Jean Tirole : un Nobel d'économie spécialiste de la régulation
Qu'un français soit prix Nobel d'économie, le fait est suffisamment rare pour soulever les éloges, derrière se profile un économiste peut médiatique mais familier du monde des télécoms. Jean Tirole a par exemple publié dans la Lettre de l'Arcep deux articles sur la régulation dont il est un des meilleurs spécialiste mondiaux (*).
Le jury du prix Nobel d'économie a souligné dans son communiqué la contribution de Jean Tirole (en photo) aux nouvelles formes de concurrence. Sur certains marchés, des entreprises puissantes règnent et ne peuvent être soumise directement aux lois de la concurrence. Celles-ci sont même inopérantes. Il faut une phase intermédiaire, un secteur à part entre le secteur public et la concurrence totale, c'est là qu'intervient la régulation, afin de produire des règles économiques adaptées, compréhensibles et plus justes.
Cette théorie de la régulation implique des règles et des Autorités pour les faire appliquer, par exemple pour ajuster les prix pratiqués par les monopoles ou interdire les ententes entre concurrents. Les entreprises doivent néanmoins pouvoir coopérer entre elles. Le secteur des utilities, les anciens services publics, rendus à la concurrence se prêtent particulièrement à cette économie de la régulation. Jean Tirole a surtout travaillé sur les télécoms et la banque.
Ce n'est pas noir ou blanc
Le nouveau prix Nobel a aussi démontré de manière nuancé ses théories. Ce n'est pas noir ou blanc, les règles de la régulation peuvent aboutir à un fonctionnement acceptable du marché ou déboucher sur le résultat inverse. La régulation est donc un exercice pratique. Ses travaux sont particulièrement utiles aux pouvoirs publics, ils sont d'ailleurs connus partout dans le monde, même si la France n'a pas toujours fait bon accueil à Jean Tirole, qui a pourtant choisi ses universités au sortir du MIT. Il avait auparavant fait Polytechnique, les Mines, il est également titulaire d'un Doctorat en mathématiques et d'un Ph.D du MIT.
A ce rapide portrait, nous pourrons ajouter d'autres travaux liés au numérique, en particulier sur les normes et la propriété intellectuelle. Mais Jean Tirole est aussi à l'origine de deux concepts plus connus même si peu d'observateurs savent qu'il en est à l'origine. Le premier est le célèbre pollueur-payeur, l'autre le licencieur-payeur. Dans les deux cas, l'acteur, l'agent économique qui favorise un phénomène perturbant, pollution ou licenciement doit payer. Il a ainsi milité pour les permis de polluer. Et suggéré (avec Olivier Blanchard du MIT) que les entreprises paient une taxe sur les licenciements en échange d'une réduction de leurs contributions et d'un allègement des procédures.
(*) «La nouvelle donne n'élimine pas l'Etat, mais redéfinit son rôle : l'Etat producteur d'antan est en partie devenu un Etat régulateur. L'Etat n'est pas affaibli : au contraire, il peut utiliser l'indépendance de sa régulation pour mettre plus en avant le service du public ».
Extraits de la Lettre de l'Arcep, janvier-février 2007.