Le parlement européen vote la neutralité du net, elle est encore très contestée
En rejetant tous les amendements proposés, le Parlement européen a adopté cet après-midi le paquet télécoms. Attendu et redouté, la Commission et le Conseil avaient donné leur accord, la machine européenne est à l'unisson.
Adopté ce mardi en session plénière et en seconde lecture, le projet de règlement européen entre immédiatement en vigueur. Il porte sur deux points : la neutralité du net et les frais de roaming (qui eux sont abandonnés). L'essentiel des débats a toutefois porté sur le 1er point. Tous les amendements déposés par les parlementaires ayant été rejetés, le texte est adopté, il entre en vigueur immédiatement pour la neutralité du net, en juin 2017 pour les frais de roaming.
La neutralité telle qu'elle a été adoptée ne l'est que dans les termes, disent les opposants. L'eurodéputée espagnole Pilar del Castillo, qui était rapporteur du texte, a déclaré que "le règlement va faire de l'Europe la seule région dans le monde qui garantit légalement l'Internet ouvert et la neutralité du net", l'europe ne connaîtra pas d'Internet à deux vitesses. "Il sera illégal de fournir un meilleur accès, mais payant," a noté l'eurodéputée.
Les eurodéputés socialistes français ont également approuvé le texte et souligné : "Nous avons réussi à introduire plusieurs garde-fous afin que les "services spécialisés" (la TV sur les offres "triple play", par exemple) ne soient pas confondus avec les "services d'accès à Internet", et ne "cannibalisent" pas ces derniers. Nous avons aussi réussi à inscrire un principe exigeant d'égalité de traitement du trafic conforme à la position forte que le Parlement avait défendue en première lecture. Afin de surveiller et de contrôler l'application de ce principe, les régulateurs nationaux seront obligés d'assurer la pleine mise en oeuvre de cette proposition et disposeront de pouvoirs supplémentaires pour y parvenir" .
Imprécis sur quatre points
Mais les opposants soutiennent que la réglementation sur la neutralité du Net est dénuée de substance. « Le Parlement européen avait le choix d'adopter des amendements pour clarifier son imprécision sur quatre points clés : le zero rating (on ne comptabilise pas dans l'abonnement certains services comme le stockage des données) les services spécialisés (TV et téléphonie sur adsl ont la priorité sur le trafic internet), la gestion du trafic (priorisation de certains trafics comme la TV plus exigeante en qualité) et de la congestion" a estimé Maryant Fernandez Perez, directrice de Digital Rights (EDRi).
"Le Parlement a décidé de ne pas décider poursuit-elle, les législateurs de l'UE viennent juste de décider de laisser aux régulateurs le soin de choisir si, quand et comment les citoyens européens auront la neutralité du net", explique-t-elle dans un courriel. Les fournisseurs d'accès à Internet seront quand même autorisés à bloquer ou livrer lentement du contenu, des applications et des services de certains expéditeurs ou de les destiner à certains destinataires si elle le juge nécessaire pour éviter la congestion du réseau, lutter contre les cyber-attaques, ou bien se conformer aux lois ou obéir aux ordres de la Cour de justice.
D'autres opposants nous précisent que beaucoup des termes adoptés ne sont pas définis, laissant aux opérateurs une grande latitude dans la façon de définir la neutralité de leur trafic Internet. Le texte adopté aujourd'hui est une occasion manquée, surtout maintenant que les Etats-Unis ont des lois de neutralité du réseau.
En photo : l'avocate Maryant Fernandez Perez, directrice de Digital Rights (EDRi) qui argumente sans relâche contre le texte