Médias : les annonceurs ne peuvent pas suivre la multiplication des supports
D'un côté, les médias se multiplient. De l'autre, les portes-monnaies des annonceurs se resserrent. « Un moment, il va y avoir des morts. », annonce un spécialiste du secteur, lors de l'assemblée Générale de l'EBG (Electronic Business Group), le 24 juin.
Les annonceurs ne peuvent plus payer pour la multiplication des médias, des supports médias, et des nombreux modèles gratuits. Le gâteau se réduit, mais les convives (les nouveaux médias) semblent toujours plus nombreux. C'est le constat qui est ressorti des conférences « Vers une nouvelle économie du secteur publicitaire ? », « Une compétition entre les médias ? », et « Back to the future : l'internet de demain avec ceux qui ont crée l'internet d'aujourd'hui » organisées lors de l'assemblée générale de l'EBG le 24 juin. Des solutions existent-elles ? D'abord, il faut élargir la notion de médias. C'est Maurice Lévy, Président de Publicis, qui s'y attèle : « La définition de média, c'est 'canal de diffusion non personnalisable'. Une définition qui n'est plus à jour. » Cette personnalisation de plus en plus importante (vidéo à la demande, consommateurs qui vont d'un site à l'autre, d'un type de média à l'autre) est au contraire la nouvelle donne. La multiplication des supports et des médias Jean-Michel Grapin, fondateur de Yacast, un organisme de mesure d'audience, cite les facteurs qui selon lui ont mené les médias d'une très bonne situation financière il y a quelques années à la situation actuelle : - La crise économique, - La multiplication du nombre de supports médias, - La disparition progressive des rendez-vous (type 'Journal de 20heures') au profit du on-demand, qui est peu ou pas financé par la publicité. Ces points de vue sont aussi partagés par Maurice Lévy, Président de Publicis, qui parle d'une « fragmentation des audiences comme la publicité n'en a jamais connu. ». Mais il relève aussi 2 facteurs supplémentaires qui viennent directement concurrencer les médias installés : - Le fait que les consommateurs ont aujourd'hui souvent plus confiance dans les autres consommateurs que dans les médias traditionnels, - La possibilité pour n'importe qui de créer un nouveau média (par l'intermédiaire des blogs par exemple). La multiplication des supports n'est pas seule en cause, et on observe aussi une multiplication des acteurs (chaînes de télévision, presse, etc...). Maurice Lévy (Publicis) précise à ce sujet que le digital n'est pas un nouveau média, mais au contraire que c'est l'ensemble des médias classiques qui se digitalisent (presse, services, TV, radio, multimédia), peu importe que ce soit sur internet ou sur mobile. Un partage dans lequel on ne retrouve pas forcément ses billes Au final, Jean-Michel Grapin (Yacast) prévient que si de plus en plus de monde veut sa part du gâteau, celui-ci ne grossit pas pour autant. « Un partage dans lequel on ne retrouve pas forcément ses billes », résume-t-il. En ce qui concerne la vidéo on-demand, il fait remarquer que « même en intégrant la pub dans le on-demand, comme le fait M6 Replay, ça ne ramènera jamais autant d'argent que 24 pubs en 45 min. ». Il estime de plus qu'« on a vendu aux citoyens un internet gratuit et fictif. A terme, on va détruire toute valeur. » Il va y avoir des morts « Les médias se multiplient, et le gratuit aussi. Et les annonceurs doivent payer pour tout cela ? Un moment, il va y avoir des morts. », résume Jean-Michel Grapin. Qui seront ces morts ? Selon les estimations de Publicis à l'échelle mondiale, la TV, bien que stagnante, n'est pas menacée, tout comme internet qui est en large augmentation. Ce sera la presse qui souffrira le plus, suivie de la radio. L'exemple de la presse Web est encore plus frappant, avec des annonceurs qui payent jusqu'à 10 fois moins que sur les autres supports, malgré une visibilité en constante augmentation. Des solutions existent-elles ? On peut retirer 2 axes de réflexions des conférences EBG du 24 