Le retard français n'est toujours pas en train de se résorber

le 23/11/2010, par Didier Barathon, Régulation télécoms, 733 mots

En l'espace d'une dizaine de jours, toutes les grandes voix du numérique français, le Syntec, sept associations et maintenant Renaissance Numérique dénoncent le retard pris par les politiques numériques en France. Renaissance Numérique dresse un bilan sur plusieurs années (2005-2010) et livre une comparaison souvent féroce par rapport aux autres pays européens.

Renaissance Numérique veut contribuer au développement d'un numérique citoyen. Pas de chantage aux délocalisations donc, mais une salubre revue statistique des données numériques, nécessaire pour dresser un tableau du développement français sur ce sujet. L'Association a balayé six thèmes principaux : l'équipement au foyer, celui des entreprises, le développement des start-up, du commerce en ligne, celui de l'e-education , et enfin, de la e-santé.

Premier point et premier regret, l'équipement des foyers français se traîne. Il est de 68%, contre 40% en 2007 (source Médiamétrie). En progression, mais loin derrière les autres pays développés. La France occupe le 20ème rang des pays de l'OCDE. Pas fameux. Loin derrière la Corée (96% de foyers équipés), les Pays-Bas, 90%, l'Allemagne 80%, le Royaume Uni, 77.Nous sommes même en dessous de la moyenne européenne, située à 65%.

« Ce qui a deux conséquences, souligne Guillaume Buffet, le co-président de Renaissance Numérique, d'une part l'éloignement des seniors, 18% seulement de connectés chez les 70 ans et plus, et la correspondance entre bas revenus et non connection : 38% des revenus inférieurs à 900 euros par mois ne sont pas connectés ». Même sentiment du côté des entreprises. 48% des entreprises françaises entre 10 et 19 salariés ont un site Internet (source Eurostat 2010). La Finlande est à 85%, les Pays-Bas à 84, l'Allemagne à 79, le Royaume-Uni à 75, la moyenne de l'Union européenne à 54. Une PME française est difficile à trouver sur Internet.

2,1% des entreprises créées en France sont des start-up

Quant aux start-up, leur développement est très retardé dans l'hexagone. 2,1% des entreprises créées en France sont des start-up. Soit 24 000 sociétés. Encore sont-elles concentrées en Ile-de-France à 39%. « Conséquence, commente Christine Balagué, co-présidente de Renaissance Numérique, les entreprises étrangères viennent s'installer en France et nos entreprises ont tendance à se créer à l'étranger ».

Plus inattendu encore, l'analyse de Renaissance Numérique sur le e-commerce. L'Association, loin de l'autosatisfaction entendue en France, resitue le commerce en ligne français par rapport aux cas étrangers. La France compte 70 000 sites de e-commerce, mais la Grande-Bretagne 300 0000, la France devrait atteindre (source Fevad) 31 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans ce e-commerce en 2010, mais outre-Manche on est à 56 milliards d'euros.

« C'est du à un manque de culture numérique, l'ADN du e-commerce fait défaut », note Catherine Barba, la Présidente du cabinet MaLinea. En Grande-Bretagne par exemple, plus de 40% des contrats d'assurance se nouent en ligne, en France c'est 3%. Les compagnies, dans l'hexagone, ne veulent pas toucher à leurs réseaux de distributeurs, et freinent la contractualisation en ligne. Voilà pour les quatre point marchés (foyers, entreprises, start-up, e-commerce), reste deux focus sur deux grands usages, l'éducation et la santé. La tonalité est sensiblement la même.





En matière d'éducation, la France dénombre un ordinateur pour 25 élèves en maternelle, 1 pour 12 dans l'école élémentaire. Le rapport Fourgous, remis en début d'année, est resté lettre morte. « Il n'y a aucune ambition dans ce domaine » ne craint pas de souligner  Christine Balagué. Au Portugal, par exemple, chaque année une génération d'élèves est équipé grâce à un fonds, nommé Magellan, issu de la vente d'une licence télécoms par l'Etat. La e-santé est également dans les limbes, là encore malgré les rapports officiels, par exemple celui sur « technologies et services pour l'autonomie «.

Renaissance Numérique livre par ailleurs un tableau du développement en région, distinct de celui de l'Oten. Selon Renaissance Numérique, cinq régions se distinguent :   Aquitaine, Auvergne, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes). Globalement les régions avancent, créent des agences régionales pour le IT, prennent des initiatives en matière d'éducation, parfois de e-santé ou de culture.

Un immense gâchis

Au total, le rapport dresse le portrait d'un immense chantier inachevé, d'un gâchis. En 2007, Renaissance Numérique élaborait un Livre Blanc, le présentait aux candidats aux présidentielles, qui en intégraient une bonne partie dans leurs programmes de candidature. Huit mesures sur les quinze proposées ont été adoptées. La plus connue permet aux entreprises de donner leurs vieux ordinateurs pour qu'ils soient recyclés.

Renaissance Numérique a également lancé les initiative Banlieue2.0, et  Rentrée 2.0, toujours dans le but de reconditionner des ordinateurs, d'aider les populations les plus démunies, de répondre à sa vocation citoyenne. Il en faudra beaucoup plus pour franchir un palier supplémentaire et enrayer le retard pris, surtout face aux puissants lobbies des grandes entreprises IT  historiques, dévoreuses de fonds publics.

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