L'association de consommateurs CLCV assigne dix opérateurs mobiles pour clauses abusives

le 07/01/2013, par Jean Pierre Blettner, Régulation télécoms, 2262 mots

Les conditions générales de vente des contrats de téléphonie mobile sont trop complexes et déséquilibrées au désavantage des consommateurs estime l'association CLCV. Elle assigne en justice dix opérateurs dont Orange, SFR, Bouygues Télécoms et Free Mobile.

L'association de consommateurs CLCV assigne dix opérateurs mobiles pour clauses abusives

L'association de consommateurs CLCV (Consommation Logement Cadre de vie) assigne dix opérateurs mobiles en justice. L'association indique avoir étudié les contrats des principaux opérateurs suite à des alertes venues de nombreux consommateurs afin de vérifier si l'équilibre de la relation entre consommateur et professionnel était respecté.

La CLCV estime que ces contrats comportent des dispositions inacceptables et parle de clauses abusives. Afin d'obtenir un rééquilibrage des contrats, la CLCV a décidé d'assigner en justice dix opérateurs de téléphonie mobile : Orange, SFR, Bouygues, Free, Virgin Mobile, La poste Mobile, Coriolis, Numéricâble, Prixtel, Sim Plus. 

En préambule, la CLCV estime que les conditions générales étudiées sont denses et techniques. Elles ne sont donc pas adaptées à une clientèle non experte du sujet. Les services sont complexes et l'usager n'en a souvent pas la maîtrise technique. En ce qui concerne les conditions générales, « cela décourage de les lire et de les comprendre » pointe la CLCV. 

L'association relève également quatre dispositions récurrentes qu'elle estime inacceptables dans les différents contrats :

Des limites vagues voire incompréhensibles ...



Des limites vagues voire incompréhensibles 

1/Les limites du contrat sont souvent définies de manière extrêmement vague voire incompréhensible, permettant de le réinterpréter au besoin. Exemple, une offre dite « illimitée » sera soumise à une «utilisation non abusive » ou à un « usage raisonnable » qui sont des termes flous.

2/Les opérateurs limitent leur responsabilité en cas d'absence ou de mauvais service, le consommateur étant trompé sur ses possibilités d'indemnisation en cas de mauvais service.

3/Les opérateurs demandent à leur client le paiement d'un service qui n'est plus rendu. Ainsi, en cas de perte ou vol de son téléphone, celui-ci continue de payer un abonnement dont il ne profite plus.

4/La facturation est parfois abusive.

Parallèlement à cette assignation, la CLCV demande un renforcement des pouvoirs de la Commission des clauses abusives dont les décisions devraient avoir force obligatoire ; la mise en place de sanctions financières dissuasives, proportionnées au chiffre d'affaires, à l'encontre des entreprises insérant dans leur contrat des clauses abusives et qu'une décision de justice constatant une clause abusive s'applique à tous les contrats équivalents.

Un ensemble de dispositions glanées au fil des contrats ...



Un ensemble de dispositions glanées au fil des contrats 

La CLCV cite un ensemble de dispositions qu'elle a pu relever au fil de la lecture des contrats. Elle estime que lorsque le professionnel prévoit les utilisations qu'il veut limiter ou interdire, la liste ne sera pas toujours compréhensible et commencera bien souvent par « notamment.  » Pour l'association cela laisse entendre que d'autres limites non citées peuvent être ajoutées après la souscription du contrat.

Pour la CLCV, dans les faits, ces formulations permettent à l'opérateur de réinterpréter le contrat en cours d'abonnement en interdisant un usage auquel il n'a pas pensé à la souscription ou qu'il n'a pas voulu préciser pour des raisons concurrentielles.  Le consommateur se retrouve alors soumis à la volonté du professionnel alors que le contrat doit être l'expression d'une volonté réciproque sur des engagements clairs et connus.

La CLCV liste ainsi les exemples de Conditions Générales (CG) suivants : 

CG Coriolis - juin 2012

Art 10.3 Offres de Services contenant des illimités

(...) Lorsque les communications voix, ou SMS illimités sont possibles, elles ne sont autorisées qu'entre deux personnes physiques et pour un usage non lucratif direct.

L'Abonné s'engage à adopter un comportement raisonnable lorsqu'il émet des communications dans le cadre d'une offre de Services contenant des illimités et ce, afin de permettre à tous les abonnés d'accéder au réseau dans des conditions optimales.

En cas d'utilisation frauduleuse et/ou non-conforme aux indications figurant dans le Guide et/ou les Fiches Tarifaires ou non-respect du comportement raisonnable, le Contrat pourra être suspendu sans délai à compter d'une simple notification adressée par tous moyens puis résilié dans les conditions de l'article 17 des présentes et dans tous les cas CORIOLIS TELECOM se réserve le droit de refacturer les communications ou SMS émis irrégulièrement ou interdits au prix d'une communication hors forfait, au tarif mentionné dans le Guide et/ou la Fiche Tarifaire ou d'une communication dans le forfait pour les forfaits bloqués.  Constituent notamment des cas d'utilisation non-conformes d'une offre de Services comprenant des communications voix, data ou SMS illimités :

i) le détournement de l'offre,

ii) l'utilisation des offres, des communications ou des SMS aux fins d'en faire commerce, (...)