juin : Mener les consommateurs du gratuit vers le payant, et profiter de cette fragmentation des médias pour mettre en place une publicité plus ciblée. Les solutions hybrides gratuit/payant La presse sur internet envisage déjà des modèles hybrides mélangeant zones gratuites, zones payantes à plus forte valeur ajoutée, et activités parallèles profitant du support web (son, vidéo, petites annonces par exemple). L'utilisation de plusieurs supports est aussi une solution. « Le site internet profite de la crédibilité donnée par la presse papier. », précise à ce sujet Francis Morel, Président du groupe Le Figaro, qui va bientôt créer une zone payante sur le site du Figaro. Jean-Michel Grapin, fondateur de Yacast, insiste de son côté sur le fait qu'« faudrait déjà monétiser ce qui existe et arrêter de tout demander aux annonceurs. La galette se réduit. Les gens sont habitués au gratuit, il faut les mener vers le payant ». Une évolution qui passe selon lui par une amélioration du micropaiement et qui nécessite d'habituer les gens à un passage à l'acte (le paiement ici). Quant à la multiplication des médias, pour Scott Ferris, responsable médias émergents pour Microsoft Publicité, ce n'est pas un problème si l'argent suit. « Les consommateurs consomment de plus en plus de médias, de plus en plus en ligne. Les annonceurs doivent les suivre. Ils peuvent profiter de ces médias pour toucher plus précisément les consommateurs. Le mobile, par exemple, est très adapté au local, et aux actualités (sports, informations générales, ...) » Une publicité personnalisée selon le supports Christian Polge, Président de Coca Cola France, confirme en effet qu'une publicité massive sur tous les supports n'est plus adaptée. « Avec un catalogue de marques variées et des médias diversifiés, il faut faire la bonne pub au bon endroit. Powerade [Une boisson énergétique] aura plus sa place sur Eurosport que sur TF1. ». Il se plaint aussi d'un manque d'éléments de mesure cross médias. « Quand on lance un produit important, on utilise tous les supports. Mais le tout est-il plus que la somme des parties ? ». Maurice Lévy, Président de Publicis, rappelle à ce sujet que certaines marques sont plus adaptées à la télévision, d'autres plus au digital. Mais la personnalisation peut aller encore plus loin. Ainsi, Eugénio Minvielle, Président de Nestlé France, explique qu'en plus d'accompagner le consommateur à l'achat, on peut aussi l'accompagner par la suite. Dans le cas de Nestlé, par exemple en proposant des recettes, voire des sauvetages de recettes. « Le mobile peut aider dans ce domaine. » Il faut être présent sur le marché mobile Christian Polge (Coca-Cola France) explique qu'il préfère s'intéresser aux tendances longues, qui sont selon lui au nombre de deux : la technologie (Internet entre autres), et la mobilité de plus en plus importante des gens. Et c'est donc le mobile que choisit Coca Cola : « Chez Coca Cola, on met le téléphone au même niveau qu'internet par le passé. On pense que c'est sur le mobile qu'il faudra vraiment être présent à l'avenir. » Quant aux classiques sites Web ? « Les sites, ce n'est pas trop ce qui nous intéresse. On gardera une adresse, si quelqu'un veut des informations sur l'un de nos produits. ». Cet avis sur le rôle du mobile est aussi partagé par Maurice Lévy, de Publicis. « Il y a beaucoup de contraintes techniques, mais si aujourd'hui on voit le bout de l'iceberg, on peut s'attendre à des changements colossaux. Le NFC, l'internet, la photo ou la vidéo ne sont que le début. Aller au plus près du consommateur La multiplication des supports et la frilosité des annonceurs ont donc mené les médias vers un goulet d'étranglement. Comment s'en sortir ? En allant au plus près du consommateur. « On veut être là où les choses se passent vraiment. On ne sait pas où serons les gens dans 3 ans, mais nous y serons. Notre conviction, c'est expérimenter pour savoir pour prendre de l'avance. », résume Christian Polge, Président de Coca Cola France.