La défense française sous l'influence de Microsoft ?
Une association d'utilisateurs des logiciels libres s'inquiète de la signature d'un accord-cadre entre Microsoft Irlande et le Ministère de la défense français. Le contrat porte sur la fourniture de la plupart des logiciels de l'éditeur à un prix préférentiel et la mise en place d'un centre de compétences commun.
Dans une lettre adressée le 11 février dernier à plusieurs parlementaires, l'AFUL (L'Association des Utilisateurs Francophones de Logiciels Libres) entend attirer l'attention sur la signature le 25 mai 2009, d'un accord-cadre entre la société Microsoft Irlande et la DIRISI (Direction Interarmées des Réseaux d'Infrastructures et des Systèmes d'Information) pour une durée de 4 ans.
Ce contrat prévoit la possibilité d'équiper tous les ordinateurs du ministère avec la quasi-totalité des logiciels de l'éditeur, pour une somme de 100 € HT par poste. Selon cette lettre, « l'accord signé en 2009 portait sur un nombre de 188 500 postes (soit 18,85 millions d'euros HT), ajustable de 170 000 postes au minimum jusqu'à un maximum de 240 000 postes ». L'AFUL constate qu'il s'agit « d'une option d'achat pour une somme maximum de 5,15 millions d'euros HT sans appel d'offre, ni procédure de marché public ».
Interrogée sur ce dernier point, Nathalie Wright, directrice Secteur Public de Microsoft France explique que « l'accord cadre porte sur le maintien en condition opérationnelle des systèmes informatiques. Il s'inscrit dans les dispositions réglementaires de la modernisation des achats. Nous avons strictement respecté les procédures des marchés publics » et d'ajouter « les discussions sur ce sujet ont ...
Illustration D.R.
... débuté en octobre 2007 et suivi scrupuleusement l'ensemble des procédures ». En revanche, aucun commentaire n'a été apporté sur le contenu du contrat (les logiciels fournis) et notamment sur le forfait proposé à un tarif très attractif. Et pourquoi ce forfait ne serait-il pas étendu à d'autres administrations ?
Face à cet accord, l'association AFUL craint l'arrêt de toutes les recherches ou les expérimentations d'alternative aux logiciels de Microsoft. Cela marquerait ainsi un frein au développement de l'Open Source au sein des administrations de Défense au regard des récents contrats passés entre la DGA (Direction Générale de l'Armement) avec Linagora ou de la solution Alfresco pour le système d'information documentaire de l'Armée de l'air.
L'AFUL insiste également sur la création d'un Centre de Compétence Microsoft (CCMS) situé dans les locaux de la DIRISI au Fort de Bicêtre, qui est composé d'ingénieurs de l'éditeur et de personnels du Ministère de la Défense. Selon l'association, cette forte intégration soulève des questions sur le fait qu'une société privée aura « une vision exhaustive de l'architecture et de la situation géographique des différents organismes de notre défense, un accès complet aux différents systèmes d'information et à l'administration des données y transitant ».
La lettre se termine par des interrogations sur l'indépendance informatique de la France dans son système d'information de défense. A ce jour, l'AFUL a obtenu très peu de réponses de la part des parlementaires sollicités. A l'heure de la publication de cet article, le Ministère de la Défense n'avait pas encore répondu à notre invitation à s'exprimer sur les différents sujets de cette lettre.