Les réseaux sociaux à l'épreuve du terrain
Les quatrièmes Assises des Médias Sociaux, le 13 juin 2012, ont été l'occasion de revenir sur les usages réels des médias sociaux dans le dialogue entreprise/marque-client. Inciter les clients au dialogue sur Facebook et Twitter ne fait pas l'unanimité.
Plus de la moitié des entreprises dans le monde considèrent l'emploi des médias sociaux pour gérer la relation client comme un échec plus ou moins complet selon Minter Dial, consultant fondateur du cabinet de conseil en marketing digital The Myndset. Celui-ci a ouvert les Quatrièmes Assises des Médias Sociaux qui se déroulaient le 13 juin 2012 à l'Hôtel Napoléon à Paris.
Cette manifestation a été l'occasion de détailler les pratiques réelles de quelques entreprises en matière d'usage des réseaux sociaux comme moyen de communiquer avec ses clients et prospects.
Selon Jeff Hagen, directeur du service clients du groupe agro-alimentaire General Mills, intervenant via Skype, les réseaux sociaux ne peuvent servir qu'à développer l'engagement des clients. Il s'agit notamment d'obtenir des retours de leur part sur les nouveaux produits, par exemple sur leur packaging.
Dans cette optique, celui qui doit diriger une conversation sur un outil comme Facebook ou Twitter est le responsable métier concerné par l'objet de cette discussion. Bien entendu, les conversations doivent être analysées et catégorisées en vue d'un reporting de e-reputation.
Partir de la gestion du bouche à oreille 2.0
Ce n'est pas là la vision développée par Orange qui utilise les réseaux sociaux pour appuyer le développement de l'offre Sosh. « Le principe est d'être là où nos clients sont et, aujourd'hui, les médias sociaux font partie du parcours client », explique Valérie Maffiolo, responsable stratégie au service client Web 2.0 d'Orange.
Pour l'opérateur, il était nécessaire de gérer l'impact croissant du « bouche à oreille 2.0 » et de pouvoir enfin s'adresser à la fameuse « génération Y » avec laquelle il ressent des difficultés.
La démarche d'Orange a commencé, en 2008, par la seule écoute, la veille d'e-réputation. Puis, petit à petit, Orange a entamé le dialogue via les forums, Twitter, etc. Si, sur les forums officiels des marques du groupe, les responsables de l'entreprise prennent officiellement la parole, la règle est qu'ils se refusent à intervenir, normalement, sur des forums de tiers. « Sur ces forums, les internautes souhaitent recevoir des avis de pairs ou d'autres experts, pas le nôtre », justifie Valérie Maffiolo.
Le recours à Twitter a réduit le coût du support client pour Sosh
Pour Sosh, l'utilisation de fils et de tags sur Twitter fait très objectivement diminuer le coût du support client pour cette offre à bas coût. La communauté s'entraide de manière assez efficace 24h/24 7j/7 alors que le support officiel n'est ouvert que 12 heures par jour, six jours par semaine. En cas de besoin, les conseillers de la marque valorisent, complètent ou valident la réponse communautaire.
Le cas échéant, si un dossier mérite un traitement personnalisé, il y aura prise de contact direct pour échanger des informations confidentielles. Sosh est une marque volontairement orientée vers le 100% web sans engagement, pour la génération Y, avec une forte composante de participation des utilisateurs.
Trois thèmes sont développés sur les médias sociaux, chacun avec son canal sur Twitter : les nouvelles de la marque, l'assistance et la co-innovation (amélioration des produits et des offres, etc.). Au final, le bilan est positif : 260 000 fans Facebook, 20 000 followers Twitter, 1 million de pages vues sur Sosh.fr...
L'organisation d'Orange a été totalement bouleversée pour s'adapter aux besoins propres à la marque Sosh. Il a été notamment nécessaire de développer la réactivité et la transversalité. Toutes les équipes ayant un contact client sont donc regroupées sur un même plateau.
Toute demande sur Twitter fait l'objet d'un accusé de réception dans l'heure et une résolution d'incident dans les deux jours. Enfin, il a fallu dynamiter les procédures habituelles d'escalade au sein des services internes car un délai de réactivité de 48 heures est inacceptable.
