Le démantèlement de Bouygues Télécom va réduire la concurrence
Ce mardi, le projet de vente de Bouygues Télécom devrait être annoncé, une vente qui se traduira par un démantèlement, Orange ne pouvant pour des raisons de règles concurrentielles, reprendre la totalité du groupe. La réduction de 4 à 3 opérateurs, souhaitée par la profession et le gouvernement, ne peut qu'inquiéter, pour le marché grand public et surtout pour le marché des entreprises et le développement de la fibre optique.
Des négociations âpres se poursuivent entre Orange et Bouygues Télécoms, mais surtout entre Orange et Free. Ce dernier veut débourser le moins d'argent possible. Le deal, souhaité par cette bande des quatre (les trois et Altice) et le gouvernement, semble en bonne voie. Selon nos confrères du Figaro, Orange rachètera une partie de Bouygues Télécom, mais doit négocier avec Free et Altice pour qu'ils participent à l'opération, afin de garder une saine concurrence. Le réseau de fréquences mobiles ira à Free (pour 2 milliards d'euros, selon cette source), les abonnés grand public se partageront entre Free et SFR Numéricable. Une bataille de chiffonnier oppose ces deux opérateurs, d'autant que tous les abonnés n'ont pas la même valeur, Le Figaro avance qu'Orange se réserverait les 2 millions d'abonnés rentables et laisserait ceux de B&You, de la BBox et des PME à ses deux rivaux.
Il reste trois inconnues, la partie entreprise, le réseau fixe et les boutiques. On se souvient que Bouygues Télécom compte en propre une activité plutôt dédiée aux PME, Coriolis s'est montré intéressé. Mais Bouygues Télécom détient aussi une joint-venture avec Telefonica pour les grandes multinationales dont on ignore le sort. Le réseau fixe reste également un sujet peu commenté. Quant aux boutiques, 550 avec quelques 3 000 salariés, nul ne connaît leur destinée, tous les opérateurs réduisent leur nombre et modernisent massivement celles qu'ils gardent. Free pour sa part s'est limité à de petites boutiques dans les villes moyennes.
De 6 à 10 milliards d'euros
Reste à fixer le prix, ce qui fait les délices des commentaires. Patrick Drahi était monté jusqu'à 10 milliards d'euros dans son projet de reprise de Bouygues Télécom, les analystes du secteur évaluent l'opérateur à 6 ou 7 milliards dans le meilleur des cas. Le gouvernement a également fixé pour ligne rouge l'absence de licenciement, ce qui pèse dans les négociations surtout pour les boutiques. Il a accepté, depuis le passage d'Arnaud Montebourg au gouvernement, la réduction du nombre d'opérateurs, le surcroit investissement qui en découlerait étant préférable à la baisse des prix destructrice de marge en cours depuis l'arrivée de Free Mobile. Un raisonnement fragile, avant même la réduction du nombre d'opérateurs, la plupart d'entre eux tablent sur des hausses des tarifs pour rémunérer des services supplémentaires. Et le marché entreprises par exemple semble plus proche du duopole que de la concurrence pleine et entière. Le développement de la fibre optique a également sévèrement été pénalisé par le rachat de SFR.
La position de gouvernement n'est pas aussi simple qu'annoncé. Le groupe Bouygues deviendra actionnaire significatif d'Orange puisqu'il souhaite être payé en actions. Or l'Etat, par l'intermédiaire de l'APE et de la BPI, détient 23% du capital. Bouygues peut-il menacer la majorité de l'Etat dans l'opérateur anciennement historique ? Son arrivée diluera automatiquement le montant de la participation de l'Etat qui doit montrer sa prédominance à ce capital tout en favorisant la reprise de Bouygues Télécom qu'il a souhaité. Et les Autorités de régulation n'ont aucune raison de laisser faire l'opération sans réagir, il est évident que la concurrence s'en trouvera réduite sur le grand public et encore plus entravé par un duopole sur le marché des entreprises.
En photo : le rachat de Bouygues Télécom par Orange est bien engagé mais doit passer devant les régulateurs