 

CGS B&You - 6 novembre 2012

QUELS SONT VOS ENGAGEMENTS ?

Tout usage susceptible de dégrader le service est interdit. A ce titre, la liste des usages interdits est mise à jour depuis le site b-and-you.fr et comprend :

-l'utilisation du Service pour créer un serveur vocal et/ou rerouter et/ou détourner des communications;

-la cession (commercialisation ou transmission de votre Service sans notre accord). Elle est présumée, sauf preuve contraire :

- lorsque sont appelés plus de 199 correspondants différents au moyen d'au moins 6 terminaux identifiés par leur numéro de série (IMEI) durant une même période de facturation pour les forfaits.

- lorsque sont appelés plus de 99 correspondants différents sur une durée totale de 3 jours pour la carte prépayée.

-l'utilisation du Service générant une consommation supérieure à 24h/jour ou permettant de bénéficier d'une rémunération ou d'en faire commerce ou consistant en une numérotation automatique ou continue ; (...)



De fait, les dispositions peuvent être assez complexes à maîtriser si l'on prend l'exemple de Numéricâble qui s'appuie sur les chiffres de l'Arcep pour définir ce qu'est une utilisation normale :

CGV Numéricâble - 30 octobre 2012

Art 3.7.1 Les offres de téléphonie forfaitaires (ou destinations incluses)

(...) Les offres de téléphonie concernent uniquement les communications et /ou les envois de SMS et MMS effectues par des personnes physiques dans le cadre d'un usage prive et d'une utilisation normale d'un client grand public.

Hormis la consommation dans le cadre des forfaits bloques, est considérée comme une utilisation normale d'un client grand public la consommation moyenne d'un abonne grand public métropolitain issu de la dernière publication par l'Arcep de l'Observatoire Annuel des Marches, augmentée d'une marge de 500% pour les communications et d'une marge de 200% pour les SMS ; Sont notamment exclus des offres forfaitaires : (....)

La CLCV présente des exemples de clauses dans lesquelles elle estime que les opérateurs tentent abusivement de limiter leur responsabilité. La CLCV souligne qu'une clause est abusive quand elle supprime ou réduit le droit à réparation du consommateur face à un professionnel qui lui fournit mal ou pas du tout le service.

L'association estime que de nombreux opérateurs tentent « d'aménager » ce principe par de multiples moyens. La CLCV relève que les opérateurs sont tenus de prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l'exploitation, mais que certains présentent leurs obligations de manière beaucoup moins contraignante :



CGV Coriolis - juin 2012


Article 14.2

14.2 CORIOLIS TELECOM rappelle que le Service est fourni à partir du réseau de l'Opérateur SFR (ci-après le « Réseau ») et que les communications émises et reçues sont acheminées par le Réseau de cet Opérateur dans le cadre d'une obligation générale de moyens.

La CLCV signale que des contrats prévoient une indemnité forfaitaire d'un montant de 1 euro :  

CS Sosh - 22 novembre 2012

Engagements d'Orange

Qualité de Service

(a) Niveau de Qualité de Service

(...) Lorsqu'il constate un incident du réseau dans sa zone de mobilité, le Client peut contacter son service clients au plus tard dans un délai d'une (1) heure suivant la disparition de la fin de l'incident sur la carte météo. Dans ce cas, le Client peut prétendre à une indemnisation forfaitaire au choix, d'un euro (1€) ou un crédit de dix minutes (10 minutes) de communications voix en France métropolitaine. Le Client détenant un forfait bloqué ne peut solliciter que le crédit d'un euro (1€). Dans tous les cas, l'indemnisation est accordée sous réserve que la météo du réseau confirme cet incident et que le Client puisse justifier, par tout moyen, qu'il était dans cette zone au moment de l'incident. (...)

La CLCV note que d'autres clauses limitent la responsabilité de l'opérateur uniquement aux cas de défaillance technique les plus importants :



CGV Sim plus


Article 12 : Responsabilité - Garantie

En cas de défaillance technique des appels entrants et sortants, le Client reconnaît expressément que l'Opérateur n'en est pas responsable à la condition qu'il ne porte pas sur plus de 20 %. Le Client reconnaît également que la durée moyenne d'établissement d'un appel est de 5 secondes.

Le service est décrit comme dépendant du lieu et du moment de la navigation :    

CG Free - 10 septembre 2012

ARTICLE 1 : Service

Le service de Free Mobile (« Service ») permet un accès à un service mobile et à des services accessoires ou optionnels dans les zones couvertes par son réseau et celui de ses opérateurs partenaires, avec un mobile compatible et à l'aide d'une SIM Free Mobile. Le réseau de Free Mobile comme celui de ses partenaires est mutualisé entre tous les abonnés et, par conséquent, le Service dépend en particulier du volume du trafic sur le réseau, de l'endroit où l'abonné accède au réseau et du moment de sa communication/navigation. (...)

