Le déploiement de la fibre connait toujours des ratés
Le secteur des télécoms est en proie à plusieurs contestations, du côté du régulateur comme des collectivités. Le déploiement de la fibre se poursuit malgré les ratés qui s'accumulent. Avicca a donc invité InfraNum et l'Arcep pour faire le point sur ce chantier.
Tempête sur le secteur des télécoms. Alors que les industriels du secteur ne cessent de rabâcher que « la France sera fibrée à quasi 100 % d'ici 2025 », les collectivités locales ne sont pas du même avis. Lors d'un événement organisé par Avicca, association qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique, son président Patrick Chaize s'en est largement pris au secteur. Comparant cela à un mauvais film, ce sénateur de l'Ain a fait état de dégradations et de nombreuses malfaçons à l'aide de photos diffusées sur grand écran. « Oui, c'est bien le câble d'un particulier que vous voyez qui court sur la route ». L'effet est réussi, l'indignation est présente. Les chiffres font également froid dans le dos : le taux d'échec de raccordement est aujourd'hui situé entre 15 et 20 %. Dans certaines régions, le taux de panne touche jusqu'à 3 % des clients.
L'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), également présente lors de l'événement, n'a pas manqué de partager ses remarques sur le sujet. Sa présidente, Laure de la Raudière, insiste : « le réseau fibre devient un réseau de référence, pour autant le projet fibre n'est pas de qualité ». Elle évoque ainsi plusieurs points : l'amélioration de la sous-traitance qu'elle souhaite limiter à deux niveaux et la mise en place d'outils de contrôle - notamment un outil « e-intervention » - pour « réduire les coûts et arrêter les frais ». Des indicateurs de qualité seront par la suite intégrés et les résultats devront être monitorés, poursuit-elle. Laure de la Raudière n'a pas caché son mécontentement et estime qu'une plus grande prise de conscience des enjeux est essentielle aujourd'hui.
Un plan national au secours de la filière
Philippe Le Grand, président d'InfraNum, s'est également exprimé pour l'occasion. La fédération qui rassemble les industriels du secteur, a dévoilé un plan d'envergure nationale, soutenu par une tarification adaptée aux territoires. « Il faut concilier une vision nationale et les initiatives locales » assure-t-il. Dans sa feuille de route, InfraNum évoque ainsi la labellisation de l'entreprise en charge du raccordement ainsi que celle de l'intervenant présent sur le terrain. Cela passe par habilitation à réaliser l'intervention, un plan de prévention ainsi qu'un savoir-faire/être. Cette labellisation devra, pour les deux acteurs, être renouvelée annuellement.
Par ailleurs, ces deux leviers doivent être couplés à un contrôle sur ce qui se passe sur le réseau. La date et l'heure de l'intervention doivent être déclarées par les opérateurs, la mise en oeuvre d'un CRI normalisé est nécessaire (complétude des champs, qualité de la photo, ...). Enfin, les outils utilisés par les raccordeurs doivent être homogénéisés (utilisation de l'intelligence artificielle, interface, etc). Ce plan répond à une demande initiale de l'Arcep et de l'ex-secrétaire d'état Cédric O. « Sur dix ans, on estime que c'est à peu près 1,3 milliard d'euros par an qu'il faut mobiliser pour raccorder tous les Français et pour engager le plan de résilience des infrastructures » rapporte Philippe Le Grand. Ce plan devrait ainsi répondre aux problématiques actuelles, à savoir l'accélération de la réalisation des raccordements face à la fin du cuivre.
« Passer de l'ubérisation à l'industrialisation »
Le président d'Avicca a par ailleurs évoqué un autre point sensible : la réhausse des salaires pour la filière, plus précisément pour les sous-traitants. Usant de la métaphore, Patrick Chaize compare les sous-traitants aux livreurs de repas à vélo. L'objectif étant de passer de l'ubérisation à l'industrialisation de ces métiers. « Comme le livreur à vélo doit être payé pour ne pas griller les feux rouges, le sous-traitant doit être mieux payé pour prendre plus de temps lors de l'intervention et apporter une meilleure qualité » complète Philippe Le Grand, ajoutant qu'« sous-traitant bien encadré gagnera mieux ».