Les pour et les contre à la nomination d'un secrétaire d'état à l'économie numérique
Eric Besson est nommé secrétaire d'Etat au numérique. Une attribution supplémentaire pour ce ministre déjà en charge de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Certaines associations professionnelles, comme l'Afdel, saluent cette initiative. L'April est dubitative.
L'entrée du numérique au gouvernement était attendue depuis longtemps par les représentants du secteur des technologies de l'information. C'est désormais chose faite, grâce à la nomination d'un « Monsieur » économie numérique. A l'occasion d'un réajustement gouvernemental, le président de la République a confié à Eric Besson le poste de secrétaire d'Etat au numérique. Une mission qu'il cumulera avec ses fonctions actuelles de secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Le rapport Attali comme inspiration Si le contenu de sa mission reste encore à préciser, il devrait s'inspirer du rapport de la Commission Attali, qui, dans sa décision 63, préconisait la création d'un haut-commissaire au Développement numérique, rattaché au cabinet du Premier ministre. Il était alors question de « disposer d'une autorité sur toutes les structures ministérielles chargées du numérique, et de fusionner les multiples structures et instances à vocation interministérielle ». Le nouveau secrétaire d'Etat ne va pas manquer de travail. Ne serait-ce que s'il s'attache à tenir la promesse de Nicolas Sarkozy d'assurer l'accès au haut débit - fixe et mobile - pour l'ensemble des français avant la fin du quinquennat. Ce qui serait une sacrée prouesse. Mais on citera également la lutte contre le piratage, la gestion du dividende numérique, le lancement de la TV mobile, les taxes sur internet et les opérateurs afin de financer le service public audiovisuel, la dématérialisation vers internet des procédures de la vie courante aiguillonnée par l'arrivée de la carte d'identité électronique et de la signature électronique, etc ... Photo : Eric Besson, nommé secrétaire d'état à l'économie numérique en complément de ses missions précédentes, au lendemain des élections municipales. L'Afdel plutôt satisfaite Du côté des associations professionnelles, on ne peut que se réjouir de cette initiative. « La nomination d'un secrétaire d'Etat à l'économie numérique permettra de pallier au manque de coordination et de vision des politiques en la matière, estime Loïc Rivière, délégué général de l'Afdel (Association française des éditeurs de logiciels), elle devrait également permettre de faire face à une situation pour le moins contrastée en matière de capacité française à l'innovation, comme la pénurie de compétences en technologies de l'information, la faiblesse des passerelles en recherche et développement entre le public et les industriels, ou le retard pris par la France en matière de propriété intellectuelle » Le délégué de l'Afdel avait critiqué le rapport Attali jugé trop favorable au Libre. Il considère par ailleurs que le développement numérique ne doit pas uniquement se focaliser sur le retard pris dans l'équipement des ménages français : « Il faut également encourager les PME à investir dans les outils informatiques, augmenter les investissements en recherche et développement, et renforcer la propriété intellectuelle. » Dans ce domaine, les universités françaises sont clairement à la traîne, comme l'a récemment montré le dernier classement mondial de Shanghai. L'April, dubitative sur le rôle du secrétariat d'Etat au numérique Si l'Afdel se réjouit de l'entrée du numérique au gouvernement, d'autres émettent certaines réserves sur cette initiative. C'est le cas de l'April (Association pour la promotion et la recherche en informatique libre), qui déplore la réduction des problématiques du numérique aux seuls aspects économiques. L'association estime que « l'État doit également considérer les bénéfices des technologies numériques pour les citoyens, notamment en termes de disponibilité, d'échanges et de partage des savoirs, pour tous et par les citoyens eux-mêmes ». Elle s'inquiète également de cette nomination en raison des opinions exprimées par Éric Besson à l'automne 2007. Le secrétaire d'État avait déclaré vouloir « renforcer énergiquement la protection de la propriété intellectuelle, qui demeure aujourd'hui trop timorée ». En préconisant pour cela de « s'inspirer de l'attitude beaucoup plus offensive des USA ». Or, selon l'association libriste, la politique américaine dans ce domaine a conduit à l'adoption par de nombreux pays de lois qui se révèlent étouffantes pour les libertés et le développement économique et social. « La riposte graduée, les brevets logiciels et les atteintes à la neutralité d'Internet ne sont pas des perspectives d'avenir, d'innovation, ni de progrès, estime Frédéric Couchet, délégué général de l'April,L'histoire démontre que le modèle outre-Atlantique sert principalement les industries américaines, et en aucun cas l'économie française et européenne.» L'impact du numérique sur la démocratie Avant tout nouveau chantier, l'April demande que ce secrétariat d'État ait comme première mission de dresser un bilan de la législation existante. En amont des projets de loi, il devra également procéder à des études d'impact, en particulier en termes de coût pour la compétitivité, sur l'économie numérique et les libertés publiques et la participation démocratique des citoyens à l'ère du numérique.