La révolution numérique possède sa face sombre
Aux Assises de la Sécurité de Monaco, la conférence plénière du 4 octobre 2012 a réuni David De Walt, chairman de FireEye et ancien patron de McAfee, et l'écrivain Jean-Christophe Rufin.
La révolution numérique a son côté sombre : les cybercriminels. L'entrepreneur David De Walt et l'académicien Jean-Christophe Rufin ont réalisé sur ce thème une brillante conférence. Ils s'exprimaient dans le cadre de la conférence plénière des Assises de la Sécurité à Monaco le 4 octobre 2012.
David De Walt, chairman de FireEye, ancien patron de McAfee, administrateur de grandes sociétés, consultant et conférencier, travaille depuis 26 ans dans l'IT et considère que notre époque est la plus « excitante » dans l'histoire humaine et même dans celle de l'informatique. Toutes les nouvelles vagues technologiques (mobile, cloud, social...) transforment comme jamais le monde. Mais cette transformation implique que, de la même façon, les dangers se transforment et s'accroissent de la même façon. Et, malgré les investissements consentis, la quasi-totalité des entreprises dans le monde ont un système d'information compromis à un niveau ou à un autre. Selon lui, « deux millions de sites web sont créés chaque mois dans le seul but de tromper quelqu'un et de compromettre son terminal ».
L'endroit (Les Assises) était bien choisi pour lancer son appel à travailler tous ensemble pour rendre le monde plus sûr : secteur privé, organisations gouvernementales et grand public doivent être main dans la main.
Jean-Christophe Rufin, médecin co-fondateur de Médecins Sans Frontières (MSF), académicien Prix Goncourt et ancien ambassadeur, a pris la suite pour rappeler combien les nouveaux dangers ressemblent et sont associés aux dangers plus classiques. Les pirates, après tout, procèdent par guérilla.
Son centre d'intérêt n'est pas la technique mais plus les groupes armés, qu'il connaît depuis ses jeunes années au sein de MSF. « La guerre asymétrique n'est pas nouvelle et des groupes comme Al Qaïda ne sont que sous-produits de ce qui avait été fabriqué lors de la Guerre Froide pour lutter contre les Soviétiques » a-t-il rappelé. Ces groupes violents ne sont plus aujourd'hui contrôlés par les super-puissances qui les ont créés. Ils sont aujourd'hui autonomes et déterritorialisés. Il en résulte un désordre total sur le terrain et des combats mondialisés à but mondial. « Al Qaïda, issu de l'Afghanistan, a ainsi pu attaquer les Etats-Unis et détruire le World Trade Center ; le groupe algérien visant à prendre le pouvoir en Algérie s'est transformé en AQMI » a rappelé l'écrivain.
Ces groupes armés ont une grande maîtrise des systèmes d'information et d'Internet. Les technologies sont utilisées tant pour permettre la communication interne entre combattants dispersés que pour leur propagande mondiale. Et ils ne sont pas naïfs. Selon l'ancien ambassadeur, « les messages vraiment sensibles ne passent pas par Internet, où ils peuvent être écoutés, mais par un messager humain qui va se déplacer à dos de chameau sur des centaines de kilomètres. »
De la même façon, les Anonymous et autres mouvements pseudo-anarchistes sont les héritiers des mouvements issus de Mai 1968. Les mouvements opposant la justice humaine au droit international, le citoyen contre l'Etat, comme Médecins Sans Frontières, étaient « gentils ». « L'humanitaire n'a pas empêché les guerres ou changé réellement le monde, d'où la naissance de mouvements plus radicaux comme Greenpeace ou Attac » reconnaît l'ancien fondateur de MSF.
Suite à un nouvel échec, des groupes encore plus radicaux (...)
Suite à un nouvel échec, des groupes encore plus radicaux sont nés mais toujours dans la démarche du citoyen contre l'Etat. L'auteur de « Le Parfum d'Adam » a rappelé que les écologistes les plus radicaux peuvent devenir des terroristes, même « s'ils sont vus comme plus sympathiques qu'AQMI, avec l'image du Robin des Bois contre le Prince Jean ».
Mais la stratégie de groupes comme les Anonymous est très floue et changeante même si la filiation idéologique est claire. Il n'y a en effet pas de chef. Et pas de corpus idéologique très strict en dehors du pseudo-anarchisme. « La criminalité organisée est dangereuse, la criminalité désorganisée est pire » observe Jean-Christophe Rufin.
Le roman « Globalia » est ainsi dépassé comme le reconnaît son auteur : « on ne peut pas créer une bulle ici nous isolant des groupes violents lointains car il y a aussi des groupes violents locaux. »
Et tous ces groupes lancent un défi aux démocraties occidentales selon l'écrivain : « ils cherchent à démontrer que nos Etats démocratiques sont autant totalitaires que les dictatures » en nous poussant dans les démarches sécuritaires.