Les acteurs du numérique en ordre dispersé face au grand emprunt
(Source EuroTMT) Depuis que le président de la République a décidé de lancer un grand emprunt dans le but de financer les « priorités nationales », tous les acteurs économiques se placent pour tenter de récupérer une partie de la future manne financière. Les professionnels du numérique n'échappent pas à la règle. Et pour montrer qu'ils ont non seulement besoin d'argent mais qu'en plus leurs projets s'inscrivent dans le cadre des priorités nationales, leur ministre de tutelle, Nathalie Kosciusko-Morizet a organisé, le 10 septembre, un séminaire réunissant toutes les personnalités du secteur. Manifestation à laquelle NKM n'avait pas oublié de convier les deux co-présidents de la commission de réflexion sur le grand emprunt, Alain Juppé et Michel Rocard, actuellement très sollicités et qui devraient faire part de leurs orientations dans quelques semaines. Trois tables rondes La journée comportait trois tables-rondes (infrastructures et réseau ; logiciels et services ; patrimoine et industrie culturelles). Elle avait plutôt bien commencé. Les participants à la première session (Michel Mercier, Ministre de l'aménagement du territoire, Augustin Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts, Yves le Mouel Directeur de la FFT) se sont montrés en effet très convaincants sur l'importance d'investir dans le très haut débit fixe et mobile pour réduire la fracture numérique, gagner en productivité et améliorer la compétitivité du pays. Certes, ont reconnu les participants, fibrer l'hexagone va couter très cher (entre 25 et 40 milliards d'euros, les estimations divergent) et par ailleurs se pose le risque d'un déploiement à trois vitesses entre les zones denses, moyennement denses et peu denses. C'est pourquoi les représentants des collectivités territoriales ont appelé à un fibrage simultané de toutes les zones, opération qui ne pourra se faire qu'avec l'aide des pouvoirs publics. La deuxième table ronde moins constructive : Le débat est devenu beaucoup moins constructif lors de la deuxième table-ronde, animé par Hervé Novelli. Les différents participants (Hervé Yahi, PDG de Mandriva Didier Lamouche PDG de Bull) ont surtout cherché à défendre leur pré carré et seul Marc Simoncini, PDG de Meetic a rappelé que pour être compétitif, il convenait de mettre l'Europe ... ... au même niveau que les Etats-Unis qui « possèdent une seule langue, une seule monnaie et une seule réglementation ». Quant au dernier débat, animé par Frédéric Mitterrand et consacré à la valorisation du contenu, ce fut le plus terne alors que l'on s'attendait à ce qu'il soit le plus passionné. En effet, si l'industrie du numérique peut objectivement faire appel à l'argent public, c'est non seulement pour financer les infrastructures, mais aussi pour aider les jeunes pousses à créer du contenu qui permettra de valoriser les investissements. Malheureusement, cette table-ronde fut seulement l'occasion pour certain (comme Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes) de faire un plaidoyer pro-Hadopi et pour Frédéric Mitterrand de réclamer de l'argent pour numériser les films et les salles de cinéma. La France néglige le numérique : La journée s'est alors achevée sur l'intervention du premier ministre François Fillon, qui sur un ton convaincu et convaincant a souligné le rôle du numérique comme gisement de croissance : « le numérique compte pour 40 % des gains de productivité en Europe, mais c'est un gisement que la France néglige encore trop. » Après un appel au déploiement extensif du très haut débit pour « éviter une fracture géographique mais aussi économique », le premier ministre a souhaité que la France fasse valoir ses atouts dans le domaine du contenu « pour moi, Google n'est pas un problème mais un défi. Devant la réussite fantastique de cette entreprise, je ne peux que souhaiter que des entreprises françaises dans le domaine du numérique connaissent un jour pareil succès. » Néanmoins, malgré son engagement envers le numérique, on peut craindre que l'avis de François Fillon ne pèse pas suffisamment lors du choix final qui devrait se faire à l'Elysée. Deux co-présidents aux visions divergentes : L'intervention des deux co-présidents de la commission de réflexion sur le grand emprunt, à savoir Alain Juppé et Michel Rocard, a été le moment le plus savoureux de la journée même si la vision des deux hommes sur le numérique reste très divergente. « L'emprunt sera grand... par son projet, par son ampleur. Mais pas par son montant »a lancé Michel Rocard en guise d'avertissement. L'ancien premier ministre a ensuite expliqué que le numérique n'était pas le seul secteur demandeur et qu'il y avait d'autres priorités comme l'écologie et les universités. Heureusement pour les participants, les propos de Michel Rocard ont été quelque peu contrebalancés par ceux d'Alain Juppé qui s'est montré plus optimiste. L'ancien premier ministre a certes estimé que pour le moment, les demandes d'argent ressemblaient à un inventaire à la Prévert mais que de toute façon le « numérique est au coeur du débat »et qu'il était indispensable d'équiper les zones à faible densité.