans en France par exemple. « Il y a de la place pour les MVNO en entreprises » R.A. : Le marché « entreprises » est quant à lui loin d'être aussi saturé. En particulier en France, SFR estime que seul 20 % des abonnés mobiles sont des clients entreprises. Il y a donc de la place pour les MVNO en entreprises, dotés d'offres spécifiques. Certains acteurs se sont déjà positionnés, comme Futur Télécom ou Débitel. Futur Télécom par exemple se focalise sur les TPE/PME et compte avec son activité de MVNO renforcer le nombre de ses clients existants (20 000 lignes). Les grands opérateurs alternatifs tels que Neuf Cegetel ont également débuté leur activité, dans une logique d'offres intégrées fixe, mobile, internet. D'autres acteurs continueront d'arriver sur le marché « entreprises » comme Normaction ou Coriolis qui annoncent vouloir se positionner à la fois sur le grand public et sur la clientèle professionnelle. La « recette » est de commercialiser des offres adaptées aux différents segments de la clientèle entreprises. Les opérateurs mobiles n'ont pas toujours ni le temps ni les ressources (forces de ventes, proximité et contacts clients) de composer des offres visant en particulier les TPE/professionnels ou les PME. Pour certains opérateurs en retrait sur ces différents segments, le partenariat avec des MVNO peut constituer d'ailleurs une stratégie à explorer. En France où Orange est fortement présent sur le marché « entreprises », il apparaît que SFR collabore étroitement avec des MVNO. R&T : Quel est le modèle économique des MVNO ? Quelle est leur marge de man?uvre ? R.A. : Le poste de coûts souvent le plus important est l'achat de minutes. En France, comme dans beaucoup d'autres pays, les MVNO bénéficient d'une remise d'environ de 25 à 35% sur le prix de détail moyen. La marge de man?uvre est donc limitée et oblige à l'efficacité. C'est pourquoi, les MVNO sur le marché doivent souvent partir d'un « actif existant ». Cela peut-être une base de clients installés et/ou d'une notoriété établie afin de limiter aux maximum leurs autres postes de coûts (acquisition, communication, etc...). Dans le monde de l'entreprise, le discours de guichet unique et de services sur mesures peut séduire si l'on dispose de ces prérequis. Coriolis par exemple est reconnu comme une SCS à haute QoS sur le service clients et capitalisera entre autres sur cette image pour développer son offre MVNO. R&T : Comment se positionnent les acteurs de la téléphonie fixe ? R.A. : A l'étranger, des groupes de communications électroniques se sont placés sur ce marché. Song ou Axiti, groupes scandinaves, commercialisent déjà depuis quelques années des solutions intégrées données/voix mobile et fixe. Il apparaît de plus en plus logique pour un opérateur fixe alternatif de compléter son offre par une offre mobile. Après NeufCegetel, d'autres acteurs de taille vont continuer de rentrer. Hub Télécom (ADP Telecom) a annoncé se lancer sur le marché mobile avec un positionnement délibérément « entreprises ». R&T : Quand les MVNO s'interconnecteront-ils directement aux opérateurs mobiles ? R.A. : Il existe déjà quelques cas en Europe où le MVNO dispose de ses propres équipements de haut de réseau. Télé 2, dans tous les pays où il est présent, développe un modèle de MVNO étendu. Un tel modèle n'est pas possible partout et notamment en France, tout simplement parce qu'aucun opérateur mobile ne peut être obligé de coopérer avec un MVNO étendu. La convergence fixe mobile avançant à grand pas (c'est déjà le cas au Royaume-Uni entre BT et Vodafone sur BT Fusion, France Telecom avec son projet Homezone et Neuf Cegetel avec son Beautiful Phone qui l'expérimente en France), les opérateurs alternatifs vont sans doute chercher à passer des accords de MVNO plus complexes que ceux existants. Pour autant les opérateurs n'auront pas forcément besoin d'être MVNO pour offrir des offres convergentes. Dans les années à venir, on peut imaginer également que la réglementation puisse contraindre certains opérateurs intégrés à proposer une offre de gros de services convergents. R&T : Quelles sont vos prévisions sur l'entrée de nouveaux acteurs ? R.A. : Virgin a annoncé son entrée sur le marché français avec The PhoneHouse. D'autres entreprises (Easy Mobile) ont des projets paneuropéens et disent étudier une entrée sur le marché hexagonal. Si l'on s'intéresse à ce qui s'opère à l'étranger, on observe qu'en France la distribution (Leclerc, Carrefour, Auchan, FNAC) et les « offreurs ethniques » ne se sont pas encore positionnés. En Allemagne, Aldi et bientôt Lidl sont actifs. Au Royaume-Uni, Tesco est devenu un MVNO important. Fonctionnant sur un modèle de MVNO léger, ces acteurs disposent d'une sérieuse force de frappe : leurs points de vente. En France, un distributeur tel que la Fnac pourrait devenir MVNO. Elle dispose d'une bonne base de clients, d'un réseau de distribution dense et commercialise déjà des téléphones mobiles. « Les FAI devraient se positionner » Quant aux segments ethniques, aux Pays-Bas et en Allemagne, des offres spécialement conçues pour des communautés importantes (communauté turque, Antilles néerlandaises) sont proposées. On n'imagine pas qu'en France des offres destinées aux communautés d'Afrique du Nord par exemple, ne puissent voir le jour. Certains opérateurs mobiles étrangers (Maroc Telecom, Orascom) pourraient ainsi s'intéresser aux principaux marchés mobiles européens dont la France fait partie. Enfin, une autre grande catégorie d'acteur est attendue : les FAI, tels Free, Club Internet et Alice qui peuvent être tentés par des offres « quadruple play ». Ne pas oublier également des acteurs tels que Google ou Apple dans un futur plus éloigné....