Martin Bouygues balance un non cinglant à Patrick Drahi
Tout ça pour ça ! 48 heures d'effervescences médiatiques, de contradictions gouvernementales, mais aussi de silence impavide chez le principal intéressé, le groupe Bouygues, qui a finalement rejeté l'offre de rachat de sa filiale Bouygues Télécom, présentée par Altice.
Depuis près d'un an, Martin Bouygues et ses adjoints se répètent : Bouygues Télécom restera indépendante. La société est soutenue par sa maison mère et investit, essentiellement dans le fixe, sur le marché grand public d'abord, sur celui des entreprises plus récemment. Cette position est confirmée ce mardi soir, après un conseil d'administration commencé à 18 h qui a duré un peu plus de deux heures. Tous les analystes, professionnels ou improvisés, qui ont anticipé la vente et projeté leurs certitudes sur le futur groupe en seront pour leurs frais.
Sur le même sujetBouygues Télécoms lance une offre fixe, mais par la 4G, pour les entreprisesLes boursiers sont particulièrement dépités. L'offre à 10 milliards d'euros avait séduit les salles des marchés et les investisseurs. Ce matin, BFM Business expliquait même sur la foi de plusieurs analystes, que l'offre pouvait monter à 14 milliards. Pour eux, si Martin Bouygues et son conseil ne se prononçaient pas favorablement ce ne serait que partie remise. Le malin Martin Bouygues ne ferait alors que laisser monter les enchères pour emporter une mise plus forte.
Bouygues remercie ses salariés
La réponse du groupe Bouygues est particulièrement nette, sévère même à l'égard de Patrick Drahi et de tous les commentaires (*) intervenus depuis dimanche matin. D'abord, il se prononce à l'unanimité en faveur du rejet. Ensuite, il avance un argument commercial qui va à l'encontre de tous les analystes, estimant que le secteur va connaître une nouvelle croissance et que, grâce aux investissements des derniers mois sur le fixe, il saura en tirer profit. Enfin, dans une dernière rafale, Bouygues torpille le projet de Patrick Drahi sur plusieurs points : le droit de la concurrence, les prochaines enchères sur les fréquences et l'emploi.
Grand seigneur, il rend hommage aux salariés de l'opérateur, promis à la boucherie en cas de vente et qui ont déjà subi en un an un plan de départ, des économies drastiques et déménagé à Meudon il y a un mois.
(*) Commentaires presqu'unanimes, y compris des journalistes, à donner Bouygues Télécom vendu et rapidement démantelé. Emmanuel Macron, lui, s'est montré opposé au rachat dimanche mais moins opposé mardi matin, le PDG d'Orange (dont l'Etat détient 26%) rappelant que ce n'était pas au Gouvernement de se prononcer mais à l'Autorité de la concurrence.
En illustration : Martin Bouygues, impavide, garde avec la direction de Bouygues Télécom son cap et son indépendance.
Le communiqué du groupe Bouygues
Réuni le mardi 23 juin 2015, le conseil d'administration de Bouygues a décidé à l'unanimité, après un examen approfondi, de ne pas donner suite à l'offre non sollicitée du groupe Altice visant à acquérir Bouygues Telecom.
Le conseil d'administration a pris cette décision pour les raisons suivantes :
. Le conseil est convaincu que le marché des télécoms est à l'aube d'une nouvelle ère de croissance portée par le développement exponentiel des usages numériques. Il considère que Bouygues Telecom est particulièrement bien placé pour bénéficier de cette croissance sachant qu'il dispose d'un avantage concurrentiel fort et durable grâce à son portefeuille de fréquences et à son réseau 4G reconnu comme l'un des meilleurs du marché. L'opérateur, devenu l'animateur du marché du Fixe, bénéficie également de sa percée dans l'Internet Haut Débit et du lancement réussi de sa Bbox Miami sous Android. Enfin, l'accélération de la transformation de l'entreprise conduit à une structure de coûts de plus en plus compétitive.
Le conseil considère que Bouygues Telecom a les moyens de retrouver à l'horizon 2017 une marge d'Ebitdaa de 25% minimum (niveau de 2011), celle-ci devant poursuivre sa progression à plus long terme.
. Par ailleurs, le conseil estime que l'offre présente un risque d'exécution important qu'il ne revient pas à Bouygues d'assumer, en particulier en matière de droit de la concurrence, que ce soit dans le marché du Mobile ou du Fixe. Aucune réponse pleinement satisfaisante n'est apportée par Altice sur ce sujet essentiel qui serait étudié en détail par l'Autorité de la concurrence. En outre, elle ne prend pas en compte le lancement imminent de la procédure d'attribution des fréquences 700 MHz et ses conséquences sur l'opération.
. Enfin, le conseil a apporté une grande attention aux conséquences d'une consolidation du marché sur l'emploi ainsi qu'aux risques sociaux nécessairement liés à une telle opération. Le groupe Bouygues s'attache depuis toujours à écrire une histoire industrielle créatrice de valeur sur le long terme avec ses salariés et ses prestataires, dans l'intérêt de ses clients, tout en veillant à ses engagements en matière d'investissements pour le développement des infrastructures françaises.
Le conseil a renouvelé toute sa confiance à l'équipe de direction ainsi qu'à l'ensemble des collaborateurs de Bouygues Telecom. Il a rendu hommage à leur motivation et aux efforts accomplis.