Les opérateurs européens n'ont pas encore besoin de la 4G
La 4ème génération mobile excite l'ambition des équipementiers mais le décollage en Europe ne devrait pas se concrétiser avant 2012. Quant aux opérateurs mobiles, ils n'identifient pas de modèle économique associé au LTE et doivent d'abord amortir leurs réseaux 3G.
(Source EuroTMT ) La technologie LTE (Long Term Evolution) ou 4ème génération mobile a tenu le haut du pavé lors du salon Mobile World Congress qui s'est tenu à Barcelone à la mi-février. Alors que l'an dernier, il n'y avait eu que quelques expériences pilotes, on a assisté en 2010 au véritable emballement autour de cette technologie. Il suffisait d'arpenter les allées du salon ou de prendre connaissance des communiqués diffusés par les exposants : près d'un sur deux avait trait au LTE. A tel point que cette technologie semble apparaître aujourd'hui soit comme un eldorado pour les équipementiers dont Alcatel-Lucent qui revendique 40 projets de déploiement, soit comme un sauveur pour les opérateurs dont les réseaux sont menacés d'engorgement par le développement de la donnée mobile. Il est vrai qu'avec un débit théorique de 100 Mbit/s (soit 7 fois plus que le HSDPA), le LTE s'annonce très prometteur non seulement pour le téléphone mobile, mais aussi comme une alternative au haut débit fixe. Cependant entre les déclarations et la réalité, il y a un écart. Si le LTE va peu à peu se substituer aux réseaux 3G et 3G+, l'évolution sera assez lente. Les analystes d'Informa estiment qu'il devrait y avoir 3,1 millions d'abonnés au LTE à travers le monde d'ici la fin 2011 et 111 millions fin 2014. L'institut Idate est pour sa part plus optimiste dans ses prévisions et projette 400 millions d'abonnés à la fin 2015. Quoiqu'il en soit, ce ne sera pas un raz-de-marée car rappellent Vincent Maulay et Frédéric Doussard, analystes chez Oddo Securities : « les opérateurs sont intéressés par le LTE-4G mais ils ne distinguent pas encore de services associés réellement différenciateurs ». Et de fait, alors que les opérateurs commencent seulement à véritablement amortir leurs investissements dans la 3G et à innover dans le développement d'applications mobiles, il serait étonnant de les voir s'engager résolument dans le LTE dont les perspectives sont encore lointaines. « Le LTE va certainement développer les usages du mobile mais sa monétisation sera difficile. Les consommateurs sont habitués aux services internet gratuits et ... Photo : la clé USB 4G proposée par le coréen Samsung (Source EuroTMT ) ... beaucoup de services sur LTE ne feront que les répliquer. L'enjeu pour les opérateurs va donc être de maintenir leurs niveaux d'ARPU » note l'Idate. Par ailleurs soulignent les analystes, la saturation des réseaux qui peut justifier le changement de technologies n'est pas uniforme partout. Si elle est vraiment une réalité aux Etats-Unis pour Verizon et AT&T (qui ont d'ailleurs été parmi les premiers au monde à s'engager dans le LTE), elle est beaucoup moins critique en Europe et dans les pays émergents. « Chez Vodafone seulement 7 % des stations de base sont saturées aux heures de pointe » signalent les analystes d'Oddo Securities qui estiment que d'une façon générale le déploiement du LTE sur le Vieux Continent devrait être assez tardif « du fait des incertitudes sur l'octroi des fréquences et de l'ampleur des investissements ». Les experts de l'Idate ont en effet calculé que le coût de déploiement d'un réseau LTE pour un opérateur supportant déjà les technologies GSM et UMTS/HSPDA est estimé à 2,1 milliards de dollars pour la couverture d'une zone urbaine et péri urbaine de 50 millions d'habitants. Enfin, comme ce fut le cas pour la 3G, les premiers supports matériels équipés de LTE seront d'abord des cartes et des clés USB et il faudra attendre au moins 18 mois pour voir apparaître des téléphones mobiles compatibles. Un délai qui pourrait même plus long. A ce jour, seul un fabricant propose en effet un modèle de clé USB 4G (Samsung), alors que le fabricant de composants Qualcomm accumule du retard dans le développement de ses produits. Cette situation fait dire à un grand équipementier que personne ne peut aujourd'hui s'engager réellement sur la date de disponibilité des terminaux LTE pour le grand public, rappelant que dans le WiMax, Intel a déjà accumulé près de cinq années de retard dans la commercialisation des puces qui doivent équiper les terminaux. C'est pourquoi, même si les projets se mettent en place, les opérateurs vont d'abord capitaliser sur le HSDPA + à l'image de Vodafone qui a déclaré que le HSDPA+ suffira aux besoins du groupe pour les deux à trois ans à venir et qu'il ne déploiera pas de LTE avant 2012. Un délai qui comme le notent judicieusement les analystes de Bank of America « va permettre d'attendre une baisse des coûts des équipements » et surtout laisser le temps aux opérateurs de peaufiner leur modèle économique.