Michel Combes, dans le viseur de l'Autorité des marchés financiers
Comme nous l'annoncions il y a deux jours, le cabinet Proxinvest a saisi l'AMF (Autorité des marchés financiers) sur les conditions de départ de Michel Combes de son poste de Pdg d'Alcatel-Lucent. Non seulement l'AMF réagit à cette saisine, mais elle indique être déjà intervenu, fin juillet, auprès d'Alcatel-Lucent sur les modalités de ce départ.
Les conditions financières de départ pour un dirigeant de grande entreprise font souvent l'objet de polémiques en France. Médias et responsables politiques enchaînent les prises de position morale, elles reviennent à chaque fois à peu près dans les mêmes termes. Chacun se fait sa propre opinion. Pour le départ de Michel Combes, la confusion est encore plus forte et la polémique est encore plus violente.
Rappelons d'abord que l'ancien Pdg d'Alcatel-Lucent ne bénéficie d'aucun « parachute », cette notion correspond au versement d'une indemnité de départ, ce n'est pas le cas. L'affaire porte sur une somme qui lui sera versée en actions et en stock-options, officiellement pour avoir rapidement redressé l'entreprise. L'AMF relève qu'il s'agit de conditions nouvelles en contradiction avec des déclarations publiques et sans communiqué de presse ad hoc (une simple publication sur le site).La polémique porte sur le fait que cette somme serait immorale, au regard des suppressions de postes engagées et du fait que l'entreprise est finalement vendue.
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Mais l'affaire doit aussi s'apprécier sur un plan juridique. C'est là qu'elle peut passer d'une appréciation morale à un jugement et des décisions qui pourraient la remettre en cause. L'argumentation est double, elle porte sur le fait que les conditions de départ n'ont pas été correctement mises à la disposition du public et qu'elles contredisent le code de gouvernement d'entreprise Afep-Medef et celui de l'AMF. Le cabinet Proxinvest défenseur des actionnaires porte son argumentation sur le premier point, l'AMF sur les deux.
Fait nouveau, l'Autorité a mis en ligne sur son site deux lettres échangées avec l'équipementier. Ces lettres sont datées, l'une du 31 juillet, c'est celle que l'AMF a adressé à Michel Combes pour lui faire des remontrances, l'autre, la réponse d'Alcatel-Lucent, date du 31 août. L'AMF, qualifiée souvent d'inerte, montre qu'elle a au contraire agi sur ce dossier, à l'abri de la polémique et en avançant trois pages d'arguments serrés. La pression sur elle est forte, le ministère de l'économie indiquant, après avoir reçu Philippe Camus, nouveau Pdg d'Alactel-Lucent son mécontentement sur cette affaire. Emmanuel Macron demande à Alcatel-Lucent d'attendre les avis de l'AMF et du Haut comité du gouvernement d'entreprise avant de prendre une décision. Manière habile de réclamer une décision.
Renforcer le pouvoir des actionnaires
De son côté, le cabinet Proxinvest réclame, ce n'est pas la première fois, une action plus forte et plus durable afin de renforcer le pouvoir des actionnaires face aux administrateurs, avec plus de transparence et moins de conflits d'intérêt. Les codes de bonne conduite et autres comités des rémunérations font effectivement pâle figure.
Le Medef, par la voix de l'un de ses vice-présidents Thibault Lanxade a lui aussi placé ses arguments et critiqué Michel Combes : "Il y a un code de bonne conduite qui permet justement de faire en sorte que les rémunérations qui sont octroyées aux dirigeants soient conformes à ce qui a été décidé par les entreprises, et également validées par l'Autorité du marché des contrôles financiers, et par Bercy. Donc, il faut maintenant que l'on regarde attentivement : est-ce que pendant cette période il y a eu une très forte performance de l'entreprise ? Est-ce que les montants étaient adossés sur des prises de risques, des critères bien définis ?".
C'est la première fois que l'organisation patronale se prononce aussi vite et aussi nettement sur un tel sujet. La contradiction entre la pratique et la théorie des codes de bonne conduite et du processus de contrôle des rémunérations menace la crédibilité des entreprises et de la place de Paris. Le Medef et l'Afep avaient pourtant créé il y a deux ans le Haut comité du gouvernement d'entreprise, justement pour être plus crédible sur ce sujet. Peine perdue.
En illustration : l'AMF n'a pas attendu que la polémique éclate pour se saisir du dossier Michel Combes
Le collège de l'AMF examine