Les relations bi-communautaires de PriceMinister
Chez PriceMinister, place de marché reliant cybermarchands et cyberacheteurs, la problématique communautaire est double et la stratégie assez différente de celle d'Orange pour Sosh. « Les vendeurs sont autant nos clients que les acheteurs » explique Olivier Mathiot, co-fondateur et vice-président marketing de PriceMinister (qui fait désormais partie du groupe japonais Rakuten). Sur ce site, les outils internes (forums...) sont plus utilisés et adaptés à l'assistance que les outils sociaux externes (Twitter, Facebook...).
Par contre, la direction de PriceMinister surveille sa e-réputation comme le lait sur le feu. Malgré tout, Olivier Mathiot avertit : « répondre sur les médias sociaux peut amener un sur-buzz négatif sur le problème initial. L'idée est donc de repérer les problèmes et de diriger ceux qui se plaignent vers le bon canal privé. D'une manière générale, nous voulons éviter d'inciter nos clients à gérer leurs relations avec nous via des outils sociaux comme Twitter. »
Narcisse, ennemi et allié des entreprises
Twitter est donc perçu davantage comme un risque que comme un outil de performance dans la relation client chez PriceMinister. Il est certain qu'un cybermarchand indélicat peut porter préjudice, sur un tel canal où la nuance entre chaque vendeur et la plate-forme n'est guère de mise, à l'ensemble de la communauté des vendeurs.
Diffuser son opinion sur un outil social, surtout s'il « fait le buzz » sert le narcissisme de l'internaute. La colère liée à un sentiment de mépris peut ainsi se répandre sur Twitter ou Facebook. Mais, à l'inverse, répondre de façon appropriée à un client mécontent s'étant exprimé sur un tel outil social peut le transformer en allié : « on peut transformer un mécontent en ambassadeur de la marque en misant sur son narcissisme » assure Olivier Mathiot.
Ne pas effacer les messages négatifs
ING Direct veille également à sa e-réputation, un gros enjeu dans un secteur dont l'image est globalement mauvaise, mais part plutôt sur le principe d'une réponse aux mécontents, toujours dans l'optique de les « retourner ». Lorsque le problème est clair et identifié, une réponse « publique » est en général inappropriée pour cette firme : l'activité bancaire suppose un minimum de confidentialité. Un échange privé sera alors nécessaire avec l'émetteur de l'avis négatif.
Même si cela peut paraître désagréable, « il ne faut pas effacer les messages négatifs car ceux-ci sont nécessaires pour montrer que les échanges sont honnêtes et non-modérés » juge Sophie Heller, directrice Marketing et Communication chez la banque en ligne ING Direct France. Cette règle est une obligation sur des outils publics comme Twitter et Facebook, faute de maîtrise de la plate-forme, mais doit être appliquée aussi sur les outils maîtrisés par la marque, notamment les forums sur le site web de l'entreprise.
Comme Orange, ING Direct ne répond en principe pas sur les forums de tiers. Ces forums sont, encore une fois, identifiés comme destinés aux échanges entre pairs. Par contre, la banque en ligne cherche à développer une relation émotionnelle avec ses clients et prospects. Les fans les plus constructifs se voient valorisés par des invitations dans des espaces plus privés de la marque. ING Direct a, par exemple, lancé un concours de photos parmi ses clients sur le thème de la relation avec la marque.
Merci, une politesse qui revient et valorise les agents
Cette relation émotionnelle se traduit par un élément inattendu : le merci. Lorsqu'un centre d'appel débloque un problème, personne ne rappelle pour remercier. A l'inverse, sur Twitter ou Facebook, il est fréquent que l'émetteur d'une plainte face un « reply » avec un « merci ». « Les agents en sont valorisés » se réjouit Arnaud Bourge, social Media Manager chez Air France.
Au sein de cette compagnie aérienne, la e-réputation est également surveillée avec attention. Un rapport quotidien est même remonté aux dirigeants du groupe qui ont pris conscience de l'importance des réseaux sociaux. Les marques du groupe sont présentes sur de multiples outils sociaux pour gagner en proximité et notoriété.
Cette présence n'est pas unique : il existe un compte par marché. Suite à une interpellation de la marque sur un réseau social, le principe est celui d'un accusé de réception dans l'heure et d'une réponse sous vingt-quatre heures en Français, Anglais ou Espagnol.
Les outils sociaux commencent également à être utilisés pour promouvoir les marques du groupe Air France. Arnaud Bourge souligne : « la force de la viralité sur les outils sociaux peut servir à promouvoir les produits de nos marques.
En effet, le choix d'une destination est souvent liée à un réseau affinitaire. Personne ne se rend à New York comme cela. On va voir un ami ou un contact professionnel qui demeure à New York. »