Côté facturation, la CLCV relève que l'opérateur peut demander une avance sur facture si le service est un peu trop utilisé. Le non versement de cette avance pourra conduire à la suspension voire à la résiliation du contrat.

CGA la poste mobile - 14 octobre 2012

4.4. Avance sur consommation en cours d'exécution du contrat d'abonnement

Pour chaque carte SIM, LA POSTE MOBILE peut, en cours d'exécution du contrat, demander à l'Abonné une avance sur consommation dans les cas suivants :

- incidents de paiement en cours au titre de l'un des contrats conclus avec LA POSTE MOBILE,

- lorsque l'Abonné a passé des communications non comprises dans sa « formule d'abonnement » pour un montant supérieur à 45 euros. (...)

L'association relève qu'en cas d'impayés, il sera appliqué des pénalités sans prévoir de contrepartie équivalente pour l'opérateur quand il manque à ses obligations :

CGS Prixtel - 20 novembre 2012

3.3. Défaut de paiement

Sans préjudice de l'application de l'Article 7, en cas de défaut partiel ou total de paiement à échéance d'une facture, le CLIENT est redevable d'une indemnité forfaitaire égale à 10 € TTC. Les frais de recouvrement seront à la charge du CLIENT en cas d'obtention par PRIXTEL d'un titre exécutoire ou d'exécution forcée contre lui. (...)
 

CGV Numéricâble - 30 octobre 2012

Article 10.3 - Retard ou défaut de paiement

(...) La Société facturera au Client, a titre de clause pénale, les couts internes engendres par le traitement et le suivi de retards ou de défauts de paiement non justifies, d'un montant égal ou supérieur a trente (30) euros, dans les conditions suivantes :

- quatre (4) euros pour un Client ayant dépassé de plus de quinze (15) jours la date limite de paiement de la première facture débitrice, après réception d'une lettre de relance et en l'absence de justification de l'impayé ;

- huit (8) euros pour un Client ayant dépassé de plus de quinze (15) jours la date limite de paiement de la deuxième facture débitrice, après réception d'une lettre de relance et en l'absence de justification de l'impayé ;

- huit (8) euros pour un Client ayant dépassé de plus de cinquante-cinq (55) jours la date limite de paiement de la deuxième facture débitrice, après réception d'une lettre de relance et en l'absence de justification de l'impayé ; (...)

 

La CLCV relève que les opérateurs ont prévu plusieurs cas où ils continuent à facturer le consommateur alors qu'ils ont cessé de lui fournir le service.   Lorsque la carte sim a été perdue ou volée, l'opérateur continuera pourtant à vous facturer normalement l'abonnement alors qu'il sait que son client n'a plus de service :

CG SFR - juin 2012

Article 3.2

En cas de perte ou de vol de sa carte SIM, l'Abonné en informe immédiatement SFR par téléphone et sa ligne est mise hors service dès réception de l'appel. Il doit confirmer le vol ou la perte par lettre recommandée avec accusé de réception accompagnée, en cas de vol, d'une copie du dépôt de la plainte déposée auprès du commissariat ou des autorités compétentes. Le contrat reste en vigueur et les redevances d'abonnement sont facturées pendant la période durant laquelle la ligne est suspendue. SFR ne saurait être tenue responsable des conséquences d'une déclaration de vol ou de perte, faite par téléphone, télécopie, télégramme, ou tout autre moyen similaire, qui n'émanerait pas de l'Abonné. La ligne est remise en service sur simple demande de l'Abonné, après vérification de ses coordonnées.

 La CLCV note que certains contrats prévoient de manière plus ou moins claire, que certaines utilisations du service justifieront la suspension ou la résiliation de l'abonnement par l'opérateur aux torts du client. Mais après avoir résilié les abonnements, certains opérateurs prévoient de continuer à facturer l'abonnement  jusqu'à la fin de la durée d'engagement souscrite :

CGA Virgin Mobile - 14 novembre 2012

Article 11 Suspension - Interruption du service

11.1 L'accès aux Services peut être suspendu de plein droit, sans que le Client puisse prétendre à une quelconque indemnisation, après qu'il en ait été notifié par tout moyen, portant mise en demeure et resté sans effet pendant le délai indiqué, dans les cas suivants :

(...)

11.2 Après avoir contacté le Client, Virgin Mobile se réserve le droit de limiter l'accès au Service à la seule réception des communications, sans que le Client ne puisse se prévaloir d'une quelconque indemnité sauf à prouver une faute de Virgin Mobile :

- En cas d'utilisation anormale du Service comme définie à l'article 10.5,

- En cas de changement de domicile ou de coordonnées bancaires non-communiqués au Service Client Virgin Mobile

- En cas de non règlement de l'avance sur consommation si l'en-cours fixé à l'article 3.3 est atteint

(...) 

11.4 Dans tous les cas visés par cet article, l'abonnement au Service reste dû pendant la période de suspension du Service.

(...)

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