Le grand bazar de la télévision connectée sur Internet
La télévision connectée, par Google, Microsoft ou Apple, rebat les cartes entre constructeurs, FAI, diffuseurs et producteurs de contenus.
(Source EuroTMT) Le concept est à peine né, les premiers téléviseurs sont à peine vendus que déjà la TV connectée voit s'engager une lutte féroce entre différents protagonistes dont aucun n'a l'assurance de sortir vainqueur. Chaînes de télévision, FAI, géants de l'Internet, fabricants de téléviseurs... Tous ces acteurs se ruent aujourd'hui pour tenter de s'imposer sur ce nouveau marché que l'IDATE estime à 41,3 milliards d'euros d'ici 2015 pour les cinq plus grands pays européens.
Selon une autre étude réalisée par GroupM, 7,6 millions de foyers français pourraient être équipés de téléviseurs connectables à Internet en 2012 et 42,2 % des téléviseurs seront connectés dans le monde d'ici 2014. On comprend que cela attise les convoitises. « A l'instar de l'irruption d'Apple dans le cellulaire, il y a une réelle interpénétration des territoires » relève un familier de ces questions, tout en observant que « la plupart des constructeurs de téléviseurs (Samsung, Sony, LG, Panasonic) sont également présents dans le cellulaire ».
Un bouleversement de la chaine de valeur
« On assiste à un bouleversement complet de la chaîne de valeur » constate Christophe Aulnette, directeur général de Netgem, tout en soulignant la situation assez unique de l'Hexagone avec 25 % des abonnés à l'IP TV dans le monde (soit près de dix millions de foyers français recevant la télévision par le biais de l'ADSL).
« Il y a très clairement deux catégories d'approches, celle des FAI avec des services administrés et celle des fournisseurs de contenus « over the top » (OTT) qui s'affranchissent des contraintes, notamment en matière de droits de diffusion, imposées aux FAI et pour qui la connexion Internet est devenue une simple commodité » décrypte un observateur.
Pour les uns (les fabricants de TV), il s'agit de trouver de nouveaux relais de croissance alors que se multiplient les écrans sur lesquels il est possible de voir du contenu audiovisuel. Les broadcasters essayent pour leur part de défendre leur territoire qui jusqu'à présent s'est révélé assez profitable.
Les FAI tentent de développer un marché qui leur permet de consolider leur chiffre d'affaires (Free a vendu 4,9 millions de VoD et d'abonnements S-VoD au premier semestre 2010). Quant aux majors de l'Internet (Google, Yahoo et même Apple), tels des mercenaires de la technologie, ils s'immiscent partout où ils peuvent espérer gagner de l'argent.
Guerre de mouvement ou guerre de position ?
Guerre de mouvement ou guerre de position ?
Le résultat est pour le moment un joyeux bazar où se nouent des alliances d'intérêt (par exemple entre Google TV et Sony) dont on se demande si le premier objectif n'est pas de neutraliser l'adversaire plutôt que de gagner des parts de marché. « Le paysage n'est pas du tout fixé. Les acteurs, qui génèrent le plus de crainte comme Apple ou Google, n'ont pas encore convaincu. Et les chaînes de télévision qui sont les premières menacées n'ont pas tardé à réagir » explique Sophie Girieud, consultante à l'Idate et auteur d'une étude exhaustive sur la TV Connectée.
Car la question qui sous-tend l'avenir de la TV connectée, c'est de savoir quel est le modèle économique ? « Pour les acteurs du Web, il est clair que le modèle repose sur la publicité avec la possibilité d'aller sur un marché plus large que celui sur lequel ils interviennent actuellement. Et aussi le fait d'intervenir différemment des chaînes de télévision en remplaçant le prime-time par la publicité ciblée, comme ils le font sur le Web. De leur côté, les constructeurs se lancent dans les offres de services de façon parfois très agressives comme Sony et son Qriocity » précise Sophie Girieud.
Mais, contrairement à d'autres experts qui pensent que cette intrusion des fabricants pourraient affaiblir les FAI (« A long terme, les TV connectées et les boîtiers hybrides constituent une menace potentielle sur la valorisation des offres triple play à 30 euros dont 50 % de la valeur est attribuée aux services de télévision » explique le cabinet d'étude NPA Conseil »), l'analyste de l'IDATE estime que les FAI ont une véritable carte à jouer : « les fournisseurs d'accès ont un circuit fermé, un parc d'abonnés captif et surtout une facturation simplifiée et sécurisée puisque tous les services sont payés directement via la facture mensuelles.
La facturation centralisée par le FAI est sa principale force
Ils sont vraiment bien positionnés d'autant plus avec les nouvelles box qui ont pour objectif d'apporter de nouveaux services à la Télévision ». Mais les services proposés (beaucoup de protagonistes rêvent notamment de renouveler la réussite de l'AppStore) ne suffiront pas à eux-seuls à faire le succès de la TV connectée.
La simplicité d'utilisation et l'interface seront également déterminantes : « D'abord, il faut un outil approprié sous forme de pointeur ou de clavier car les télécommandes actuelles ne sont pas du tout adaptées à ces nouveaux services. Mais l'enjeu va surtout être de ne pas perdre la simplicité de la TV. Il faut donc faire attention avec les univers enrichis et la standardisation est donc primordiale. Or dans ce domaine, les grandes chaînes de télévision ont déjà de bonnes habitudes » conclut Sophie Girieud.