Les anglais peuvent pirater ce qu'ils ont acheté
« Les fans de musique pourront copier les morceaux qui leur appartiennent » titre cet article de la BBC. Les dérives des lois visant à protéger les intérêts privés d'une clique de vendeurs de médias donnent naissance à de bien étranges papiers. Lira-t-on un jour « Les instituteurs choisiront enfin des dictées dans les ouvrages de Roger Martin du Gard » (copyright NRF, tous droits réservés y compris pour l'ex-URSS, le P2P et les moines copistes de l'Abbaye de Royaumont) ? La hune du Monde ou de France Culture En Ligne affichera-t-elle un jour sur 5 colonnes « Les élèves auront le droit de lire les manuels qu'ils auront légalement acquis, voir d'en recopier des passages s'ils se sont acquitté de la taxe du permis de port de crayon » ? Trémolos de journaliste en mal de copie ! diront les uns. Si l'on se penche avec attention sur le poulet de nos confrères Britanniques, on ne peut que constater que cette « tolérance » est « octroyée » par... un Juge d'Instruction ? Un Garde des Sceaux ? Un Ministre de la Culture ? Nenni ! Par un particulier n'ayant strictement aucune compétence en matière d'application du droit, le Président de la British Phonographic Industry en l'occurrence. Lequel affiche ainsi à quel point il fait peu de cas de l'importance de la Justice en son pays, puisqu'elle est de facto à sa disposition... pour ne pas écrire « à sa botte ». En s'exprimant ainsi, le patron de la BPI dicte aux Juges la conduite à tenir et les limites de l'interprétation des textes de loi. Ce personnage, en quelques mots, vient donc de synthétiser toute l'étendue de la pensée des éditeurs de disques : le droit d'écoute est autorisé, et ne s'applique qu'aux seuls clients ayant acheté les produits de cette industrie, droit qui ne peut être étendu à d'autres produits ou à ce même produit sous d'autres formes. Derrière cette vision « libérale », on ne peut s'empêcher de penser (vite tant que nous en avons encore le droit) que ce genre de situation ubuesque émet quelques relents d'une autre époque. Celle ou l'on ne parlait que de « musique officielle », de « circuits officiels », de « littérature officielle », « d'images officielles », toute autre interprétation exposant son auteur à des poursuites judiciaires et plus si affinités. En défendant leurs intérêts à court terme, dans un but légitime mais difficilement louable, les marchands de culture donnent inconsciemment des armes aux probables dictateurs de demain. Aucun risque, la grandeur d'âme de « ceux qui nous gouvernent » est là pour veiller au grain ? Platon lui-même, l'auteur de la République , plaçait tous ses espoirs dans la sagesse de la démocratie... avant que de se compromettre avec Denys.