Mobilisation croissante contre le fichier de données personnelles Edvige
Deux mois après sa création, le fichier Edvige a suscité des dizaines de milliers de signatures de citoyens pétitionnaires réclamant son retrait. La classe politique se mobilise également depuis l'opposition jusqu'à certains membres de la majorité. Le décret portant création du fichier Edvige a beau dater du 1er juillet 2008, la colère qu'il suscite ne cesse de grandir. Ce fichier Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) recense de nombreuses données strictement personnelles. Après les réserves exprimées par la Cnil et divers représentants de la sphère publique au coeur de l'été, de nouvelles voix s'élèvent cette fois venant des politiques. A gauche, Martine Aubry s'interroge sur les dérives d'Edvige, en particulier en ce qui concerne l'accès aux emplois de la fonction publique. Beaucoup plus ferme, François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, insiste : « ce fichier ne doit pas exister dans un pays démocratique ». Il estime que le dispositif n'a d'autre utilité que « de contrôler de manière inadmissible les citoyens de ce pays. » En fin de semaine dernière, Michel Pezet, avocat et vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône, publiait une tribune dans le journal Le Monde, dans laquelle il qualifiait Edvige d'« embastillement électronique ». Il appelait la gauche à « s'extraire enfin du consensus politique aberrant qui consiste, au nom de la sécurité, à sacrifier chaque jour un peu plus de la liberté de chaque individu. » La semaine dernière, l'Union syndicale des magistrats se tournait vers le Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation du décret de création du fichier. Ce recours devant le juge suprême portait à 13 le nombre de procédures intentées contre Edvige devant la justice administrative. Photo : Hervé Morin, ministre de la Défense et président du Nouveau Centre (D.R.) Les réactions négatives ne s'arrêtent pas aux frontières de la gauche. S'il n'est guère surprenant de compter François Bayrou parmi les opposants au texte, le président du Modem appelant à un « mouvement de refus républicain », on constate qu'Edvige met aussi à mal l'harmonie gouvernementale. Le week-end du 7 septembre, Hervé Morin, le ministre de la Défense et président du Nouveau Centre, faisait ainsi part d'un « certain nombre de questions ». Lors des Universités d'été de son parti, il se demandait notamment s'il était « bien nécessaire de ficher les personnes jouant un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif. N'y a-t-il pas là un curieux mélange des genres ? ». Et ça continue, le lundi 8 septembre 2008, c'est au tour de Laurence Parisot, présidente du Medef, de partager ses interrogations et de réclamer des explications à la ministre de l'Intérieur : « c'est quelque chose qui me gêne beaucoup, a-t-elle indiqué. « Je suis assez troublée par ce que nous sommes en train de découvrir. Je note que nous n'avons pas été consultés alors que nous sommes concernés en tant que militants de l'entreprise. » Toutes ces critiques sont renforcées par des réactions venant de la société civile. Deux pétitions s'enrichissent chaque jour de nouvelles signatures : celle du collectif « Malgré tout » en compte 4145, dont celles de José Bové et de Noël Mamère ; le regroupement « Non à Edvige » recense quant à lui 123 378 paraphes.