Le projet de loi Hadopi sous la menace de l'Europe
L'amendement 138 - voté par les députés européens avant que d'être retiré par le Conseil de l'UE, alors sous présidence française - revient sur le devant de la scène et pourrait empoisonner la riposte graduée voulue par Paris. Hier, la commission Itre du Parlement européen (Industrie, recherche et énergie) a ainsi adopté un amendement, numéroté 46, dans le cadre du pré-examen du Paquet Télécom, une vaste batterie de mesures destinées à réguler le secteur des télécommunications en Europe. En réalité, l'amendement 46 reprend les dispositions de son prédécesseur, le fameux 138. Celui-ci dispose qu'« aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire ». En ligne de mire : l'Hadopi. La haute autorité sera en effet chargée de suspendre la connexion à Internet des citoyens téléchargeurs sans en référer à une autorité judiciaire. En clair, le projet de loi français dote la justice administrative de prérogatives que les députés européens entendent voir réservées à la justice judiciaire. Vers un compromis entre Conseil et Parlement ? Le vote d'hier ne permet cependant pas de préjuger de l'avenir de la riposte graduée. Pour que l'amendement 46 revête une portée juridique et contraignante, il faudra auparavant qu'il soit voté, dans le cadre du Paquet Télécom, par le Parlement et le Conseil. La séance, programmée le 5 mai, s'annonce comme une gageure : si les députés sont majoritairement favorables à l'amendement, le Conseil, au sein duquel la France est influente, y reste opposé. La solution pourrait alors passer par un compromis entre les deux institutions. Pour cela, les eurodéputés ont mandaté Catherine Trautman, qui mène donc des négociations avec les représentants des 27 depuis plusieurs semaines. L'ancienne ministre française de la Culture a d'ores et déjà indiqué qu'elle ne cèderait pas aux pressions du Conseil et qu'elle défendrait bec et ongles la position du Parlement. Si c'était le cas, et si le Conseil se montrait lui aussi inflexible, aucun compromis ne serait trouvé : une procédure de conciliation serait alors mise en place à l'issue de la session plénière du 5 mai - qui aura inévitablement abouti à un échec -, qui bloquera l'adoption de l'ensemble du Paquet Télécom. D'autant que cette procédure pourrait n'intervenir qu'après la tenue des prochaines élections européennes et la prise de fonction des nouveaux députés. Soit, au mieux, en juillet, voire au début de l'automne. En attendant, toute l'Europe des télécoms se retrouverait bloquée, suspendue à des réformes pendantes.