Les câblo-opérateurs sous la menace des télécoms
Le secteur du câble vivait à l'ombre des télécoms, fort de sa compétence historique dans la télévision et de ses ambitions dans le quadruple play. Il connaît en Europe un début de recomposition et, en France, l'entrée en bourse de Numericable.
L'Idate publie une étude sur le câble (*), un secteur très présent en Amérique du nord et en Europe, mais marginal en Asie. Il connaît une croissance moyenne de son chiffre d'affaires de près de 5% en Europe, comme aux Etats-Unis. Cette croissance est assurée par quatre moteurs nous rappelle Yves Gassot, directeur général de l'Idate : « la télévision, l'accès Internet, la ToIP et les mobiles ». Le belge Telenet par exemple assure l'essentiel de sa croissance par le mobile, en étant MVNO de Mobistar.
Ce tableau est loin d'être idyllique. Le câble vit sous plusieurs menaces. Dans l'audiovisuel d'abord, avec la saturation du marché de la vidéo, son basculement vers le on demand et l'effritement des abonnements TV. La croissance modérée observée dans la TV haute définition et la téléphonie compense à peine cette baisse de la vidéo. C'est le coeur historique du marché des câblo qui est touché.
Des débits supérieurs à ceux des télécoms
Deuxième front, celui des télécoms. Jusqu'à présent, les câblo se trouvaient dans une situation plutôt favorable. Ils sont « restés longtemps relativement indépendants des télécoms, ce n'est plus le cas » note l'étude. Les câblo ont attaqué les telcos sur le très haut débit. L'Idate aligne les preuves de cette offensive : les investissements notamment avec la technologie très haut débit Docsis des opérateurs du câble, des débits supérieurs à 30 Mbps et pouvant atteindre les 100, ce qui est loin des performances des telcos, une part de marché intéressante en Europe et des offres triple et bientôt quadruple play.
En ce sens, le câble se pose aujourd'hui comme un concurrent direct des opérateurs télécoms qui jonglent avec plusieurs technologies d'accès au très haut débit : fibre optique, VDSL, FTTH, ou vectorisation de la fibre.Le câble se lance également dans le mobile, en devenant MVNO ou par le Wifi. « C'est une façon d'engager un rapport de force avec les opérateurs télécoms » souligne Yves Gassot. Le câble a donc pris une avance certaine, technologique et commerciale, par rapport aux télécoms, mais elle ne durera pas, c'est le pronostic de l'Idate, Yves Gassot fixe cette avance à 5/6 ans.
Sur un autre front, celui de la vidéo, les câblo sont confrontés aux OTT. Et les telcos eux-mêmes ne se privent pas d'entrer sur le marché de l'IPTV. Bref, derrière des chiffres flatteurs, sur le haut et le très haut débit, les câblo opérateurs vont devoir affronter une concurrence multiple. Et se réinventer sur l'audiovisuel qui compose encore la moitié de leur activité.
L'offensive de l'américain Liberty
Cette confrontation est sans doute en filigrane dans les mouvements financiers apparus sur le secteur en Europe. C'est ainsi que l'américain Liberty a pris le contrôle de plusieurs sociétés en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Belgique. Vodafone, pour sa part, en recherche d'infrasructures fixes, a mis la main sur Kabel Deutschland. Le câble devient une proie pour les opérateurs télécoms mobiles, en attendant peut-être d'autres mouvements. La convergence et la recomposition des télécoms annoncent l'effacement en tant que tel du câble. « Dans dix ans, on n'en parlera plus » explique Yves Gassot.
Selon l'Idate, le câble représente à fin 2012 660 millions d'abonnés haut débit ou très haut débit dans le monde. Soit 20% du marché total du haut et du très haut débit. Le très haut débit seul (les abonnés qui ont au moins 30 Mbps) représente 10% du marché mondial soit 317 millions d'abonnés. En France, le haut et le très haut débit représentaient, fin 2012, 1 682 000 abonnés dont 1 291 000 par le câble. Ce dernier, note l'Idate, a donc en France 7% du marché du haut et du très haut débit et 80% du marché du très haut débit.
(*) « Câble : perspectives à l'heure du très haut débit »
(en photo La Box Numéricâble)