Les entreprises n'investiront pas dans les TIC avant 2011, s'inquiètent les fournisseurs
Le Syntec Informatique est le syndicat professionnel des fournisseurs de solutions TIC (Technologies de l'information et de la communication). Son bilan semestriel conjugue le mot « prudence » sur tous les tons, et ne prévoit que 1% de croissance de leurs revenus sur 2010. Il pointe du doigt le gouvernement.
En plus des chiffres, le Syntec Informatique - le syndicat des fournisseurs de solutions TIC - sait manier les mots. Il se refuse à parler de « reprise » pour 2010. Il lui préfère les expressions « sortie de crise » ou « croissance molle ».
Au total, 2010 se profile avec un petit 1% de croissance pour l'ensemble de la profession : +2% pour les éditeurs (à comparer aux -2,5% en 2009), +1% pour le conseil en technologies (-7% en 2009) et +0,5% pour les SSII (-4% en 2009). La reprise, la vraie, ne s'annonce qu'en 2011 ou 2012.
La France est dans la moyenne européenne. Le Royaume-Uni annonce également +1% de croissance, l'Allemagne se pousse du col avec +1,5%. L'Espagne baisse la tête à -2%, suivie de l'Italie avec -2,5%. Cette comparaison européenne permet d'atténuer la faiblesse prévue en termes de croissance pour 2010 en France.
Le Syntec remarque également la « bonne résistance » de ses adhérents en 2009, qui ont maintenu des marges certes négatives (de -2% à -2,5 %), mais meilleures que les chiffres d'affaires (en baisse en moyenne de 4%).
Dans le détail, les éditeurs de logiciels ont entamé leur redémarrage avant les autres adhérents du Syntec Informatique (les SSII et le conseil en technologie). Toutefois, la croissance n'est pas similaire pour tous les types de logiciels.
Les logiciels d'infrastructures sont les mieux placés avec +3% de croissance en 2010 (-1,5% en 2009). Les logiciels embarqués, plus petits en taille, atteindraient également +3% (+2% en 2009). Les logiciels applicatifs pour leur part ne feraient que 1% de croissance (-4% en 2009).
Mais attention, les éditeurs doivent leur croissance à la maintenance, dont les prix progressent plus vite que ceux des ventes de licences. Sur un indice de prix qui serait de 100 en 2002, la maintenance se retrouverait à 113,4 en 2009, tandis que les ventes de licence sont à 94,7 en 2009.
Ces ventes de licences progressent, mais en volume plus qu'en valeur, s'en inquiète le Syntec. Autre point noir pour les fournisseurs, il s'agit plus de compléments que de projets de refonte.
Concernant les services, et le marché des SSII (+0,5% attendu), les évolutions sont également très diverses selon le type de prestations.
L'infogérance applicative arrive en tête, avec +2% (même chiffre qu'en 2009), suivie de l'infogérance d'infrastructures +1% (+1% également en 2009). A +0,5% se trouvent deux rescapés : ...
Photo : Jean Mounet, président du Syntec Informatique donne la température du secteur des fournisseurs IT (Source Truffle 100)
... la partie projet et intégration (-4% l'an passé) et le développement ainsi que l'assistance technique (-6,5% en 2009). Le conseil se traîne avec 0% de croissance, (contre -8% en 2009), c'est la principale victime des coupes budgétaires dans l'informatique.
« Dans les services, les prix restent excessivement bas » s'inquiète le Syntec. Sur un indice des prix de 100 en 2002, l'infogérance est passée à 106,5 en 2003, avant de retomber en dessous de 100 à partir de 2006. Elle serait à 95,9 en 2009.
L'assistance technique aurait subi une variation moins forte : 103,6 en 2003, 100 en 2005, 102 en 2008, 100,4 en 2009. Troisième et dernier secteur, le conseil et l'ingénierie passe de 103,4 en 2003, à 100 en 2004, 102 en 2008, 101,9 en 2009.
En plus de l'édition et des services, le Syntec suit un troisième secteur : celui du conseil en technologie (+1% de croissance prévu en 2010). La recherche et le développement externalisés se placent à +1,5% (-13% l'an passé), tandis que l'informatique scientifique, technique et industrielle est à 0% de croissance (-3% en 2009).
Ces perspectives très prudentes font suite à une année noire. Sur 2009, le marché français des logiciels et des services affiche une baisse globale de 4%, les éditeurs de 2,5%, les SSII de 4%, le conseil en technologie de 7%. Le Syntec Informatique met ces chiffres en rapport avec ...
... la baisse de l'investissement en France. Celle-ci s'établit à 7% l'an passé selon l'Insee, une baisse historique depuis 20 ans ne manque pas de souligner Jean Mounet, le président du Syntec.
Dernier aspect, le social. Les années passent mais le secteur des logiciels et des services continue d'embaucher. Du moins est-ce le message du Syntec Informatique qui aligne ses chiffres : 40 000 embauches en 2008 (25 000 créations nettes d'emplois), 16 000 à 20 000 en 2009, 25 000 prévues pour 2010 (3 000 à 5 000 créations nettes). « Même en période de crise, la profession embauche », proclame le Syndicat professionnel. Derrière ces chiffres se cachent pourtant de sérieuses réserves.
D'abord, l'apparition de plans sociaux et de grèves chez des acteurs majeurs du secteur. Le signe d'un malaise social et d'une désaffection de la profession. Le Syntec confesse ce dernier point, et l'aveu ne date pas d'hier. Le secteur est peu attractif. Le Syndicat s'en tire en remarquant que la France n'est pas seule dans ce cas.
Il manque 200 000 jeunes ingénieurs informatiques par an sur l'ensemble « Amérique du nord -Europe ». « Bientôt nous serons dans tous nos pays face à une pénurie d'informaticiens, il faut se mobiliser », lance Jean Mounet. La Chine, elle, forme un million d'ingénieurs informatiques par an, l'Inde un peu moins.
Ceci dit, pour un Président de Fédération professionnelle, Jean Mounet ne craint pas de parler haut et fort. « En France, le slogan des années passées était : on n'a pas de pétrole mais on a des idées. Il faudrait dire : en France on a des idées, mais on n'a pas de suite dans les idées» lance le président du Syntec Informatique. Une allusion directe à l'accumulation de rapports sur l'IT émis par les gouvernements successifs et rarement, ou peu, suivis d'effets. « Il y a des commissions et des rapports à n'en plus finir, les idées sont pertinentes, mais derrière, il faudrait des actes ».
Et Jean Mounet de pointer le rapport Attali, pas complètement appliqué, alors que se profile un rapport Attali 2. Autre exemple, le rapport Besson prévoyait la suppression du Conseil stratégique des technologies de l'information (CSTI), au profit d'un Conseil national du numérique (CNN), un « Think Thank » élargi au monde de l'internet. Le CSTI a bien été supprimé, mais le CNN n'a jamais vu le jour. Sans parler du grand emprunt, dont une partie significative devait aller à l'investissement numérique, une perspective qui tarde à se traduire en actes. Une fois de plus.