La conférence mondiale sur les télécoms finit sur un désaccord
La mise à jour du règlement des télécoms internationales n'a pas été votée par 55 pays. La France a refusé de signer un texte ambigu qui laisse la porte ouverte à un contrôle d'internet par les Etats. Les Etats Unis sont dans le même cas mais pour leurs propres raisons.
Fleur Pellerin, Ministre de l'économie numérique, l'a confirmé vendredi 14 décembre: la France refuse de signer le texte adopté par la Conférence mondiale sur les télécoms qui s'est tenue à Dubaï du 3 au 14 décembre, organisée par l'UIT (Union Internationale des télécommunications), une organisation qui dépend de l'ONU.
C'est le cas également de la plupart des partenaires européens de la France (Allemagne, Autriche, Andorre, Belgique, Espagne, Estonie, Hongrie, Grèce, Irlande, Italie, Liechtenstein, Lettonie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays bas, Pologne, Portugal, Slovaquie, république tchèque, Suède, Suisse), de la Grande Bretagne, des Etats Unis ou du Japon. La moitié des pays membres seulement ont signé (89 pays sur 193). 55 pays ont refusé.
La ministre n'a pas pu se rallier au texte car elle estime que certaines dispositions du nouveau traité sont susceptibles d'être interprétées comme une remise en cause « des principes fondant notre position et celle des pays européens ».
Le texte soulève des inquiétudes
Pour Fleur Pellerin, « Internet est un bien commun, qui doit rester libre et ouvert. Nous ne pouvions pas signer un texte qui soulevait de telles inquiétudes auprès des organisations non-gouvernementales et des acteurs du numérique. »
La Conférence mondiale des télécommunications Internationales (CMTI), organisée par l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) à Dubaï, du 3 au 14 décembre 2012, avait pour objet de réviser le règlement des télécommunications internationales (RTI), entré en vigueur en 1988. Ce texte devait être revisité, compte tenu des évolutions technologiques et réglementaires intervenues dans ce secteur.
La France sur la même ligne que les Etats Unis
Photo : conférence de l'IUT à Dubai (Certains droits réservés par itupictures)
La France sur la même ligne que les Etats Unis
Etonnamment, la France est sur la même ligne que les Etats Unis. Terry Kramer le chef de la délégation américaine s'est plaint jeudi 13 décembre que certains pays membres voudraient essayer de réglementer internet ou son contenu par le biais d'une agence de l'ONU.
Il y a eu une controverse suite à la proposition de l'Australie, de la Pologne et d'autres pays de préciser qu'une disposition concernant la sécurité des réseaux était limitée aux seuls aspects techniques. Tout ce qui pouvait être mal interprété comme touchant le contenu soulevait de vives appréhensions durant la conférence.
Plusieurs propositions lors de la conférence, émanant de la Russie, de la Chine et de certains pays arabes avaient proposé un contrôle multinational sur internet, donnant un rôle égal à chacun des membres de l'IUT dans le contrôle d'internet. Une approche qui ne pouvait qu'irriter les Etats Unis. En effet, la majorité du contrôle d'internet est actuellement entre les mains de l'Icann (Internet corporation for Assigned Names and Numbers), qui alloue les noms de domaine et qui est une organisation sous contrat avec le gouvernement américain.
Au final, la résolution destinée à « favoriser un environnement propice à la plus grande croissance d'internet » qui figure après l'annexe du projet de traité, stipule « qu'internet est un élément central de l'infrastructure de l'économie de l'information et reconnaît que tous les gouvernements devraient avoir un rôle égal et la responsabilité de gouvernance internationale, la sécurité et la stabilité d'internet et son développement futur ».
Des mécanismes de censure
Des mécanismes de censure
Les résolutions ne sont pas en principe obligatoires pour les Etats membres. Elles sont décrites comme le mécanisme standard par lequel une conférence charge ses organes subsidiaires tels que le conseil de l'UIT ou les bureaux de l'UIT à prendre un certain type d'action.
Reste que ce texte a été vu comme une possibilité de mettre en place des mécanismes de censure par les Etats membres. Les Etats Unis y ont même vu une menace directe sur leurs intérêts économiques.
Le préambule du traité proposé inclut une référence à des obligations en matière de droits, ce qui était également un sujet de controverse lors de la conférence avec des pays comme la Malaisie insistant sur le fait qu'il n'a pas sa place dans le préambule, mais devrait plutôt figurer dans la constitution de l'UIT.
L'internet Society a déclaré dans un communiqué qu'elle était déçue par la division fondamentale lors de la conférence. « Il était très important que ce traité ne s'étende pas au contenu, implicitement ou explicitement, sapant les principes qui ont rendu internet si bénéfique » a ajouté l'organisation.
Les apaisements du secrétaire général sans effet
Les apaisements du secrétaire général sans effet
Le fait que le secrétaire général de l'UIT, Hamadoun I. Touré, ait insisté sur le fait que le nouveau traité de régulation ne concernait pas les contenus ni internet n'aura donc pas suffit à calmer les appréhensions. Le secrétaire général a également voulu montrer la convergence entre les deux mondes des télécoms et de l'internet en ouvrant la conférence aux côté du directeur général de l'Icann, Fadi Chehadé.
La France avait pris part à la Conférence Mondiale des Télécommunications Internationales en s'appuyant sur quelques principes clés. Il s'agit du maintien du champ d'intervention du RTI aux seules télécommunications, correspondant au périmètre d'activité de l'UIT ; le RTI devait être compatible avec tous les autres accords et traités européens et internationaux en vigueur dans ce domaine ;
Enfin, le RTI doit un strict respect de la souveraineté des Etats (sécurité nationale, cybersécurité, etc.). Lors de la conférence, la France a multiplié les échanges avec les représentants des pays en voie de développement et des pays émergents. Le résultat semble maigre toutefois, mais aura au moins permis une meilleure compréhension des positions de chacun.