Loi sur le renseignement : le « oui, mais » de Stéphane Richard
La fameuse loi sur le renseignement doit être votée en première lecture à l'Assemblée nationale, dans une semaine, le 5 mai. Si les hébergeurs ont donné de la voix et menacé de quitter la France, les opérateurs sont restés très discrets.
"On ne peut que souscrire à l'objectif de cette loi"...."on est dans un monde aujourd'hui où tout passe par internet et les communications électroniques, c'est une évidence... "ensuite, tout dépend des modalités et des contrôles" : en quelques phrases, le Pdg d'Orange, Stéphane Richard a donné sa position sur la future loi sur le renseignement. Elle est moins claire que plusieurs observateurs l'ont rapidement explique. C'est oui à la loi, mais les modalités de mise en oeuvre avec la fameuse boîte noire » rebutent Orange.
Les dispositifs d'analyse automatique des données doivent rester techniquement sous le contrôle des opérateurs, a indiqué Stéphane Richard, invité de France Inter-iTELE-Les Echos, samedi dernier. Orange veut donc rester maître de son réseau et souhaite en discuteur avec le gouvernement. Une position inattendue, les opérateurs étant toujours très effacés dans leur communication vis-à-vis du pouvoir, à plus forte raison s'agissant d'Orange dont l'Etat détient 26% des parts. Stéphane Richard a également précisé que les opérateurs dans leur ensemble devraient rester vigilants sur les libertés individuelles.
La France joue sa crédibilité
C'est pourtant l'argument économique qui mobilise le secteur des opérateurs et des hébergeurs. Derrière les grandes proclamations, la France joue sa crédibilité. Après l'affaire NSA, l'argument était tout trouvé d'une meilleure sécurité des données si elles étaient hébergées en France. La nouvelle loi le met à mal dans un environnement de concurrence internationale que les politiques ne maîtrisent pas totalement. Opérateurs et hébergeurs rejettent également l'efficacité de la nouvelle loi en matière de lutte contre le terrorisme, ce qu'a contesté le rapporteur Jean-Jacques Urvoas.
Autre point de fixation, dans la future loi, les garanties en matière de protection des libertés seront apportées par un nouvelle instance, la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) qui aurait beaucoup plus de pouvoirs que la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) qu'elle va remplacer. Le think tank Renaissance Numérique conteste d'avance la portée de ce changement car la future CNCTR n'aura pas de pouvoir de contrôle des algorithmes de détection des comportements suspects présumés, ni de pouvoir d'audit.
"La différence entre une démocratie et une dictature, rappelle Etienne Drouard, administrateur de Renaissance Numérique, associé au sein du bureau K&L Gates de Paris, réside moins dans les techniques de surveillance employées que dans leur contrôle effectif par un organe indépendant ».