Marché des entreprises : le duopole affecte les VPN multi-sites et les métropoles
Autant le marché résidentiel est connu et régulé, autant celui des entreprises reste en France dans le brouillard. Internationaux ou régionaux, les acteurs du marché déplorent un duopole qui se renforce et souhaitent une meilleure dynamique de marché.
Dans une étude publiée en 2012, l'Idate évaluait à 12 milliards d'euros le marché des télécoms d'entreprises en France. Orange business services (OBS) était crédité de 63% de parts de marché, SFR Business team de 21%. Avec Completel à 4%, le groupe Numericable (maison mère de Completel), après son rachat de SFR (et de sa division SFR Busines team) représente désormais 25% du marché. Loin derrière se trouvaient Bouygues Télécom à 3%, Colt à 3%, le « reste » se partage » les 3 derniers pour cents. Le duopole était enfin évalué, mais on peut aussi parler d'opérateur prépondérant, les chiffres de l'Idate étant même en dessous de la réalité pour OBS, remarquent plusieurs de nos interlocuteurs.
Sur le même sujetBouygues Télécoms lance une offre fixe, mais par la 4G, pour les entreprisesUne fois évalué, il reste à analyser ce marché et peut être à en tirer des conséquences. « Nous souhaitons mieux le connaître dans ses usages comme dans ses besoins, par exemple la couverture ou la latence » expliquait mercredi matin Sébastien Soriano, Président de l'Arcep. Il a confié à Pierre-Jean Benghozi, membre du collège de l'Autorité, le soin de mettre en musique une étude du marché des entreprises. Elle semble concerner avant tout les PME, mais sur tous les segments de marché, l'état de la concurrence est souvent montré du doigt. Sur les très grandes entreprises internationales ou les grands comptes français, les opérateurs anglo-saxons par exemple relèvent la fermeture du marché pour leurs offres. Fermeture particulièrement sensible dans les entreprises publiques ou le secteur banques -assurance et sur le thème de la cyber-sécurité.
Des offres rendues obscures
L'Arcep semble d'abord s'inquiéter de la qualité des réseaux et de la lisibilité des offres, souvent packagées et rendues ainsi obscures (*). « Effectivement, nous explique Philippe Recoupé, Président de Forum Atena, on aboutit à ce paradoxe que les opérateurs n'arrivent pas à décrypter des offres de gros et font appel à des consultants ». Double problème donc, celui des offres de détail adressées aux entreprises ETI et PME, apparemment peu claires, et celui des offres de gros pour les opérateurs locaux et régionaux qui sont dans le même état. Problème de qualité de service également, dans la livraison des lignes, ou en cas de coupure.
«Le point le plus sensible, observe encore Philippe Recoupé, c'est le VPN, mais dans un cadre multi-sites. Sur les VPN mono-site, il est toujours possible pour un opérateur de proximité de faire une offre. En revanche, dès qu'on passe à l'entreprise multi-sites, que ces sites soient sur la même zone ou que l'on passe en zone régionale ou même nationale, l'opérateur de proximité ou de taille régionale, voire multi-régionale, sera face au duopole ». Dans le cas de l'adsl, il pouvait obtenir des connexions à un tarif correct, ce n'est pas possible avec la fibre. Le Président de Forum Atena réclame l'activation des offres à un prix d'équilibre acceptable, l'Arcep ayant démontré ses capacités à obtenir des tarifs équilibrés.
Aboutir dans 6 mois ou dans 3 ans
Difficulté supplémentaire, notre Philipe Recoupé, et contrairement aux idées reçues, c'est dans les villes et les zones industrielles des métropoles que le problème est le plus aigu. Ailleurs, dans les zones dites AMII (**), les RIP (***) apportent la concurrence et ouvrent le marché aux opérateurs. « Ce point est très important, la dynamique de la concurrence doit accompagner la dynamique territoriale ». Que faire ? L'Arcep avance, mais de manière encore exploratoire sur le dossier. « Nous arriverons à dialoguer, Orange est membre de Forum Atena et nous écoute attentivement, note son Président, mais la question est celle du délai, aboutirons-nous dans six mois, ou dans trois ans ? Si c'est la deuxième hypothèse qui l'emporte, il y a aura des disparitions ».
Parlant d'un sujet plus global, celui du nombre théorique d'opérateurs par pays, le Président de l'Arcep déclare ne pas faire une religion du chiffre 3 ou 4, mais glisse : « il y a un chiffre que je n'aime pas, c'est le chiffre 2 ». Cette maxime s'applique-t-elle au marché des entreprises ? Le régulateur s'engage pour la fin de l'année sur une vaste consultation des interlocuteurs possibles, avec difficulté semble-t-il côté entreprises, où il manque d'interlocuteurs chez les clients PME et ETI des opérateurs. Il souhaite aboutir à ce que représente le Graco ( Groupe d'échange entre l'Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs) pour les collectivités locales : une instance de représentation et de dialogue entre les opérateurs et ses partenaires ou clients.
(*) C'est par exemple tout le charme des expressions BLOM (Boucle locale optique mutualisée) et BLOD (Boucle locale optique dédiée), la première plutôt destinée aux TPE, la deuxième aux PME et ETI.
(**) Zones AMII (Appel à Manifestations d'intentions d'investissements), zones situées en dehors des zones très denses.
(***) RIP : Réseaux d'Initiative Publique, créés et exploités par les collectivités locales qui investissent pour amener la fibre optique dans les territoires à faible densité de population et d'entreprises.
En illustration : Pour Philippe Recoupé, Président de Forum Atena, les opérateusr alternatifs ne peuvent accéder aux VPN multi-sites